mardi 31 juillet 2012

Interview avec Boogers

(c) Guillaume Le Baude

C’est juste avant la sortie de son deuxième effort « More Better » que nous avons rencontré Boogers. Affalé sur un canapé, ce dernier prend le temps d’évoquer ses inspirations et sa conception de la musique. Une rencontre très sympathique…

Comment as-tu commencé la musique ?
Boogers : Mon premier rapport à la musique c’est les disques. J’ai un oncle qui avait fait son service militaire en Allemagne de 1971 à 1973 qui était fana de musique. Il est rentré avec 300 vinyles ! Il est mort assez jeune en 1978 et comme c’était mon parrain j’ai récupéré tout le stock de disques. Il y avait tout le Krautrock. C’est des disques que j’ai eus à 8, 9 ans. Ils étaient dans ma salle de jeux. J’avais une platine vinyle alors j’écoutais mais sans savoir ce que j’écoutais. Les pochettes étaient hyper belles, ça me fascinait… Tout en jouant aux big jim et aux légos. Après en commençant à lire Best et Rock n’Folk, je voyais les disques de mon oncle qui étaient chroniqués comme des œuvres hyper importantes : Can, Neu, Kraftwerk… Là j’ai commencé à comprendre. Après t’as toujours un pote à 10, 12 ans qui fait de la guitare. Il y avait une pièce hyper grande chez mes parents qui servaient de salle de répétition pour les potes. Ils laissaient leurs instruments de musique. Moi je me suis pris de passion pour la batterie. Je jouais sur des cagettes en fer. A l’époque j’étais obnubilé par Téléphone. Mes parents en ont eu marre de me voir défoncer toutes les poubelles et les cagettes du quartier ! Le deal c’était si t’as 12 au prochain trimestre on t’achète une batterie. J’ai eu 10 mais j’ai eu une batterie quand même. J’ai fait de la batterie à mort en écoutant les disques. Mes profs c’étaient les disques. Deux, trois guitares et un quatre pistes qui traînent ensuite. C’est parti comme ça. C’est vraiment de la découverte par moi-même, on ne m’a jamais forcé. Mes deux grands pères étaient accordéonistes mais c’est tout… On m’a obligé à faire de solfège petit mais j’ai arrêté très vite même si j’étais premier de la classe. Ca ne me plaisait pas.

Tu fais beaucoup de choses tout seul, un peu bricolo. Tu as ton propre home studio ?
B. : Pas vraiment, c’est un petit studio à Tours. En fait c’est un ancien studio que j’ai récupéré avec un copain. Il n’y a plus rien dedans. C’est vraiment du bric à broc. On est une dizaine de groupes là-dedans et on essaye de faire croire que c’est un vrai studio. C’est que à nous, on n’enregistre pas d’autres gens. C’est à la Jamaïcaine, un endroit où on met tout le matos en commun. On fait pas mal de trucs ensemble, on s’aide vachement. On s’apprend mutuellement des choses, personne n’a de réelle formation. Sinon j’ai mon petit portable avec ma carte son, mon micro, je peux me balader partout, faire de la musique où je veux, quand je veux…

Et est-ce que tu es du genre à aller chiner dans les brocantes pour trouver des instruments ?
B. : A fond ! Je le fais un peu moins maintenant, j’ai moins de sous. Ca allait mieux avant… J’achète surtout des lots de vinyles dans les brocantes. Mais tous mes synthés je les ai chopés dans ces endroits là. Le vintage, le vintage ça a son prix maintenant (soupir)… Moi c’est du « vintage 90 »... J’ai tous les Yamaha je pense… Au studio on a genre 80 synthés, il n’y en a pas un qui vaut le coup ! Ce n’est que des petites bouzes… Des trucs pour enfants. On n’a pas les vrais claviers vintage, les rhodes, même si c’est mon fantasme. C’est hors de prix et c’est trop fragile. On a tout dans l’ordinateur, en simulation. A quelques détails près sur le même son.

Tu as sorti tes deux premiers albums très vite, en l’espace d’un an, ce qui ne se fait plus trop maintenant. Qu’est-ce qui s’est passé, tu as connu une période de créativité exceptionnelle ?
B. : Non, non… T’es pas le premier à me dire ça… Mon entourage me le dit aussi… Bon j’ai trouvé un label (at(h)ome, ndlr) et mon but dans la vie c’est de faire des disques. Des morceaux j’en ai tout le temps. J’avais de quoi faire un nouvel album alors on y a va direct et puis c’est tout. C’est le label qui me l’a proposé moi j’ai répondu évidemment, je suis là pour ça ! C’est vrai qu’on est allé plus vite. Celui d’avant, j’ai mis quatre ans à le faire…

C’est marrant ça…
B. : Oui mais ce disque là (le premier, ndlr), il existe parce que j’ai voulu le faire. Je n’avais pas de tourneur, pas de label, rien. L’enregistrement était terminé, le label a acheté le produit fini….

Le premier disque c’était plus pour « lancer la machine »…
B. : Oui. Pour le nouveau j’avais encore plein de morceaux qui traînaient. Il en reste peu finalement dans le deuxième…

Est-ce que tu penses que la sortie et la promo pour le deuxième album a un peu empiétée sur la tournée de l’album d’avant ?
B. : Mon tourneur me l’a dit. Moi je ne pense pas. Comment dire, moi la seule chose qui me fait vivre c’est l’intermittence. Pour être intermittent du spectacle, il faut faire des concerts. Pour faire des concerts, il faut sortir des disques. Voilà. C’est un rouage. Je ne suis plus ado, maintenant j’ai une famille et tout ça… Voilà… Tant que je peux, je continue… Je n’ai pas peur de l’asphyxie… Je ne suis pas très reconnu et j’en suis conscient. Il faut que j’insiste. J’en ai surtout envie. Avec At(h)ome ça se fait dans des super conditions, j’ai enregistré dans un pur studio à 20 mètres d’ici avec Bruno Desjardins qui est un gars génial. Il avait fait le mixage sur l’album d’avant. Là on a tout fait ensemble sur un mois (souffle). Hyper cool. Moi ma vie c’est d’aller dans un studio où il y a du matos de fou, un gars hyper-compétent. Je suis trop content.

