samedi 31 décembre 2016

Yuma Sun : « Watch us burn »



Pourquoi se contenter de formules toutes faîtes quand tant de formes restent à inventer ? S'amuser et expérimenter, de ce constat est né Yuma Sun, formation atypique œuvrant dans le Dommesdagrock. Dommesdagrock, kesako ? Un ovni musical ! Tout part de la base, la country, le rock n'roll et un soupçon de blues. Rien que du très classique. Ce qui change ? L'interprétation, inspirée par le punk, le métal, le stoner et une bonne dose de noirceur. A l'écoute cela donne un bon paquet de guitares détraquées réinterprétant les idiomes précités sur un mode gothique inédit soutenu par un banjo et une lap-steel apportant l'indispensable caution roots. Le chant inspiré de Jaran Hereid apporte la touche finale, une émotion perceptible dans sa voix faisant chavirer l'auditeur. Le tout est mis au service d'une écriture fédératrice (« Violets to Stone », « St Louise », « Judas Tree » soit autant de tubes dans un monde parfait). Une bonne surprise venue de Bergen, Norvège !

mercredi 28 décembre 2016

Bebo Best And The Super Lounge Orchestra : « Jazz Mamba »



Alors que pour bon nombre de groupes, la quête d'un « son vintage » prend des airs de graal absolu, Bebo Best et son groupe The Super Lounge Orchestra se chargent de propulser les années 1960 dans le futur. Un petit coup d’œil sur la pochette suffit pour s'en persuader, la couleur de ce projet est définitivement rétro mais l'étiquette est bien trop réductrice. En effet, le groupe excelle dans un entre-deux unique en son genre. Les amateurs de musique latine seront aux anges. Percussions folles, cuivres pêchus, orgue Hammond, guitares et basse : tous les ingrédients sont ici réunis. Mais pas uniquement. Grâce à l'aide précieuse du DJ Robert Passera, la musique prend une tournure inattendue : quelques beats bien sentis ici et là, quelques samples (des dialogues de films par exemple cf. « Mamba Jazz ») suffisent à transformer ce disque en objet sonore tout à fait inédit, sans en dénaturer la nature intrinsèquement rétro, ancrée au cœur d'un triangle latin/jazz/funk. Résultat : un cocktail festif et dansant, tout à fait indiqué pour rentrer dans la nouvelle année avec allégresse ! A noter, la jolie reprise du « Heroes » de David Bowie.

lundi 26 décembre 2016

Jazz loves Disney




Quiconque à un jour vu « Fantasia » (1940) connaît les liens étroits entre la musique et l’œuvre de Walt Disney. La présente compilation voit le producteur Jay Newland réunir une kyrielle de superstars du jazz vocal (China Moses, Hugh Coltman, Stacey Kent, Anne Sila etc...) se réapproprier le répertoire issu des bandes originales des films Disney. Le résultat est assez harmonieux quoiqu'un peu sage. Ce qui n'empêche pas les excellentes surprises. Gregory Porter se révèle une fois de plus un vocaliste d'exception sur la reprise de « When you wish upon a star » (Pinocchio), Jamie Cullum réinvente le thème des « Aristochats » (« Everybody wants to be a cat ») avec un petit grain de folie rythmique bienvenu qui fait trop souvent défaut sur cet album. Enfin seule (« He's a tramp » - La belle et le clochard) ou accompagnée par la classe latine de Rafael Gualazzi (« The Bare Necessities » - Le livre de la jungle) Melody Gardot révèle une sensualité vocale digne d'une femme fatale. La seule à pouvoir rivaliser dans le registre est, peut-être, China Moses (« Why don't you do right » - Qui veut la peau de Roger Rabbit). Pour finir, signalons la reprise, en français s'il vous plaît, de « Un jour mon prince viendra » par Nikki Yanofsky. Classique, l'écoute de l'album se révèle néanmoins agréable en dépit d'un manque d'éclat. La bande son idéale pour les fêtes de fin d'année.

samedi 24 décembre 2016

Cirque LE ROUX, Bobino, 23 décembre 2016.




On est bluffés dès le générique évoquant un film noir hollywoodien. L'action se déroule dans les années 1930. Dans un décor rétro à souhait, les quatre acrobates/danseurs rivalisent de folie, de dextérité, faisant fi de la pesanteur, comme un défi lancé aux lois de l'attraction terrestre. Même si l'intrigue reste un tantinet absconse à nos yeux, les tableaux défilent et on est subjugué par ces corps se mouvant avec grâce, dans cet entre-deux étonnant, là où l'art rejoint la performance physique et sportive. Le final est époustouflant, l'immense pole dressé au milieu de la scène en tremble encore !

Cirque LE ROUX – The Elephant in the room

A Bobino (19h00) du mercredi au samedi jusqu'au 14 janvier 2017.

vendredi 23 décembre 2016

Scores : « The Gate to leave »



Alors que les premières notes résonnent, il ne reste que peu de place pour le doute : Scores vit pour le rock n'roll d'une époque qu'ils n'ont pas connu : les années 1970. Riffs de guitares énormes, batteries speedée : chez Scores le rock se vit les potards dans le rouge et à fond la caisse (« Good night », « Leave me now »). Ceci étant dit, un titre comme « That's the girl » apporte un peu de recul dans cette ambiance rétro et noisy, plus lent, plus mélodique, plus acoustique, une bonne indication de ce que le groupe peut apporter dans un registre différent. Sur la magnifique pochette, rappelant Black Sabbath, un inquiétant personnage ouvre une porte vers l'inconnu. Serait-ce une machine à remonter le temps ou bien, tout simplement, un passage vers le nirvana du rock n'roll ? Ecoutez ces quatre titres et vous le saurez…

jeudi 22 décembre 2016

Un nouveau clip pour Teleferik

De retour de Corée, Teleferik nous envoie un nouveau clip illustrant "Les lois de la physique" (extrait de "Lune Electric" le premier album du groupe) aux allures de film de vacances... Dépaysant !

