samedi 8 juin 2013

Sixto Rodriguez, Le Zénith, 4 juin 2013.




L’histoire était peut-être trop belle. Complètement ignoré, tombé dans l’oubli depuis des décennies, Jesus Sixto Rodriguez, qui était jusqu’alors un obscur chanteur folk de Detroit, a rencontré une gloire aussi tardive et inattendue que surprenante depuis la sortie au cinéma d’un documentaire illustrant sa carrière. Depuis les questions affluent, comment l’homme, aujourd’hui septuagénaire, gère-t-il cette gloire soudaine ? Quid de ses réelles aptitudes du moment, lui qui n’a pas pratiqué la musique (de manière professionnelle tout du moins) depuis 1971 ? Oui, l’histoire, un véritable conte de fées était belle, et résonnait comme une véritable lueur d’espoir, et croyez-moi, ils sont nombreux dans le milieu de la musique (tout métiers confondus) a en avoir besoin, d’espoir. Soyons honnêtes, Sixto Rodriguez avait peu de choses à gagner et beaucoup à perdre, notamment le risque d’écorner sa légende toute fraîche, en venant se frotter à la scène. Car jusqu’ici c’était parfait, plus réussi et efficace que n’importe quel plan marketing ourdi par une bande de stratèges réunis autour d’une table. En effet, la gloire récente de Sixto Rodriguez ne repose pas sur le vide issu d’une quelconque émission de téléralité mais sur un véritable talent, unanimement reconnu depuis, de songwriter et de deux merveilleux albums qui devraient occuper une place majeure dans l’histoire du rock. Soit en tout et pour tout 25 malheureux titres, c’est peu pour une place de concert à 35 euros. Pourtant tout avait commencé pour le mieux, lorsque Sixto est accompagné, soutenu même, par son groupe (composé de musiciens hyper pros et peut-être un peu froids), c’est parfait. Un superbe « Climb up on my music » en ouverture, « Sugar Man », « I wonder » c’est magnifique. On peut alors admirer son jeu de guitare peu académique, fait de grands mouvements circulaires de la main droite, Sixto joue sans médiator, frappant les cordes de ses cinq doigts en les écartant vers l’extérieur. Ce qui donne ce son ample unique en son genre. C’est lorsqu’il est livré à lui-même, que Sixto déraille totalement. Balbutiant des reprises peu lisibles, seule « Like a rolling stone » de Bob Dylan sort du lot, alignant des notes sans grande cohérence, il éprouve de plus les pires difficultés à placer sa voix avec justesse et à garder le bon tempo. Le concert se déroule ainsi péniblement, entre de rares éclaircies de génie. Sixto enlève régulièrement son chapeau, pour s’essuyer, boit beaucoup, semble très éprouvé et complètement perdu sur scène ne sachant que faire. Peut-être est-ce la préparation de cette tournée qui a été bâclée ? En à peine une heure l’affaire est emballée et c’est presque un soulagement tellement le résultat fait peine à voir. Pour n’importe quel artiste on aurait hurlé avec les loups, crié au scandale, réclamé un remboursement à corps et à cris. Pourtant on n’éprouve ni colère ni déception, on est, bien au-delà de tout ça, simplement triste. On a voulu y croire, qu’il était possible de rattraper le temps perdu, d’arrêter la cruauté des horloges. Mais il est tout simplement trop tard… Il règne comme un parfum de fin de règne lorsque l’on quitte le zénith dans le jour finissant, il est alors 21h30 et la nuit n’est même pas encore tombée. Les sixties c’était il y a fort longtemps…  

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