J’ai l’impression que ton deuxième album, More Better est plus abouti que le premier… Le premier était funky celui-là est plus pop à mon avis…
B. : Complètement ! J’avais choisi le studio après l’avoir visité, il y avait plein de vieux synthés vintage. Mais des mortels ! Des trucs qui font des bruits de l’espace et tout ! Le jour où je suis arrivé au studio, tout ces synthés-là étaient partis ! Le propriétaire les avait embarqués. J’étais là, ah merde (rires) ! Et en fait il restait un piano. Donc j’ai travaillé dessus. Il y a beaucoup de choses qui viennent de l’ordinateur aussi. Des samples, des trucs que j’ai bricolé sur lesquels j’ai rajouté des guitares. Pour « More Better » c’est vraiment compos à la guitare sèche à la maison, devant la télé. Et après tu l’habilles avec de la batterie et tout. C’est plus une démarche songwriting, le résultat est plus pop. Ca a été vachement facile à faire en fait. Les difficultés du premier album se sont effacées. J’ai réussi à éviter tout ce qui me bloquait avant. « More Better » c’est aussi tout ce que j’écoute depuis que j’ai 15/16 ans, la pop américaine. Je me suis lâché, j’y suis allé à fond dans cette direction. Je vais pouvoir passer à autre chose maintenant…

Pour les gens qui ne l’ont jamais écouté, comment décrirais-tu ton deuxième disque ?
B. : Pop. Mais je ne suis pas super fan de pop anglaise. Tout ce que les Inrockuptibles ont pu adorer dans les années fin 80 début 90 c’est tout ce que je déteste. Je préfère les américains Pavement, ou la power pop genre Weezer. Mais pas de violons, pas Pulp ! J’adore chanter les mélodies, j’adore les trucs entêtants ! J’adore écouter les potes qui bossent en studio. J’aime bien organiser un morceau, jeter certaines idées, remettre un gimmick deux fois… Tu crées ton morceau en une journée et puis te reviens dessus deux semaines plus tard, ça j’adore !

Justement j’ai trouvé ton album assez riche en hooks…
B. : Ca vient tout seul en fait. Je gratouille, je m’enregistre. Je fais beaucoup de contrôle C / contrôle V. J’enregistre quatre secondes que je recopie ensuite. Ensuite je commence à chantouiller dessus. Là je viens de me rendre compte que c’est un concours de Oh oh oh, pa pa pa et la la la (rires) ! Il y a trois ou quatre morceaux à la suite, je me suis dit, ça fait peut-être un peu trop là… J’adore ce côté refrain imparable, à la NOFX. Le côté fédérateur et tendre. Je me suis trouvé un côté tendre. Un truc à la Rancid où tu lèves ta bière avec les copains et on chante tous ensemble, c’est classe !

Tu essayes d’instaurer ça en concert ?
B. : Ca ne chante pas trop en concert à part un ou deux morceaux. Je n’ai pas encore la notoriété qui fait que le public chante comme des fous mais je me lâche pas mal pendant les concerts. J’ai plus souvent des regards interrogateurs mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’il fait ? Depuis quatre ans que je fais des concerts sérieusement, je suis encore dans une phase de découverte du public. Ce n’est pas encore digéré, on est encore au stade de la surprise.

Justement puisqu’on parle de la scène que préfères-tu entre les shows en solo et ceux en groupe ?
B. : Le groupe c’est récent. C’est mes potes. Ils sont un peu plus jeunes que moi, ils ont appris à jouer sur des plateaux avec des retours et tout ça. Moi j’ai appris à jouer en groupe. Je n’avais jamais joué en groupe de ma vie en tant que chanteur/guitariste, je ne l’avais jamais fait. C’est une découverte pour moi. J’ai fait souvent fait le batteur par contre. J’ai eu un prix de l’adami, on a pu avoir des grosses dates et tout le monde a été payé en cachets. J’ai été trop fier que mes potes aient pu avoir des cachets et devenir intermittents. Je suis content de faire vivre mes copains, enfin pas beaucoup. C’est mon côté politique. On en est encore au début du truc, on n’a encore jamais créée de morceaux ensemble, on a surtout refait beaucoup de chansons du premier disque. Honnêtement le one man show pour moi c’est quand même vachement plus simple, ne serait-ce qu’en organisation. Je n’ai pas besoin de répéter quand je suis en solo, les morceaux c’est moi qui les faits. Alors qu’en groupe c’est beaucoup de temps de répète, de mise au point, de réglages… Et puis il y a l’humain aussi. Tout seul en concert, je me lâche vachement. J’arrête les morceaux en plein milieu, je raconte des conneries, je repars… Je cours, je m’en vais, je reviens, je jette des trucs… Avec les gars je n’arrive pas à me le permettre encore. Et puis ils envoient un volume… Ca aussi c’est un truc qui m’a vachement surpris. En solo, je joue comme un groupe de hip-hop. Avec mon lecteur laser. J’enlève juste la gratte et le chant pour rejouer par-dessus. Ca reste un volume assez normal. Mais là, basse, batterie, guitare, claviers… Ca fait boum ! Répéter avec des boules Quiès, je ne savais pas ce que c’était ! Par contre c’est vrai que ce n’est plus du tout la même énergie. Aux Vieilles Charrues, c’était monstrueux ! On a envoyé ! Costaud ! Et puis on n’avait pas l’air ridicules et ça j’en suis super content. C’est logique pour moi de jouer en groupe puisque ma musique, c’est de la musique de groupe : guitares, basse, batterie. Mais économiquement c’est une catastrophe. C’est horrible le prix que ça coûte d’être cinq. Faut louer un camion, faut un régisseur de plus, t’es huit sur la route… Ca pompe énormément d’argent. Je n’ai pas la notoriété pour me permettre de ne faire que des concerts avec groupe. Juste pour payer notre salaire ça fait déjà des coûts qui moi me gênent un peu… J’ai vécu l’autre côté du truc en organisant des concerts. Tu vois des groupes qui t’aime bien mais qui ne sont pas trop connus ? Quand tu réalises que les faire venir ça te coûte un bras, et bien tu ne le fais pas. Ces histoires économiques, ça me mine vraiment. C’est chiant. Ca t’empêche de faire des trucs. Tant que tu n’as pas fait un gros single de toute façon tu n’as pas trop de pouvoir sur ces trucs là… On a eu l’occasion de faire des grosses dates grâce au prix de l’adami mais bon maintenant l’adami n’est plus là et continuer à faire des concerts en groupe c’est compliqué…