http://teleferikband.com
https://www.facebook.com/teleferikband

Cyril Adda Trio, Marché de Noël de Créteil, 20 décembre 2016


Mardi, en fin d'après-midi, on a découvert le trio de Cyril Adda sous le chapiteau du marché de Noël, dans une ambiance faîte de guirlandes et de boules de sapin. Alors que ses doigts dévalent sur le clavier du piano, Cyril nous explique son parcours. Pianiste de jazz, souvent employé pour animer divers manifestations, Cyril a ressenti le besoin de passer à autre chose, la chanson. La première partie du concert voit le trio se produire en formation jazzy (piano, contrebasse, batterie). Le répertoire est composé de chansons originales dans lesquelles transpirent les influences jazzy des musiciens, perceptibles notamment dans le swing imparable de la section rythmique (Bertrand Beruard à la basse, Xavier Roumagnac à la batterie). Sur des musiques évoquant les premiers Michel Jonasz ou Claude Nougaro, Cyril chante les petits tracas de l'existence (« Le club de gym »), des souvenirs liés à l'enfance (« La baraque à frites » évoquant un déménagement dans le sud de la France) ou des thèmes d'actualités plus sombres (« Nafissatou Diallo », du nom de la femme de ménage du Sofitel, cf. l'affaire DSK). Projet aux contours encore en gestation, la deuxième partie se révèle plus pop/rock. Cyril passe du piano à la guitare électrique et Bertrand troque sa contrebasse pour une basse électrique à cinq cordes. Le chanteur semble moins virtuose guitare en mains (au point de s'égarer dans une chanson). Toujours aussi fine, la section rythmique quant à elle, impressionne également dans ce contexte moins swing et plus puissant. Même en version pop/rock, la répertoire reste marqué par la chanson, dans un registre soft proche de la FM. Un trio frais et sympa, mais manquant encore un peu de personnalité dans son incarnation guitare.


mardi 20 décembre 2016

Nawel Ben Kraïem : « Navigue »



Un pied sur chaque rive de la Méditerranée, la Franco-Tunisienne Nawel Ben Kraïem mélange instrumentation acoustique traditionnelle et arrangements électroniques (« Majnoune »). L'ensemble forme un étrange ovni pop traversant les frontières aussi sûrement qu'il mixe les cultures par le biais d'un chant en langues française et arabe. L'écrin est idoine pour faire briller de mille feux la voix éraillée, légèrement cassée façon soul de Nawel. Un chant qui émeut, submerge et que l'on avait déjà entendu aux côtés d'Orange Blossom. Ces quatre titres sont un avant-goût du premier album de Nawel que l'on devrait découvrir l'année prochaine.

lundi 19 décembre 2016

Louis Arlette



Avec ce premier EP, Louis Arlette signe de bien intriguants débuts. Contrairement à bon nombre de ses contemporains, Louis n'a pas peur d'une part de chanter en français, des textes sensibles (cf. « L'avalanche ») ni, d'autre part, d'expérimenter avec la matière sonore, entraînant la chanson française sur un terrain inattendu évoquant l'électro voire l'industriel (« Les Etaux », « L'avalanche »). Et puis il y a la voix de Louis, un timbre fragile, toujours sur le point de flancher, renforçant l'aspect particulièrement émotionnel de sa musique. Cet EP s'écoute comme une mise à nu, sombre mais étrangement lumineux en même temps : c'est une révélation !

dimanche 18 décembre 2016

Louis-Jean Cormier : « Les Grandes Artères »



Ancien leader de Karkwa, souvent décrit comme le Radiohead francophone, Louis-Jean Cormier est une célébrité dans son Québec natal. A telle enseigne qu'il est membre du jury de ce que nos cousins Québecois appellent « La Voix », l'émission que nous désignons, en bon français, « The Voice ». Son deuxième album en solo, voit Louis-Jean débarquer en France. Comme souvent au Québec, Louis-Jean Cormier est à cheval entre plusieurs cultures, francophone en Amérique du Nord, au croisement des cultures. C'est un peu un résumé, de l'album, étonnant par sa diversité, partant parfois dans des directions étonnantes. De Karkwa, il reste un certain sens de l'emphase, une sorte de grandeur musicale qui se fait jour au travers d'arrangements ambitieux et alambiqués sans toutefois tomber dans la surenchère maladroite (« Vol plané »). Mais à côté de cela, « Les grandes artères » est également un album de chansons aux textes justes et émouvants (cf. « J'aime mieux rêver que de voir sans y croire » in « La fanfare » ; la sublime « Faire semblant » ; « Traverser les travaux ») dont les contours acoustiques se parent d'atours folk (« Le jour où elle m'a dit je pars » ; « Jouer des tours ») et country, banjo à l'appui (« Tête première », « Traverser les travaux »). Dans ce contexte la reprise de « Complot d'enfants » (Félix Leclerc) fait office de lien entre les différents univers et de figure tutélaire. Un excellent disque qui sort enfin en France, ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais c'est une très bonne nouvelle.
En concert le 16 mars 2017 à Paris (La Maroquinerie)

samedi 17 décembre 2016

Left Lane Cruiser : « Beck in black »



Actif depuis une dizaine d'années, le duo Left Lane Cruiser (originaire de Fort Wayne dans l'Indiana) fête le retour au bercail (tout à fait provisoire) du batteur Brenn « Sausage Paw » Beck (remplacé depuis par Pete Dio) qui a choisi les titres, tous issus des premiers albums du groupe, que l'on retrouve remasterisés sur cette nouvelle compilation. 14 plages qui illustrent magnifiquement le savoir-faire de Left Lane Cruiser soit une version âpre du blues, jamais très éloignée du garage rock, animée par une fureur punk sans pareille (cf. « Heavy »), perceptible dans la voix rauque du chanteur Frederick Evans (« Amy's in the kitchen ») ; quelque-part entre Seasick Steve et les premiers Black Keys. La chose prend une toute autre dimension lorsque les titres s'étirent sur la durée, développant une sorte de transe bruitiste (cf. « The Pusher »), les morceaux plus acoustiques apportent une couleur supplémentaire hybride entre punk, blues et country (cf. "Juice to get loose"). Les fans du groupe trouveront de quoi patienter avec les six inédits du tracklisting, les autres auront là la clef pour entrer dans l'univers de cet excellent groupe.

jeudi 15 décembre 2016

Jesse Malin : « Outsiders »



Depuis qu'un soir de décembre 2002, seul sur la scène du Bataclan avec sa guitare folk, il nous avait séduit par son charisme et son sens de l'humour ravageur, on a toujours gardé une affection particulière pour Jesse Malin. Jesse Malin, c'est un peu le dernier de son espèce. Un songwriter inspiré, le genre de mec qui aurait été une superstar en 1972 et qui aujourd'hui vivote dans un relatif anonymat. Un nouvel album de Jesse Malin, c'est un de ces petits plaisirs de l'existence, un bonheur toujours renouvelé, sans (mauvaises) surprises certes, mais toujours égal de qualité ou de talent. Il exhale de sa musique quelque chose de profondément New-Yorkais, intrinsèquement ancré dans la côte est des Etats-Unis. Son sens du storytelling, sa volonté de raconter en chansons le destin de ses contemporains, proche du peuple et des « petites gens » le rapproche d'un Bruce Springsteen (celui des débuts) dont il est le digne descendant (cf. « All bets are off »). Ce nouvel effort voit Jesse se partager entre chansons acoustiques mélancoliques ("Stay Free") et rock n'roll enfiévré (« Here's the situation », « In the summer », les excellentes « Outsiders » et "Whitestone city limits") dont le côté baroque rappelle les Stooges (le saxophone de « The Hustlers » ; « San Francisco »). Signalons pour finir le groove ravageur de « Society Sally », le petit bijou de cette nouvelle livraison. Un classique instantané, gageons que l'album vieillira bien.

mercredi 14 décembre 2016

James Leg : « Blood on the keys »




Fils d'un pasteur Texan (enfin d'après la légende), ancien membre des Black Diamond Heavies, le pianiste James Leg effectue un retour tonitruant avec ce troisième album solo monumental. James Leg, c'est un peu le punk perdu en pleine americana. Un type qui mettrait son énergie, son agressivité même, pour se réapproprier les traditions musicales ancestrales du blues au gospel avec une impressionnante intensité. L'originalité de la chose, vient de l'instrumentation. Claviériste de formation, Leg met son instrument en avant, un clavier vintage, Fender Rhodes le plus souvent, dont il tire des sonorités inattendues. Tout aussi inattendu est le recours épisodique à la guitare, un instrument pourtant indissociable des idiomes précités et qui n'est utilisé ici que ponctuellement, une rareté sur la scène punk. L'accompagnement musical est unique en son genre, groovy mais puissant (cf. la batterie), toujours sur la marge, se jouant avec maestria de la déglingue baroque (les violons de « St Michel Shuffle »). L'écrin est parfait pour la voix grave mâtinée au whisky et à la nicotine de Leg ; cet univers crade lui va comme un gant. Même les morceaux les plus calmes à priori (« I'll take it ») sont consumés par ce feu intérieur. Ecouter cet album c'est comme sillonner les routes du Texas à bord d'une voiture ivre. Un genre de trip halluciné dont on ne revient pas tout à fait indemne.  
En concert à Paris (Petit Bain) le 23 janvier 2017.

mardi 13 décembre 2016

The Haggis Horns : « What comes to mind »



Voici un album qui ne manquera pas de ravir les fans de soul et de funk de tout bords. Formés en 1999 à Leeds, The Haggis Horns s'est tout d'abord taillé une belle réputation en tant que section de cuivres employés, sur scène ou en studio, à tour de bras par toute une kyrielle de super stars : Amy Winehouse, John Legend, Corinne Bailey Rae, Jamiroquai, Morcheeba ou Finley Quaye. Une sorte de Tower of Power british, pour résumer. A l'instar de ces derniers, si vous n'avez jamais entendu parler d'eux, il y a de fortes chances que vous les ayez écoutés sur un album des artistes sus-mentionnés. En parallèle les Haggis Horns ont également réussi à mener leur propre carrière, ce disque étant leur troisième album en nom propre. Alors évidemment avec leur réputation cet effort est particulièrement fort en cuivres et dépote assez sec (ah « It ain't what you got »…) dans un registre soul/funk dansant inspiré des années 1970 (« Keep it tight », assez irrésistible dans le genre) auquel ils rajoutent, ça et là, une pincée de jazz (« Return of the haggis », « Digging in the dirt », « I can't stop the feeling »). Avec une poignée de convives (le bassiste Pete Shand, le percussionniste Snowboy) les Haggis Horns alternent instrumentaux et morceaux chantés par de talentueux invités (John Mc Callum, Lucinda Slim et John Turrell) avec un bonheur égal. Harmonieux et festif, dans un monde parfait, cet album devrait tourner en boucle lors du prochain réveillon du 31 décembre.

lundi 12 décembre 2016

Nick Pride & The Pimptones : « Go deep »




Avec ce nouvel album, le guitariste anglais Nick Pride, une des valeurs sûres de la soul anglaise, franchit une étape supplémentaire. L'arrivée à temps plein de la spectaculaire chanteuse Beth Macari, après un essai sur l'album précédent, a en effet changé la donne. Moins diversifié que par le passé, le groupe se révèle, en revanche, nettement plus consistant et plus constant sur la durée. Oubliant les tentatives funk voire rap de l'album précédent, la formation se recentre sur un son soul vintage tout en prenant soin de varier les ambiances entre titres deep et morceaux plus enlevés. Autant de registres dans lesquels Beth Macari se révèle excellente. L'album ne dépareillerait pas sur le catalogue d'un de ces label hips de Brooklyn et le sextet se révèle prêt à prendre la relève des regrettés Dap-Kings. Rien de moins ! Un album excellent et c'est un petit exploit tant le créneau se révèle encombré par ailleurs. Conseillé.

vendredi 9 décembre 2016

Yasmine Kyd : « Privacy Settings »



Kabyle et Bretonne, Yasmine Kyd poursuit son exploration musicale avec ce nouvel album, se présentant comme une plongée au cœur de la « Great American Black Music » au sens large du terme. Se jouant des étiquettes et des genres, jonglant avec les influences et les époques, ce nouvel album fait cohabiter jazz (« Is it time to go home ? », « Personnal », « Poor heart, poor thing ») et néo soul (« That one day », « Paris jam 69 »). Une variété d'influences qui n'a rien du patchwork disgracieux, grâce à l'élégance naturelle de la voix de Yasmine, caméléon vocal capable d'enfiler tous les costumes sans pour autant perdre sa personnalité et son charme. Vintage sans ostentation, audacieux dans ses arrangements apportant une note de modernité dans son univers rétro, l'album irradie d'une belle chaleur musicale. Sans temps mort ni remplissage, le disque renoue avec la durée moyenne d'un vinyle, transformant l'écoute en un moment à part, suspendu, une petite demi-heure d'introspection dans cet univers classe et cosy.