Tu penses quand même continuer à faire des concerts avec ton groupe ?
B. : Ouais, c’est la volonté de tout le monde. On s’éclate bien on est une bonne bande de potes. Mais surtout ce qui important pour moi c’est d’alterner les deux. A l’avenir j’aimerais faire des concerts mi-solo, mi-groupe. Ca serait vraiment l’idéal. J’ai besoin de montrer que tout seul j’assure aussi. Je suis allé au Québec et on m’a payé un billet d’avion, en gros par ce que j’ai fait des morceaux moi-même. Et ça j’en suis hyper fier. Je n’ai pas fait d’école, j’y suis arrivé par moi-même, ma seule volonté. J’en suis vraiment très content.

Tu fais partie de cette génération qui a choisi de chanter en anglais. Quel est ton rapport à la langue ?
B. : Je suis ce français type qui a été fasciné par l’Amérique dans les années 80. Les chanteurs qu’on avait en France s’appelaient Johnny Hallyday et Eddy Mitchell et eux-mêmes étaient fascinés par les Etats-Unis. Après avec le grunge et la power-pop, déjà que j’étais d’accord avec l’Amérique, d’un coup je l’étais deux fois plus ! Après, en vieillissant, tu te rends compte que finalement ce n’est pas tant le paradis que ça… En ce qui me concerne, ma musique est une interprétation de tout ce que j’ai écouté avant. Weezer j’ai découvert les paroles il y a un an seulement alors que je les écoute depuis 15 ans ! J’ai toujours énormément chanté en yaourt chez moi. Après je remplace mes intonations par des mots en anglais qui sonnent à peu près de la même façon. Au début cela ne voulait rien dire… Je n’arrive pas à chanter en français. J’ai fait des essais, j’ai tout effacé. J’adore la variété française, mais au neuvième degré. Si j’écrivais mes textes en anglais, ça serait de l’ordre du non-sens ou de l’humour. Je serais incapable de raconter en français, ce que je raconte en anglais. A contrario, je suis objectivement fan de Jean-Louis Aubert, j’adore ! Quand j’ai fait le festival au Québec, j’ai eu des chroniques après où on me reprochait de chanter en anglais avec un accent déplorable alors que le Québec défends la langue française… Ca m’a vachement blessé. En France, tu peux raconter ce que tu veux en anglais personne ne dirait rien. Personne n’écoute les paroles en France, c’est une catastrophe. J’ai joué à Londres il n’y a pas longtemps, c’est la première fois que je voyais dans le regard des gens qu’ils comprenaient ce que je chante, ça m’a fait super drôle. Les histoires d’anglais ça me poursuit depuis que j’ai commencé. Mon éditeur, tout le monde me demande de faire quelques textes en français… On a même voulu me faire prendre des cours de prononciation, j’ai refusé. Un irakien qui chante en anglais aura un petit accent irakien, moi j’ai un accent français, il va falloir s’y faire…

Propos recueillis le 28 septembre 2011.

vendredi 27 juillet 2012

The Elderberries




Troisième album, éponyme, pour ce trio particulièrement efficace. Passé le premier titre « Dually note it », punk un peu trop roboratif, les Elderberries donnent leur pleine puissance. Et ça dépote ! Lourd mais tranchant, chargé en guitares bien grasses et en rythmes plombés les Elderberries évitent l’écueil « bourrin » grâce à une nécessaire distanciation. Le groupe remet aux couleurs du jour une certaine idée du rock 70s avec des pédales wha-wha, « Waiting to come arond », une dose de groove, « You should have know », et des soli de guitares virtuoses sans en faire trop « Here til’down ». Simple, concis, avec une science du riff qui tue, « Thermostat 7 », fait monter la température. Les Elderberries jouent fort, jouent vite. C’est du rock n’roll ! Et du bon !
theelderberries.bandcamp.com
soundcloud.com/the-elderberries

jeudi 26 juillet 2012

Dusted : « Total Dust »




Le duo américain est de retour avec ce nouvel album prônant une démarche originale. Prenant sa source dans le blues et la pop low-fi, typique des années 90, le duo se propose de moderniser l’idiome sans le dénaturer. Des bruitages divers parsèment les compositions, suffisant pour apporter une touche nouvelle, foutraque tantôt dérangeante mais inattendue, toujours assez discrets pour ne pas altérer l’authenticité de l’ensemble. Adepte d’une démarche assez naturelle dans le fond, Dusted limite volontairement ses effets, les batteries restent assez légères. De Dusted on entends finalement assez peu : des voix plaintives, des guitares, des basses et parfois des claviers qui font basculer l’ensemble du côté des années 80 (« Bruises »). Et quand Dusted hausse le ton, et le volume, c’est pour délivrer une perle de rock noire (« Property lines »). Les ingrédients sont assez peu nombreux mais mixés à la perfection, nous sommes clairement dans un disque d’ambiance, plutôt sombre. Une réussite.

mercredi 25 juillet 2012

DAD



Les membres de la formation franco-canadienne DAD ont la particularité de venir du jazz avant d'avoir opté pour une démarche post-rock qui n'est pas sans rappeler Tortoise. En attendant la sortie de l'album "Vitro" prévue pour le mois d'octobre prochain, quelques morceaux issus d'une session live ont été mis en ligne...

www.dadmusik.com
www.facebook.com/dadmusik




Zarathrousta : « Le prochain shooter »




Nouvel EP de quatre titres pour ce tout jeune groupe français au nom imprononçable (inspiré de la mythologie Perse, cela ne s’invente pas…) qui jusqu’à présent n’avait guère fait parler de lui. Un état de fait qui, dans un monde parfait et idéal, ne saurait tarder. La grande réussite de cet EP, c’est d’avoir réussi à un contexte francophone un genre typiquement anglo-saxon ancré dans les années 60, le rock garage psyché. On pense à Marshmallow, à Mathieu Neil ou à certains morceaux des Wankin’ Noodles… Des paroles en français donc sur une musique chargées en guitares (« Le prochain shooter » ; « L’amour l’amour, toujours l’amour ») tour à tour tranchantes ou acides au besoin sans être avare de bizarreries et autres trouvailles diverses (le planant « A la ramasse »). De toute évidences, ces types sont un peu frappés mais dans le bon sens du terme. Un prochain shooter qui fait du bien en espérant que cela ne soit pas le dernier…


mardi 24 juillet 2012

BSMS + The Black Lips, Le Trabendo, 24 juillet 2012.