jeudi 8 décembre 2016

Guillaume Perret : « Free »



Si le jazz est un Atlas, alors Guillaume Perret est son infatigable voyageur. Un explorateur solitaire dans le vaste continent du son. Saxophoniste de son état, Guillaume s'est lancé dans l'enregistrement de son nouvel effort seul. Sans assistance et sans filet, sans groupe pour l'épauler mais avec une multitude d'effets sonores grâce auxquels il donne naissance à des sons stupéfiants, distordus jusqu'à créer l'illusion d'une guitare (cf. « Heavy Dance »). Chercher, inventer et repousser les limites de l'instrument tels sont les objectifs ambitieux fixés par le musicien pour ce nouveau disque. Le saxophone devient une véritable matière sonore que le musicien malaxe, transforme à sa guise, poussant le jazz dans ses derniers retranchements flirtant avec le métal ou l'électro (« Pilgrim »), redessinant ainsi les contours de l'idiome jusqu'à en réécrire l'histoire en creux (le swing revisité et irrésistible de « En good ») passant de l'ombre (« Inside song », "Cosmonaut") à la lumière. En matière de jazz, le terme « free » n'est jamais innocent et peut prêter à confusion. En l’occurrence, il symbolise le parcours d'un musicien libre de créer. Fermez les yeux et écoutez, le périple en vaut la peine.

mercredi 7 décembre 2016

Expo Losing My Stage jusqu'au 31/01/2017 chez Sunlee Howard








Le duo créatif parisien Restez Vivants, a imaginé une série de posters originaux pour illustrer certains concerts restés légendaires des années 1960 à nos jours. Le résultat est à la fois original et épuré, très différent des visuels psychédéliques auxquels on est habitués. 

20 affiches, signées et numérotées, sont en vente en série limitée durant l'exposition.

L'exposition est visible jusqu'au 31 janvier 2017 chez Sunlee Howard au Bon Marché Rive Gauche.





mardi 6 décembre 2016

Janko Nilovic's Supra Hip Hop Impressions



Né en Turquie (Istanbul) en 1941 et naturalisé français en 1973, Janko Nilovic incarne à lui seul une belle idée, multiculturelle, qu'on aime se faire de la France. Spécialiste de la musique à l'image, Janko a sorti des albums instrumentaux par dizaines et à signé de nombreux génériques pour des émissions. C'est également un arrangeur recherché parmi les chanteurs de variété, connu pour son travail avec Michel Jonasz et Gérard Lenorman. Ce nouvel effort, dont le titre est un clin d’œil à son disque « Supra pop impressions » de 1973, a vu le jour après une rencontre avec le deejay et beat maker Dipiz lors d'une émission de radio. L'idée étant de confronter le savoir-faire à l'ancienne du pianiste Janko aux techniques contemporaines et à l'univers futuriste du deejay. Aidé dans sa tâche par quelques musiciens remarquables (notamment le bassiste/guitariste Kofi) le trio accouche d'un album étonnant, comme un fil tiré entre le passé et le présent. Jamais indigeste, le disque symbolise un point de rencontre où des univers différents fusionnent avec grâce et élégance. Particulièrement cinématographique, le programme débute avec « Vox of my soul », titre puissant porté par une guitare à la limite du rock. Un peu plus loin le saxophone jazzy de « Sunny Piece » fait mouche et on avoue une affection particulière pour les funky « This is how we do », « A spy always lie » (la bande originale d'un James Bond oublié) et « My latin thing » qui semble tout droit sorti d'un classique de la blaxploitation remis au goût du jour. Enfin, « Hip hop lullaby » donne à entendre toute la virtuosité de Janko au piano et « No more sorrow » clôt l'affaire sur une note romantique, tendre et rêveuse. L'ensemble affiche une variété d'ambiances telle que l'on peut affirmer sans prendre trop de risques que chacun trouvera son bonheur dans collection riche et variée.


dimanche 4 décembre 2016

Nada Surf, Le Bataclan, 02/12/2016.



Faire comme si de rien était. Oublier la petite boule qui nous tourne discrètement dans l'estomac depuis une semaine. Faire fi de l'émotion qui nous saisit quand on passe devant la plaque hommage aux victimes, le petit pincement au cœur au moment de passer la sécurité. Ce soir on va au Bataclan. Ce soir on va voir Nada Surf. Et, chose impensable, on a même songer à se décommander. Et puis on y est allé quand-même. Parce que la Vie doit continuer, parce que les guitares résonnent plus fort que les kalachnikovs, parce que le rock n'roll fait plus de bruit que les bombes. A l'intérieur, l'endroit a finalement peu changé exception des toilettes et du hall d'entrée, refaits à neuf et du bar qui est semble aussi différent. Et puis dès que les lumières se sont éteintes, on a retrouvé nos marques. Un concert de rock, notre élément naturel. Sur scène, les quatre membres de Nada Surf, se sont bien gardés d'évoquer les événements tragiques survenus il y a un an. Mais on sent bien qu'il y a quelque chose de différent. Que quelque chose à changé. Les applaudissements sont plus appuyés, le groupe (surtout Daniel le bassiste parfaitement francophone) semble ému. Entre les chansons, Matthew (le chanteur au français parfait) évoque des anecdotes personnelles (chose assez rare) et tient un discours profondément humaniste qui fait chaud au cœur… Et ce sont des tonnes d'amour qui se sont déversés sur le groupe via des applaudissements nourris…

Sur scène Nada Surf a toujours été un groupe ultra-efficace, charismatique, emportant littéralement le public et évoluant sur une ligne fine entre mélancolie (« 80 windows », « Weightless » et les chœurs assurés par le public, très émouvant) et puissance brute (« Happy Kid », « Hi-speed soul », rare incursion du groupe en territoire cold wave). Avec l'ajout d'une deuxième guitare, assurée par l'excellent Doug Gillard, c'est un véritable mur du son qui se dresse devant nos oreilles. Derrière sa batterie, le puissant Ira Elliot est le ciment qui tient tout l'édifice debout. Vêtu de son perfecto à paillettes, ce dernier fait la fête dans son coin, danse avec ses baguettes. Cela maintenant près de vingt-cinq ans que ce groupe joue ensemble. Et ce que l'on entend est la résultante de toutes ces années passées ensemble sur la route : une cohésion musicale irremplaçable, une alchimie unique. Ces quatre là savent tout simplement se trouver. Les lumières se rallument, la musique résonne et on pense le concert terminé. Et puis surprise, les quatre sont revenus avec des guitares acoustiques et ont entamé « Blizzard of '77 ». Comme ça, sans amplis, sans micros, au plus près du public. Les quatre voix se mélangent harmonieusement, les harmonies vocales sont magnifiques. Comme un ultime cadeau avant de quitter la scène. Le Bataclan, finalement, on est content d'y être retournés.


mercredi 30 novembre 2016

Otis Stacks, Silencio, 29/11/2016.