Et pourtant cela avait plutôt bien commencé… Dans la foulée de leur excellent album « Arabia Mountain », sorti en fin d’année dernière, les Black Lips sont venus nous rendre visite hier soir pour une prestation bien décevante, c’est le moins que l’on puisse dire. Pas en place, balbutiant son rock psychédélique, le groupe patauge et donne l’impression de ne pas maîtriser grand-chose (incapable par exemple d’enchaîner deux titres, ou d’assurer un seul morceau sans flottements au milieu), il émane de tout cela une désagréable impression de dilettantisme (il ne faut pas croire ça me brise le cœur de dire ça)… Encore renforcée par un son assez moyen. Pas de quoi cependant refroidir une assistance qui pogote à tout va et qui donne bien des soucis aux agents de la sécurité (réaction sympa du groupe : arrêtez de frapper nos fans !). La situation ne fait qu’empirer alors que la soirée s’avance et sombre dans le chaos, des rouleaux de papier toilette volent au-dessus des têtes, des ballons de baudruche à l’effigie du groupe explosent les uns après les autres. Et ça slame à tout va. Et puis soudain c’est le chaos total, la scène est envahie par le public. Comprendre que la moitié de la fosse c’est d’un seul coup retrouvé sur scène interrompant le groupe en plein morceau. Seul le batteur continue coûte que coûte à battre la mesure tout en assurant les backing vocals. Grand moment de solitude. Le chanteur à un mouvement de panique quand il voit sa basse (une Hofner violon façon Paul Mc Cartney) partir emportée par la foule. Le micro se balade alors dans le public, réactions saisies au hasard (Caro je te trouves plus, t’es où ?). Mort de rire. Si l’on se plaint souvent (et à juste titre d’ailleurs) des performances calculées à la seconde sans aucune place pour l’imagination (cf. John Fogerty) les Black Lips sont eux dans l’excès inverse. Bref, le calme revenu, les Black Lips reviennent sur scène pour deux petits titres. Bilan final, à peine une heure de concert et pas de rappel, franchement léger pour un groupe à la discographie fournie (sept albums tout de même). 22 euros la place hum hum… Une soirée bien triste dans le fond… On va quand même finir avec un point positif la première partie assurée par le trio français BSMS, excellent mélange de blues psychédélique servi par un guitariste très doué. Voilà des musiciens qui peuvent sortir la tête haute de ce fiasco… 

samedi 21 juillet 2012

Sonny and the Sunsets : « Longtime companion »





Troisième album pour Sonny Smith et son groupe les Sunsets originaires de San Francisco. Excellente petite surprise que ce disque mélangeant influences country avec une touche pop-folk. Cet album fait partie d’une catégorie rare, celle du coup du cœur immédiat. Nourries à la source pop country-rock des années 60 et 70, gorgées de soleil, les 10 compositions de ce « longtime companion » dégagent un charme instantané, on est sous le charme dès la première écoute. La voix laidback pleine de charme de Sonny y est pour beaucoup. Le tout est d’une simplicité confondante, d’une clarté mélodique limpide. C’est le genre de disque qui vous transporte en Californie en un clin d’œil, c’est un album à écouter en voiture sur l’autoroute où idéal pour lézarder sous un porche ensoleillé. En un sens c’est le genre d’album qui rend la tâche du chroniqueur particulièrement ardue, quand la musique atteint ce niveau de qualité, que dire de plus ? Précipitez-vous, tout le reste n’est que littérature inutile… 

vendredi 20 juillet 2012

Interview FM LAETI




Auteur d’un superbe album mélangeant avec grâce soul américaine et sonorités africaines (chronique ici), FM Laeti, avenante et sympathique, prends quelques instants pour répondre à nos questions. L’occasion de quelques confidences d’avant concert, saisies au vol…

Ton album mélange les sonorités de la soul des années 70 avec celles des instruments africains, la fusion s’est-elle faîte facilement ?
Fm Laeti : Ce n’était pas nécessairement réfléchi au début. C’était un mélange entre expérimentations et des sons que l’on avait envie d’entendre. Ce n’est pas vraiment du calcul, on a joué en studio en se disant, tiens on va rajouter ça et puis ça.

Est-ce que tu as vécu cela comme un retour à la source, vers l’Afrique, là où tout à débuté finalement ?
F.L : Je l’ai vécu plus comme un coup de cœur pour le n’goni, un instrument que je découvrais. Tout est parti de Disco (le bassiste, ndlr) en fait. Son studio, c’est une sorte de caverne d’Ali Baba remplie d’instruments (sourire). On a essayé différentes choses. Il est venu avec sa camionnette, il a ramené une contrebasse, une harpe, un truc indien (rires)… On a mis le doigt sur les choses avec lesquelles on avait envie d’expérimenter. Du coup cela sonne comme un voyage à travers les deux côtés de l’Atlantique (sourires)…

Est-ce que ta musique évoque le métissage ?
FL : Oh oui forcément. Je suis née en Guadeloupe, j’ai écouté toutes sortes de musiques via mes parents, mes amis. François-Marie (FM, ndlr) avec qui j’ai écrit l’album aussi. Et les voyages se sont rajoutés par-dessus. Mon identité découle de mes expériences et mon vécu est assez métissé (rires).

Les voyages t’ont beaucoup enrichi musicalement parlant ?
FL : Oui, oui, oui ! Bon déjà j’étais bien accompagnée avec mes parents qui m’ont toujours encouragé dans une voie artistique. Pendant des années c’était grâce à eux que je découvrais. C’est encore le cas aujourd’hui, mon père ou mon beau-père m’envoient des liens ou des cds : ah tiens j’ai eu un coup de cœur pour ça ! Et puis les rencontres pendant les voyages, des amis qui vont te faire découvrir tel ou tel morceau… Et ça arrive encore, c’est cool (rires) !

Est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur « Coco », que tu chantes en duo avec Fatou Diawara ? Chacune chante dans sa langue vernaculaire et j’ai trouvé ça très fort, comme si deux personnes qui ne parlent pas la même langue pouvaient se comprendre à travers la musique…
FL : C’est un mélange Créole/Wassoulou (région d’Afrique de l’Ouest entre la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire, ndlr). La chanson parle du fait de naître quelque part puis de grandir ailleurs, de voyager et de se créer son identité à partir de différentes cultures. Mais il y a aussi ce sentiment qui veut que tu gardes toujours dans ton cœur l’endroit de ta naissance. Tu le portes en toi. C’est l’endroit premier, l’identité forte. Même si on part on n’aime pas moins d’où on vient et on n’est pas moins qui on est en voyageant. On découvre en accueillant de nouvelles cultures dans notre identité.

Pigalle, c’est un quartier qui compte pour toi ?
FL : Oui et d’ailleurs j’y habite ! Pour la petite histoire mon père traînait beaucoup à Pigalle en tant que musicien et ensuite j’ai fait beaucoup de bœufs dans ce coin là avec des amis dans des caves… On a fait aussi beaucoup de concerts dans ce coin là Pigalle, Montmartre, toute une série de rencontres… Je m’y suis attachée…

Ton premier album, c’est l’aboutissement d’années de pratique ou le début d’une histoire ou bien les deux ?
FL : C’est le début de l’histoire. C’est aussi le résultat d’une belle rencontre avec FM. On était chacun en auto-production sur nos projets respectifs. On s’est rencontré pendant une émission de radio qui s’est terminée en bœuf. Il y a eu un coup de cœur général et dès la semaine d’après on s’est retrouvé. On a ramené chacun des idées de notre côté. Ca c’est super bien passé dès les premières notes. On se complète assez bien. On s’apprend des choses mutuellement. Chacun met son grain de sel dans les projets de l’autre. C’est cool comme ça… On crée ensemble. FM est rarement avec nous sur scène, c’est un peu un électron libre, il bosse sur d’autres trucs. Il fait différentes choses et n’a pas forcément envie d’être tenu par un contrat… Mais bon de temps en temps il est avec nous sur scène. FM Laeti ça peut être une, deux, trois, cinq, huit membres… Ca dépend. C’est une belle tribu (rires).

On est entre les deux tours de l’élection présidentielle. Que penses-tu des résultats du premier tour et du FN à 18 % ?
FL : C’est une réalité. J’avoue que j’aurai préféré avoir d’autres personnes en troisième position. Vraiment. J’aurai préféré qu’elles soient à zéro. Sincèrement. Certains sont déçus par la gauche et par la droite et pensent trouver une solution là. Si jamais un jour leur choix devenait une réalité, alors là ils verraient qu’ils se sont bien fait entuber (rires) ! Je crois que tout est parti du vote d’ouvriers qui ont été déçus et par la gauche et par la droite et c’est dommage. J’ai été marquée par les résultats, ça m’a frappé ! Est-ce que ça me surprend ? Je ne sais pas. Les gens viennent, ils votent, la réalité elle est là. 18 % c’est chaud quand même !

Que chanterait-tu à tous ces déçus ?
FL : Qu’ils ont peut-être l’impression d’avoir été pris pour des cons par d’autres partis mais que je ne pense pas que le FN arrangera les choses. Mais bon chacun son choix après tout on est dans une démocratie. Mais les mouvements extrêmes puisent chez les gens en difficulté en mettant le blâme sur l’immigration par exemple alors que l’immigration ramène plus qu’elle ne coûte (sourire).

En concert le 14 novembre à la Cigale.


Propos recueillis le 4 mai 2012.


jeudi 19 juillet 2012

Chocolaté : « Superbrut »




Ah le soleil, la plage, le surf, la power pop… Aujourd’hui my head is a jukebox prends des couleurs estivales et vous mène non pas en Californie mais à Biarritz où se niche l’excellent groupe Chocolaté. Depuis 2009, date de son premier album (voir chronique ici) le trio basque c’était fait assez discret. Après trois longues années émaillées par plusieurs changement de batteur, le groupe ourdi son grand retour avec ce nouvel EP de cinq titres. « Superbrut », autant le dire de suite, cet effort porte assez mal son nom, car Chocolaté est tout sauf un groupe de bourrin. L’accent est mis sur la mélodie, les arrangements et, ce qui ne gâche rien, les voix car Fabien (chant et guitare) a un joli timbre. Et puis bien sur dans power pop, il y a power donc Chocolaté à de l’énergie, de la dynamique dans les rythmiques tout ce qu’il faut pour booster de bien jolies chansons et toutes en français soit dit en passant au cas où on aurait oublié de le préciser. L’EP marque également un pas en avant en matière de production grâce à la collaboration avec Ken Ploquin (Bashung, Lofofora, Mass Hysteria, Brigitte Fontaine, Patti Smith) qui profite à plein. Chocolaté se donne les moyens de ses ambitions. Le tout donne cinq jolies chansons à fredonner sur le chemin de la plage, ça tombe bien c’est l’été…

mardi 17 juillet 2012

Séverin




Déjà aperçu sur cette page le temps d’un maxi « En noiret blanc » et d’un premier album « L’amour triangulaire » sorti uniquement en digital, Séverin adopte une stratégie originale pour la sortie physique dudit album. Tout change où presque. Nouveau titre, l’album est désormais éponyme, nouvelle pochette et surtout, nouveau track listing. De « l’amour triangulaire » ne subsiste que quatre titres : « Un été andalou », « En noir et blanc », « Le dernier tube » et « Identité ». Pour le reste, soit six titres, tout est neuf. Grand fan devant l’éternel des années 80 et de la french pop, Séverin reprend le flambeau avec ce subtil mélange de synthés vintage et d’instrumentation classique (guitare électrique, cordes…) et de paroles en français. Tout au long de ces dix titres, Séverin dépeint un univers singulier, certes fait de néons flashy, de brushings et d’épaulettes, coloré, frais mais aussi profond. L’album est empreint d’une certaine mélancolie, de nostalgie du temps qui passe (« Dans les graviers ») où des amours ratés (« La revanche »). Plus sombre que la première mouture mais foncièrement attachant.