Tard hier soir, une habitude au Silencio où les concerts ne commencent jamais avant 23h, le magnifique duo Otis Stacks a fêté en grandes pompes la sortie de son EP (chronique ici) dans le cadre luxueux, tout de noir et d'or (déco signée David Lynch), feutré et intime de l'endroit. Sur la petite scène l'élégant duo (chapeau et nœud papillon) nous a dévoilé de nombreux nouveaux titres (un futur album peut-être?), évoluant sur un fil ténu entre soul et hip-hop. Si l'absence d'un véritable backing band se fait parfois un peu sentir Elias, le chanteur, joue à plein de son charisme naturel pour compenser, livrant de nombreuses anecdotes assez éclairantes sur ses textes (« Crash and burn »), parlant beaucoup avec le public et se mouvant avec grâce et élégance sur la scène, assez basse de plafond. Et surtout, quelle voix ! Douce et mélodique, débordant de feeling, son timbre chaud caresse les oreilles. Derrière son attirail, le producteur Just Mike balance le son et parsème le tout de notes issues de son Rhodes (visiblement l'instrument est d'origine) apportant un peu de chaleur humaine à la musique qui serait trop froide et mécanique sans cet apport live. Ainsi Otis Stacks trace un lien imaginaire entre passé et futur, réussissant à rester classique tout en jouant d'une dynamique contemporaine. De l'art d'être moderne et respectueux des traditions sans verser dans le passéisme. Sur scène le duo alterne les ambiances entre morceaux romantiques et langoureux et passages plus enjoués et dansants sous l'influence de l'électro-funk 80s (« Take your coat off ») dévoilant tout un éventail d'émotions que l'on a hâte de découvrir la longueur d'un album…

Bigger, Le Carmen, 29 Novembre 2016.



Dans le cadre somptueux du Carmen, un ancien hôtel particulier fondé en 1875, Bigger a fêté la sortie de son premier EP, « Bones and dust ». Petit rappel, Bigger est un tout nouveau projet mené par deux têtes pensantes, Damien Félix (le guitariste de Catfish) et le chanteur Irlandais Kevin Twomey (Monsieur Pink). Cette nouvelle formation est le medium utilisé par le duo pour exprimer son amour de la pop anglaise et une certaine noirceur à la Nick Cave. Sur scène, cette dernière composante s'efface pour faire place à une pop enjoué, mélodique et festive balancée avec une ferveur toute rock n'roll. Kevin se révèle une véritable bête de scène à l'enthousiasme contagieux, charismatique, sautant un peu partout (le pauvre finira totalement en nage). La formation donne également à voir un autre aspect du talent de Damien Félix. Contrairement à Catfish, où le guitariste se multiplie en trois pour gérer sa guitare, un bout de la batterie et, parfois, des claviers en même temps, dans Bigger, le musicien se concentre sur son seul instrument à six cordes. Son jeu y gagne en profondeur, ses notes et accords sont délivrées avec une intensité inédite, le tout est globalement plus appuyé et, surtout, déborde de feeling. Les claviers de Ben Muller apportent une note baroque originale aux arrangements (« The Zoo ») et constituent un élément fondamental de l'identité sonore du groupe. La section rythmique composée de Mike Prenat (basse) et Antoine Passard (batterie) assure le job et dégage un groove puissant. Le répertoire joué réserve beaucoup de surprises sous la forme de nouveaux titres (de quoi nourrir un album peut-être?) et est riche en tubes immédiats (« The Zoo » notre préférée jouée en clôture). Vivement la suite de cette nouvelle aventure qui s'annonce d'ores et déjà passionnante…

mardi 29 novembre 2016

Brian S. Cassidy : « Alpine Seas »



Premier album solo pour Brian S. Cassidy, un ancien membre d'Okkervil River, qu'il a enregistré seul assurant tous les instruments. Dès les premières notes, l'album s'inscrit dans une veine classique et intemporelle, pas d'expérimentations ou de mélange folk/electronica ici mais un retour aux sources comme le suggère la magnifique pochette. Tout au long de ces dix titres, Cassidy fait d'un manque apparent de moyen une force, une source de créativité. Délicat et harmoniquement très riche l'album n'est dépouillé qu'en apparence, Cassidy agrémentant ses délicats arpèges folk de quelques notes de piano, de banjo et de lap-steel aussi éparses qu'essentielles entraînant la musique sur un territoire country ("Rich Man"). L'album est séquencé avec habilité, évitant de tomber dans la monotonie, alternant le folk intimiste (« I'm an ocean », « A cruise ») et morceaux plus uptempo, en milieu de parcours, dans une veine pop/rock (« Arcadia », « Uncompahgre ») le tout sans jamais perdre de vue ses aspirations roots, un peu comme si Nada Surf se mettait en tête de signer un album country (« The South »). En dépit d'un léger essoufflement en fin de programme, le disque nous semble familier dès la première écoute, une qualité rare…

lundi 28 novembre 2016

Kanazoé Orkestra + Kandy Guira, Café de la danse, 27/11/2016.