lundi 16 juillet 2012

Yann Destal : « Stay By Me »




Il aura finalement fallu huit années à Yann Destal pour donner une suite à son précédent album « The Great Blue Scar » couronné d’un succès critique mais qui fut un échec commercial. Sur ce nouvel EP Destal, a dix mille lieues de ses succès « dance » des années 90, élabore un univers singulier, si l’expression n’était pas autant éculée on pourrait parler d’ovni dans notre scène hexagonale. Obnubilé par la scène folk et rock psychédélique anglo-saxonne des années 60 et 70, Destal réveille ici et là quelques légendes, celle de Nick Drake (« Let me be mine ») ou des Beatles (« Oh Darling ») qu’il reprend à sa manière très personnelle. Car Destal est un artiste mettant en sons son univers à travers le prisme d’arrangements hyper poussés, convoquant les grands moyens quand le besoin s’en fait sentir ou n’hésitant pas à inventer les outils dont il a besoin, notamment un étonnant « effet dauphin » filtrant les voix. Mais surtout Destal, n’oublie pas l’essentiel, les chansons, mettant sa science au service de compositions solides tout à fait à même de séduire avec un simple guitare. Et sa voix. N’oublions pas sa voix, son chant qui visite ici des sommets rarement atteint depuis le décès tragique du regretté Jeff Buckley (c’est par moment particulièrement saisissant). Un excellent EP œuvre d’un habile architecte du son.
  

dimanche 15 juillet 2012

Un premier clip pour los Disidentes del sucio motel

Cliquez sur l'image pour voir le teaser de Z

L'évènement est d'importance pour un groupe dont l'univers est autant imprégné de cinéma et de séries B. Le 14 septembre prochain verra la sortie du tout premier clip du groupe stoner alsacien Los Disidentes del sucio Motel. Le clip annonce la sortie du deuxième album de LDDSM dont la sortie est prévue pour l'hiver prochain et un premier teaser est d'ores et déjà disponible.
http://lddsm.com/z/

Sydney Wayser : Dirty Work




Jeune artiste franco-américaine, Sydney Wayser sera de retour cette année avec un troisième album dont le présent EP de quatre titres sert d’avant-goût. Un univers riche et coloré à l’image de cette californienne, dotée d’une fort jolie voix soit dit en passant, parti enregistrer à New York où se mélange mélodie folk et arrangement électro le tout parsemé d’influences pop, de guitares rock, d’inspirations western. Un bien beau voyage en perspective que l’on pourra continuer dès l’hiver prochain lors de la sortie de l’album…

jeudi 12 juillet 2012

Marc Ribot y los Cubanos Postizos, Le new morning, 10 juillet 2012.


Marc Ribot (c) Daniel Boud

Génie de la guitare méconnu du grand public, Marc Ribot accompagne le gratin musical depuis trente ans, Tom Waits (formidable album Rain Dogs), Elvis Costello, Joe Henry, Marianne Faithfull et même ma copine Jenny Gillespie ! En France on le connaît surtout pour sa collaboration fructueuse avec Alain Bashung. Sa discographie en solo, assez fournie, reste underground rendant ses disques assez difficiles à trouver. Ses passages sur scène sont relativement rares, autant dire que son concert du new morning prend des allures de petit événement. Pour l’occasion Marc Ribot est accompagné de son groupe « latin » Los Cubanos Postizos (avec qui justement il a enregistré un album à la fin des années 90). Assis sur une chaise, ses lunettes au bout du nez, Ribot ressemble à un professeur qui jamais ne tombe la veste. Sa prestation fut l’occasion de plonger dans un bouillon géant de musique, si les rythmes sont latins (batterie et percussions) la six cordes de Ribot est totalement rock avec quelques touches blues et effets surf. Enfin une énergie limite punk porte l’ensemble. Tout cela n’est pas sans rappeler les expérimentations de Santana à la fin des années 60. En dépit d’une impression visuelle plutôt heurtée, Ribot à une sonorité des plus fluides. Ses performances sont stupéfiantes de vélocité et de dextérité. Pourtant ce qui fascine le plus chez Ribot, qui n’est ni un songwriter ni un chanteur, c’est la richesse de ses harmonies. Chez lui, jamais la technique (assez souvent stérile) ne prend le dessus sur l’émotion. Le feeling semble guider chacune de ses notes. Un grand musicien. 
www.marcribot.com
www.myspace.com/marcribotmusic

Dr John, La Cigale, 4 juillet 2012.


Dan Auerbach et Dr John (c) Alysse Gafkjen / Nonesuch

Dans la foulée de son nouvel album produit par Dan Auerbach (la moitié des Black Keys), qui aussi excellent soit-il n’est pas la renaissance artistique annoncée un peu partout pour la simple raison que son effort précédent, « Tribal », était déjà d’un très haut niveau, Dr John puisque c’est de lui que l’on parle, a réinvesti la scène de la Cigale, pour sa première apparition dans la capitale depuis bien longtemps. Coincé entre ses deux claviers, l’orgue à gauche et le piano à droite, ce bon vieux docteur nous a trimballé en musique dans les recoins de sa Nouvelle-Orléans natale. Un véritable trip musical au croisement du funk et du jazz, voire du blues, le tout mâtiné d’influences voodoo typiques de la cité du Croissant. Emballant ce voyage fait de poussées de fièvres dansantes entrecoupées de moments de béatitude totale au tréfonds du bayou. Quelle classe ce Docteur John !

lundi 9 juillet 2012

Nick Waterhouse, le nouveau casino, 3 juillet 2012.