Kanazoé Orkestra, Le Café de la Danse, 27/11/2016 (c) Régis Gaudin

Kandy Guira, Le Café de la Danse, 27/11/2016 (c) Régis Gaudin

A défaut de partir en week-end, on a fait un beau voyage en musique en ce dimanche après-midi sur la scène du Café de la Danse. On commence avec Kandy Guira, magnifique chanteuse originaire du Burkina Faso qui se produit en duo avec un guitariste acoustique. Sa voix est aussi chaude et profonde que celle d'une chanteuse soul. Influence qui transparaît en filigrane, ramenant la soul acoustique à ses influences africaines. Mais on surtout touché par l'engagement de la jeune femme, son appel au respect des personnes handicapées lorsqu'elle évoque, en musique, son petit frère atteint de surdité. Une belle découverte, pleine d'humanisme pour débuter la soirée.

Alors que les sept musiciens du Kanazoé Orkestra déboulent sur scène, c'est une vague de chaleur qui s'empare alors du Café de la danse. Prouvant que la musique est un langage universel, les sept musiciens bâtissent des ponts entre le jazz et la musique africaine, le n'goni prenant le relais du saxophone, le tout sous l'égide d'une percussion rythmique insensée partagée entre percussions latino/cubaines, batterie et les deux balafons (pendant africain du xylophone). La musique dégage une onde positive, les musiciens souriants jusqu'aux oreilles et esquissant des pas de danses endiablés derrière leurs instruments. Un enthousiasme contagieux qui se propage dans la salle, cette dernière se transformant en piste de danse vers la fin du concert. Un beau moment de partage, de musique et d'humanisme perceptible notamment dans le discours du chanteur/griot.



Bill Pritchard, Planète Mars, 26/11/2016


Bill Pritchard, Planète Mars, 26/11/2016 (c) Régis Gaudin

Bill Pritchard, Planète Mars, 26/11/2016 (c) Régis Gaudin

Bonne nouvelle pour finir cette semaine très marquée par des concerts 80s, le songwriter Bill Pritchard est revenu nous rendre visite au Planète Mars, un petit bar sympa décoré d'affiches de concerts aussi rocks que la playlist diffusée pour patienter, réécouter un petit Stone Roses (« I wanna be adored ») ça fait toujours plaisir (et accessoirement du bien). Sur ce, le taulier, hilare, viens nous trouver : « J'ai préparé une fausse track list pour Bill », on jette un coup d'oeil sur l'objet du délit où se côtoient des titres de Metallica et de Duran Duran, effectivement ça va être drôle. Hélas, pris par le stress, Bill ne se rendra pas compte de la supercherie, tant d'efforts aussi mal récompensés… Il est un peu plus de 21h00 lorsque Bill Pritchard prendra place sur la petite scène, légèrement surélevée de trois marches : « A sept heures ce matin, j'étais dans le Nord de l'Angleterre et maintenant je suis à Paris. La vie parfois est belle ». L'endroit baigne dans une lumière rouge/orangée onirique. Sur une guitare empruntée à Fred Lo (une gageure, Bill étant gaucher), le chanteur entame son set en solo intégral. Le répertoire est principalement pioché dans quatre albums (en gros ses meilleurs) : « Three months, three weeks and two days » ("Tommy & Co", produit par Etienne Daho, 1989), « Jolie »  ("Number Five", "I'm in love forever", "Maxine" ; 1991) et ses deux (excellentes) sorties les plus récentes sur Tapete Records : « A trip to the coast » et « Mother town hall » ("Mont Saint Michel"). L'écoute s'avère particulièrement intéressante comme l'affirme Bill, « c'est comme ça que je compose » et permet ainsi de découvrir les titres dans « leur versions originales ». La prestation regorge d'anecdotes rigolotes : « C'est comme ça que j'ai joué cette chanson à Etienne Daho chez lui». Un concert très émouvant également lorsque Bill reprend Léonard Cohen (« I'm your man ») ou lorsque rejoint par Frédéric Lo (le producteur de « Crève coeur » et d' « Amours suprêmes ») pour un duo en forme d'hommage au regretté Daniel Darc. Une note nostalgique pour conclure cette chouette soirée.  

samedi 26 novembre 2016

Marie France + Jacques Duvall & Phantom, Le Divan du Monde, 25 Novembre 2016.

C'est un joli plateau que nous a contacté l'excellent label belge Freaksville en ce vendredi soir sur la scène du Divan du Monde. Dans la salle une foule hétéroclite se bouscule et les couples de garçons (Marie France est une icône gay) côtoient les survivants des années punk. Il flotte dans l'air comme un parfum des années 1980…

Un petit mot pour commencer sur Jacques Duvall. Habitué de la coulisse, Duvall est un parolier qui compte ayant travaillé entre autres pour Lio (l'auteur de « Banana Split », c'est lui!) et Alain Chamfort (d'ailleurs discrètement présent dans un coin de la salle). Ses albums en solo sont relativement rares conférant à sa présence sur scène un caractère exceptionnel. Entouré de l'excellent combo garage Phantom, Duvall, déguisé en cow-boy, délivre une prestation rocailleuse et lo-fi bien servi par les guitares arides de Benjamin Schoos, la batterie minimale (aucune cymbale, juste une caisse claire, un tome basse et un tambourin) jouée debout (comme dans le Velvet Underground) et des lignes de basses énormes sur lesquelles reposent tout l'édifice. Le contexte sied particulièrement bien à Duvall, sa plume acerbe et son chanté/parlé guttural, comme venu d'outre-tombe. Le répertoire est quasi-exclusivement constitué de titres de son album « Hantises » (sorti une première fois en 2006, le disque vient d'être réédité en vinyle). Après une petite demi-heure, c'est déjà l'heure de partir, trop court mais excellent.


Changement d'ambiance ensuite avec Marie France et la déclinaison scénique de son dernier album « Chante Jacques Duvall » (on note d'ailleurs que la plume de Duvall est sensiblement différente et moins véhémente lorsqu'il écrit pour d'autres). Accompagnée d'un pianiste, vêtue d'une robe noire, Marie France semble comme échappée d'un cabaret des années 1930. Une prestation de grande classe où la chanteuse laisse apparaître toute sa fantaisie et la grandiloquence qui la caractérise. Chaque chanson prend alors des allures de petite pièce théâtrale ou Marie France joue le premier rôle de la séductrice (« Marcello ») à la prédatrice (« Le cercle rouge »). Incarnant chaque texte à la perfection, la prestation de Marie France transpire le vécu (« Bleu », « C'est Paris »). Emouvant.

vendredi 25 novembre 2016

Allah-Las : « Calico Review »



Enregistré au mythique Valentine Recording Studio de Los Angeles ce nouvel effort des Allah-Las contient, mine de rien, un petit bout de l'histoire du rock. En effet le studio en question, fermé en 1979 et ré-ouvert en juillet 2015, contient en son sein une fameuse table de mixage Audio 610 de 1964, utilisée par les Beach Boys pour le chef d'oeuvre « Pet Sounds » et à laquelle les Californiens ont eu accès. Peut-être est-ce le fruit du hasard mais ce nouveau disque déborde d'ambition et transpire l'été Californien par tous les pores. Ce nouvel album nous fait tomber dans une faille temporelle un peu comme si l'horloge interne du groupe s'était arrêtée un matin de juillet 1967. Un véritable album de plage évoquant le sable et le surf prenant sa source dans les classiques du rock garage et psychédélique. Cool et détendues, les guitares sont déliées et ne s'aventurent guère dans la zone rouge. A la fureur des watts, le groupe préfère une approche alanguie et richement arrangée (clavecin, mellotron, thérémin) tout en privilégiant une orchestration rock où les guitares et batteries occupent le premier plan. La bande-son de l'été sans fin à écouter en rêvassant.


jeudi 24 novembre 2016

Nada Surf : « Peaceful Ghosts »



Enregistré pour le compte d'une radio allemande en juin 2016, la sortie de cet album live de Nada Surf n'était absolument pas prévue et c'est donc par surprise que ce disque a fait son apparition dans les bacs au début du mois. Et pour une surprise, c'est une sacrément bonne, le quatuor atteignant des sommets d'émotion le long de ces treize plages. Quiconque a un jour vu Nada Surf sur scène ne peut que garder un souvenir énamouré du groupe, tant son énergie en live est contagieuse (et si vous avez un doute le « live in Brussels » est toujours disponible). Ici, le contexte est différent et, accompagné d'un grand orchestre (le Deutsches Filmorchester Babelsberg) le groupe prend l'exact contre-pied de ce qui fait habituellement le sel de ses concerts incendiaires, mettant l'accent sur l'émotion suscitée les cascades de cordes, de vents et autres xylophones. Le contexte sied particulièrement au grain de voix mélancolique de Matthew, le chanteur du groupe. Ainsi sur la distance, le groupe réussit un petit tour de force, celui d'accorder son énergie intrinsèque (et elle est grande) avec le cérémonial ambitieux d'un grand orchestre. Si le tracklisting ne réserve que peu de surprise et prend des allures de best-of (le lot commun de tout album live), en revanche on n'a jamais entendu d'aussi belles versions de « Blonde on blonde », « 80 windows », « Beautiful beat », « Blizzard of '77 » ou autres « Inside of love » (juste pour citer quelques exemples). Un excellent album permettant de découvrir le groupe sous un jour différent. On aurait aimé être dans la salle !
En concert à Paris (Le Bataclan) le 02/12.


mercredi 23 novembre 2016

Pihpoh : « Par vagues »



Originaire de Belfort, Pihpoh fait un peu figure d'ovni sur la scène hip hop française. Chez Pihpoh point de glorification d'ego surdimensionné mais une démarche créative se basant sur des textes sensibles et sensés transpirant le vécu, évoquant la vie, ses complications ("Globe-trotter", "Creux") et contrariétés (« Demain ») où les relations complexes avec le sexe opposé (« Mademoiselle », « T'attends », « Par vagues »). Musicalement, Pihpoh tourne le dos aux samples et flirte avec l'électro où plus précisément l'électro-funk d'inspiration 80s (« Demain », « LLLA »). La démarche prend tout son sens sur scène, où l'artiste se produit en trio accompagné par une guitare et une batterie électronique, produisant une musique festive et dansante. Un album attachant.

mardi 22 novembre 2016

Kanazoé Orkestra : « Miriya »



Kanazoé Orkestra est avant tout le projet d'un musicien, Seydou Diabaté. Balaphoniste surdoué, ce dernier arrive en France en 2010 en provenance du Burkina Faso. Installé dans la région Toulousaine, Diabaté s'entoure de musiciens venus d'horizons divers. Un métissage remarquable caractérise la musique entre tradition mandingue et improvisations jazz où se mêlent instruments vernaculaires (n'goni) et cuivres que l'on jurerait échappés d'une formation free (« Why ? »). La musique voyage ainsi librement de continent en continent piochant dans chaque tradition au fil de l'inspiration trouvant un terrain d'entente propice au dialogue entre les cultures. Comme souvent en matière de musique africaine, le disque est placé sous le sceau du rythme. L'affaire est en effet menée sur un tempo extatique, proche de la transe (cf. « Faden Yélé ») et tire profit de la multitude d'intervenants rythmiques (signalons la participation de Stéphane Perruchet, percussionniste spécialisé dans les rythmes d'Afrique de l'Ouest et de Cuba). On reste coi devant la virtuosité de Seydou Diabaté ("Nanifa") au balafon (une sorte de pendant africain du xylophone) et ses descentes casse-cou ultra-rapides et d'une précision sans appel. Son dialogue musical riche et incessant avec les percussions et la batterie (cf. « Dianfa ») constitue le point d'orgue d'un album en forme de voyage musical. Dépaysant.
En concert le 27/11 (17h) à Paris (Café de la danse)


The Joy Formidable : « Hitch »



Formation Galloise, The Joy Formidable a décidé de prendre son destin en mains. Son troisième album, intitulé « Hitch », a été enregistré dans le studio construit par le groupe (The Red Brick) et sort sur le label monté pour l'occasion par le trio (C'mon let's drift). Une déclaration d'indépendance qui laisse augurer de belles choses, une fois débarrassés des contingences imposées par une maison de disques. Et de fait l'entrée en matière est excellente avec trois titres coups de poings « A second in white », « Radio of Lips » et « The Last thing on my mind » rappelant les grandes heures du rock indé des années 1990, portés par des guitares incisives et des refrains fédérateurs taillés pour les stades. Hélas bien vite, le trio déchante et se prend les pieds dans un écueil récurrent du format CD : la longueur. Le groupe a vu trop grand, remplissant au maximum l'espace disponible. Résultat un album au nombre de plages pas forcément délirant (12 titres) mais exagérément long (67 minutes). Difficile de tenir le rythme sur la longueur. Au bout d'un moment, l'affaire tourne en rond, les titres défilent mais peinent à retenir l'attention (« The Brook », « Underneath the petal », "The Gift"). L'absence de direction artistique venue de l'extérieur se fait alors cruellement ressentir. Il convient de saluer la prise de risque mais les réussites, réelles, peinent à gommer ce sentiment de rendez-vous manqué pour le groupe. Dommage.
En tournée en première partie de Placebo en novembre.