Super star en devenir, Nick Waterhouse nous a rendu visite la semaine dernière pour son premier concert public dans la capitale. Se décrivant lui-même comme « A country boy from southern California », Nick Waterhouse était particulièrement attendu sur la foi d’un excellent album « Time is all gone » (à peu près ce qui s’est fait de mieux cette année en matière de R n’B vintage), c’est aussi un talent protéiforme à la fois musicien, auteur compositeur et producteur. A l’instar d’un Eli « Paperboy » Reed ou de l’ensemble des artistes du label Daptone, Nick Waterhouse excelle dans un mélange de soul music et de rhythm n’blues à l’ancienne, genre qu’il interprète avec conviction. Musicalement la formule est rodée à la perfection, beaucoup de basse, de l’orgue, des cuivres et de superbes cœurs féminins. Nick assurant pour sa part les guitares. Le groove est minimal, surtout basé sur les basses, le batteur swinguant avec force tout en évitant les démonstrations par trop superfétatoires. Ne vous fiez pas aux allures de gringalet nerd, demi-sosie de Buddy Holly de Nick Waterhouse, ce type possède un coffre impressionnant, capable de pousser sa voix très loin. Vu l’engouement actuel autour du groove vintage, Nick Waterhouse devrait logiquement remporter un grand succès auprès du public dans les mois à venir. C’est tout le mal que l’on lui souhaite…  
www.nickwaterhouse.com

Tom Petty and The Heartbreakers, Le Grand Rex, 27 juin 2012.




Dans la série des concerts que l’on attendait plus, un voilà un qui se pose là. Tom Petty de retour sur une scène parisienne après 20 ans d’absence, c’est à voir la foule se bousculer autour du stand à tee shirts, que l’on réalise la portée de l’événement. Comme le dit Tom : « long time no see » ! Arrivé dans la salle autre choc devant la débauche de matériel, armoires remplies de guitares (c’est simple il y a de tout, rickenbacker, gretsch, fender, gibson), kit de batterie impressionnant, profusion de claviers, ces mecs emportent un magasin entier sur la route ou quoi ??? Pas de doute on est chez les pros. Tom Petty donc, si il n’a que moyennement marché dans nos contrées (allez savoir pourquoi ???) est une superstar aux Etats-Unis dont la carrière à commencée dans les années 70. Considéré par certains comme un pionnier power-pop, Petty a pourtant toujours parsemé son œuvre d’emprunts roots, un peu de folk par ci (les Byrds ne sont jamais très loin), un peu de blues par là, un soupçon de country… C’est aussi un excellent songwriter. Entouré de ses fidèles musiciens, Benmont Tench au clavier et Mike Campbell à la guitare (dont il est un héros mésestimé) Petty a donné une prestation convaincante comme au premier jour, visiblement il est heureux d’être de retour, revisitant l’ensemble de sa carrière, les vieux albums des années 70 mais également le répertoire des Travelling Wilburys, « super group » des années 80 dont il a fait partie en compagnie entre autres de George Harrisson, Bob Dylan et Roy Orbison.  Espérons cependant qu’il ne faudra pas attendre deux décennies pour le revoir…    

lundi 2 juillet 2012

Eurockéennes de Belfort 2012.



Que retenir de l’édition 2012 des Eurockéennes de Belfort ? Un site magnifique (celui de l’Etang du Malsaucy au pied des Vosges), une journée et demi de beau temps (voire de canicule), de la boue et une programmation exceptionnelle de densité où se sont croisées valeurs sûres (qui n’ont pas déçus) et quelques belles découvertes…

Vendredi 29 juin : On commence avec Los Disidentes Del Sucio Motel, valeur sûre du rock stoner made in Alsace à qui revient l’honneur d’ouvrir les hostilités. Le groupe est accompagné d’un Sheriff qui pointe le public du doigt, droit dans son uniforme. Gros son, énergie communicative du groupe qui démontre un potentiel scénique. Une prestation malheureusement trop courte, une petite demi-heure ça passe trop vite, qui laisse un poil de frustration.

Le temps de traverser l’esplanade et on se retrouve sur la green room pour recevoir la première grosse claque du festival avec Hanni El Khatib. Trois musiciens sur scène, batterie et deux guitares (ou un clavier) qui pratiquent un garage rock suffisamment crade et sauvage pour que le public pète les plombs sous un soleil caniculaire. Excellent.

Une note dépaysante avec Hank Williams III, un artiste country qui a la particularité d’intégrer des éléments heavy metal dans sa musique (chœurs gutturaux, pattern de batterie, quelques guitares saturées). Etonnant, parfois sympa mais un peu roboratif à la longue.

Un peu de douceur dans ce monde de brutes avec Michael Kiwanuka. Le cadre de la scène de la Plage est magnifique où la scène est posée sur l’eau. Le panorama est superbe avec l’étang du Malsaucy en arrière plan. Le soleil couchant ajoute de la magie et le cadre est idéal pour le délicat mélange de soul et de folk de Michael Kiwanuka. Ce dernier est entouré par un important groupe de six musiciens (basse, batterie, percussions, claviers et deux guitares). De longs passages instrumentaux accentuent l’aspect jam, l’ensemble sonne plus free que sur disque. Très belle voix mélodique de Michael et un talent très mature après un seul album.

Rendez-vous ensuite avec The Kooks. Energique et enlevé, le groupe pop fait fondre les filles de l’assistance. Parfait pour la scène d’un grand festival, la connexion s’établit facilement avec le public. Au final un moment plutôt sympa.

Et si la grande révélation du week end était finalement C2C ? Alignés sur la scène, les 4 djs s’approprient le groove et le swing avec une classe folle grâce à de judicieux samples de blues, de jazz voire de gospel qu’ils mélangent avec des sonorités électro. La mise en scène de l’ensemble est impressionnante, les jeux de lumières sont magnifiques (leurs platines sont rétro éclairées), les 4 djs, tout d’abords alignés puis face à face, bougent en cadence. La musique monte en pression tout au long de leur set, le climax est finalement atteint lorsque des cymbales live se mélangent avec l’électro. Par ailleurs, un hommage très touchant sera rendu à MCA (Beastie boys), la séquence émotion du week end.