dimanche 20 novembre 2016

Catfish : « Dohyo »



Le Dohyo désigne le cercle au sein duquel se retrouvent deux sumos avant d'entamer la lutte. C'est également le titre du deuxième album de Catfish, comme un aveu de la part du duo qui pratique la musique comme la résultante d'une confrontation entre deux univers. Le titre trouve tout son sens le long de ce deuxième album qui voit cet attachant groupe évoluer en douceur. Toujours fidèle au blues, l'album démarre avec « Landmarks », un premier titre aux relents garage rock où l'influence bleue se fait sentir dans la guitare inspirée de Damien Félix. L'introduction est quoi qu'il en soit parfaite. Mais bien vite, Catfish se joue des étiquettes et des codes embarquant sa musique dans des directions inattendues, invitant des synthés dans la danse, toujours utilisés à bon escient et avec parcimonie pour un résultat évoquant la new/cold wave des années 1980 (« Rebirth », « No reason »). Ailleurs, le duo lâche les chevaux, flirtant avec le punk (cf. « The Feather »), contexte dans lequel la chanteuse Amandine se révèle particulièrement à l'aise et laisse exploser toute sa puissance vocale (elle est, de plus, assez impressionnante sur scène). Mais Catfish sait aussi jouer sur la retenue et délivre coup sur coup avec « The Tree » et « Take your time » deux superbes ballades, caverneuses à souhait et suintant le blues. Si le groupe s'essouffle un peu en fin de programme avec quelques titres un peu plus anecdotiques, l'ensemble, à la fois homogène et varié, voit le duo évoluer à un niveau assez élevé. Un excellent disque, produit avec soin confirmant Catfish dans sa posture de groupe avec lequel il faudra désormais compter.
En concert le 24/11 à Paris (Divan du Monde)

vendredi 18 novembre 2016

Frustration : « Empires of shame »



Chantre d'une vague froide à la française depuis une bonne dizaine d'années, pionniers du label Born Bad dont ils sont l'une des premières signatures, Frustration sort son nouvel opus, le troisième en dix ans. Intitulé « Empires of shame », ce dernier est une véritable déflagration sonique, une droite rock n'roll bien sentie propre à mettre KO les oreilles les plus blasées. Car chez Frustration on ne fait pas les choses à moitié. Quand il s'agit de sortir les guitares, on y va franchement et le résultat est absolument tourneboulant (« Excess », « Dreams, laws, rights and duties »). Mais la chose devient passionnante lorsque cette tornade punk se mélange à un feeling dark perceptible dans la basse (sous influence Peter Hook) ou dans le chant caverneux de Fabrice Gilbert qui a réussi à faire de son anglais imparfait une force, apportant une note prolétaire bienvenue en cette époque troublée. Compensant la rage féroce des guitares par des synthés cheap (« Mother earth in rags », « Cause you ran away »), Frustration multiplie les clins d’œil vers la scène cold wave des années 1980, on pense ainsi souvent à Joy Division voire aux Sisters of Mercy tout en déployant une fureur rock n'roll que ces derniers n'ont jamais pu atteindre. Placée à mi-parcours « Arrows of arrogance » offre une pause acoustique bienvenue au milieu du chaos. Court, incisif et percutant, « Empires of shame » dépasse à peine la demi-heure. Et c'est presque heureux tant l'auditeur finit l'écoute exsangue. Encore une sortie ultra-classe à mettre au crédit de l'excellent label Born Bad.


jeudi 17 novembre 2016

Otis Stacks



Avec un nom pareil, évoquant à la fois Otis Redding et la Stax, on pouvait s'attendre à un projet soul revival de derrière les fagots. Et s'il y a un peu de cela dans la musique d'Otis Stacks, c'est surtout aux Roots (celui des débuts) que l'on pense et à l'album « Do you want more? » en particulier. Du hip hop, pratiquant un groove chaud et organique sur lequel le flow éraillé du chanteur Elias Wallace roule comme sur du velours. La musique composée par l'autre moitié du duo, le producteur Danois Just Mike, est un savant alliage entre synthés analogiques vintage et instruments électriques/acoustiques piochant dans les influences soul et hip hop. Complété par une kyrielle de versions instrumentales et de remixes, ce court EP ne comprend que deux originaux. Trop peu pour se faire une idée définitive mais notre curiosité est définitivement éveillée. Affaire à suivre…

mercredi 16 novembre 2016

Manu Lanvin : « Blues, Booze & Rock n'Roll »



Blues, gnôle et rock n'roll, c'est un sacré programme que nous a contacté Manu Lanvin pour son troisième album. Alléchante sur le papier, la proposition tient toutes ses promesses sur disque. Passé par la case « chanson rock » à ses débuts, c'est après une collaboration avec le regretté Calvin Russell en 2009 (« Dawg eat dawg », l'ultime disque du Texan) que Manu a vu la lumière (bleue of course) ! Ce nouvel album s'impose donc comme l'étape suivante, un disque au feeling blue incontestable perceptible aussi bien dans le touché de guitare inspiré (« Whipping boy ») que dans le chant grave, éraillé, légèrement cassé au fond de la gorge et transpirant le vécu, les hauts et les bas, les coups durs, la vie quoi ! Serré par des guitares foncièrement rock/garage au gros son bien gras, Manu canalise son énergie en soignant ses arrangements usant du piano, de l'harmonica ou des cuivres (« She's da bomb »), rendant ainsi hommage au blues dans toute sa diversité, clignant de l’œil aussi bien vers le Nord (Chicago) que vers le Sud (New-Orleans). Qui sait si l'expression « Blues rock » a un jour eu un sens ? Quoi qu'il en soit elle trouve en ce nouveau disque un formidable exemple. Un album touchant même lorsqu'il débranche les amplis (l'acoustique « R U There ») ou rend hommage au grands disparus (« JJ Cale on the radio »). Conseillé.