Samedi 30 juin : Sallie Ford nous transporte aux Etats-Unis avec son rockabilly d’inspiration 50s. Le set semble plus concentré que lors de son passage au divan du monde et aussi plus électrique, pas de contrebasse ce coup-ci mais une basse électrique du début à la fin. Sallie Ford profite de l’occasion pour présenter quelques nouvelles chansons. C’est une artiste attachante qui semble gagner en maturité à chaque prestation.

Précédé d’une grosse réputation naissante, les quatre britanniques de Django Django ont confirmé sur la scène de la plage (noire de monde) les espoirs placés en eux. Le mélange entre pop psychédélique et électro est assez séduisant et le groupe peut se produire aussi bien en configuration tout électro qu’en formation classique guitare, basse, batterie et percussions. En écoutant bien, on trouve même des traces de rockabilly dans leur musique. Leurs harmonies vocales sont particulièrement bien travaillées ce qui les rapproche des Beach Boys. Classique et moderne à la fois.

La grosse affaire du week end, a été le concert de The Cure que l’on a retrouvé avec un plaisir non dissimulé quatre ans après sa dernière tournée : c’est l’événement du week end, retardé de longues minutes après des orages aussi violents que soudains. Dès les premières notes de claviers de « Plain song », qui ouvre la soirée, un frisson parcours le public. On retrouve cette atmosphère de grand-messe grâce à une alternance entre morceaux atmosphériques, « Pictures of you », « Love song », « Want », « 100 years » et une attaque plus rock, « From the edge of the deep green sea » où le groupe sort les guitares. Avec en sus une bonne dose de pop : « The walk », « Why can’t i be you », « Close to me », « Boys don’t cry ». Le line up est renforcé pour l’occasion : deux guitares et clavier. Le bassiste Simon Gallup est en grande forme et saute dans tous les sens. Sa basse est énorme. En dehors de toute promotion ou actualité, le groupe se produit en roue libre et présente une nouvelle chanson avec Robert Smith à l’harmonica pour la première fois. Après plus de trente ans de carrière, The Cure est encore capable de procurer des émotions rarement expérimentées par d’autres à la fois hypnotiques (les intros sont très longues) et euphorisantes sur le versant pop rock. Plus de deux heures de show, grandiose.

Dimanche 1er juillet : changement radical d’ambiance après les orages de la veille et la pluie diluvienne qui n’a de cesse de s’abattre sur Belfort depuis le matin, on troque les lunettes de soleil pour les bottes. Si la vision des spectateurs déclarant forfait, quittant le site sous les trombes d’eau en nous souhaitant bonne chance, n’incite guère à l’optimisme, la journée s’avérera comme la plus excitante sur un strict plan musical.

Cela commence avec un énorme coup de cœur pour les Buttshakers, un groupe venu de Mâcon et mené par une chanteuse Afro Américaine. Mélangeant énergie rock et feeling soul, le groupe n’est pas sans rappeler les Bellrays en plus rhythm n’blues grâce à l’apport de deux cuivres. Groovy ! A suivre de très près…

Le concert de Brian Jonestown Massacre a été retardé de plusieurs longues minutes à cause de difficultés techniques, une autre conséquence des intempéries. Cependant Anton Newcombe, que l’on a connu franchement plus atrabilaire, s’en amuse et prends la pose des guitaristes de métal ou des rappeurs pour distraire le public. Une fois lancé, rien n’arrête ce groupe, pas même la pluie apparue à mi-show. Trippant (un grand merci au batteur), rock n’roll, psychédélique tendance Californie années 60, le groupe tisse une impressionnante toile grâce à ses quatre guitares et aux claviers. Brian Jonestown Massacre c’est la grande classe !

Les Alabama Shakes rappellent quant à eux le rock n’roll sudiste des années 70 intégrant de nombreux éléments soul (excellente chanteuse guitariste) et blues. En un sens c’est le groupe (rural) idéal pour être écouté les pieds dans la boue. La relève des Allman Brothers et de Creedence Clearwater Revival est assurée. Excellent.

Attendu comme le Messie (presque à égalité avec les Cure) Jack White a passé une soirée agitée. Tout d’abord une coupure générale d’électricité a coupé Jack dans son élan après une petite demi-heure. Ce dernier ne se laisse pas démonter et continue son set en acoustique, chante sans micro pour les premiers rangs (pour notre part nous sommes trop loin pour l’entendre). Un petit détour par les backstage et le concert peut reprendre, le courant revenu. C’est alors qu’un spectateur complètement dérangé s’est invité sur scène pour prendre Jack dans ses bras. La sécurité débarque, le détraqué s’enfuit en courant… Concentré sur son sujet White reste imperturbable et revisite la totalité de son répertoire, « Steady as she goes » des Raconteurs, « Seven nation army » des White Stripes ce dernier titre repris en chœur par la foule. Soutenu  par son groupe féminin, Jack White plonge dans entrailles de la grande musique Américaine prenant des détours du côté de la country et du blues. Mais c’est dans le bon vieux rock garage que son énergie se fait la plus communicative. Une performance forte dont on se souviendra longtemps.

On termine enfin le marathon du week end en compagnie de Miles Kane qui incarne la relève de la brit pop. Beaucoup plus convaincant que l’an dernier à Rock en Seine (peut-être est-ce dû à la configuration plus intime de la scène de la Plage), Miles Kane est complètement déchaîné. Arc bouté derrière sa guitare demi-caisse, bondissant dans tous les sens, Miles et son détonnant cocktail de rock 60s psychédélique typiquement british à mis le public à genoux. Miles Kane peut bien brandir sa guitare au dessus de sa tête en signe de victoire, en termes d’ambiance et d’interaction avec le public, il a livré la prestation la plus solide du week end.

Je terminerai avec un petit regret, celui de n’avoir vu qu’un tout petit bout de la prestation des mythiques Refused qui semblait être en tout point remarquable. Mais c’est la dure loi des festivals qui impose des choix parfois cornéliens…