lundi 31 octobre 2016

The Marshals : « Les Courriers Session »


(c) Sophie Hervet

Peut-être que finalement les plus belles choses sont celles dont on rêve… Du fin fond de sa Province (Moulins dans l'Allier), The Marshals rêve d'Amérique, grands espaces fantasmés retranscrits ici en musique. Au rock n'roll garage rêche à base de guitares âpres et de batterie, The Marshals ajoute un harmonica. D'ordinaire condamné à la portion congrue et aux interventions sporadiques (du moins dans le cadre d'un groupe de rock), l'harmoniciste tient ici une place de choix, celle d'un membre du groupe à part entière. Un choix pas si anodin que cela qui place le trio sur le terrain du blues. Au son sec et revêche du rock, le groupe oppose un feeling blues qui prend de l'ampleur au fil de compositions au long cours (cf. « Good old days »). Point d'assauts soniques ici (même si le disque comporte sa part de guitares saturées et bien senties) mais un sentiment hypnotique et répétitif. Plutôt que de foncer tête baissée, The Marshals préfère creuser son sillon, un peu plus profondément à chaque nouvelle sortie. Un bel album intime et minimaliste, idéal pour rouler le long de routes imaginaires. A écouter pendant une « Long night ».


vendredi 28 octobre 2016

Cleo T, les trois baudets, 27 Octobre 2016.


Hier soir, Cleo T, désormais installée à Berlin, a effectué un retour pour le moins surprenant sur une scène parisienne. Le regard tourné vers le futur, l'artiste a tourné le dos à son ancien groupe pour une nouvelle orientation électro. Ils ne sont plus que trois sur scène : Cleo au chant (quasi exclusivement en anglais), un guitariste et le fidèle Valentin qui use plus souvent de la table de mixage que de son violoncelle. Ce nouveau spectacle est placé sous le signe de la haute technologie. Un mince rideau transparent, sur lequel sont projetés différents motifs ressemblant à des lasers et évoquant parfois la pluie, sépare la scène du public. Comme nous l'explique Cléo, les projections sont "des vidéos issues de programmes interactifs qui réagissent en temps réel aux mouvements et aux sons" (création Maflohé Passedouet / Compagnie Mobilis Immobilis). Chaque chanson prend ainsi des allures de mini tableau avec une mise en scène et une ambiance en constante évolution servie par des éclairages particulièrement élaborés. Effacée derrière sa propre création, on aperçoit plus Cleo, en ombre chinoise, qu'on ne la voit réellement. En plus du chant, cette dernière danse de plus en plus, des chorégraphies très étudiées rendant très bien dans cette configuration. Aussi ténu soit-il, les anciennes chansons ont disparues du répertoire, le lien avec l'univers de Cleo existe, on retrouve sa voix et la mélancolie qui autrefois caractérisait parfois sa musique. Seule l'interprétation est finalement différente. Longtemps l'univers de Cleo T a été associé à une imagerie art déco/cabaret/art nouveau. Dorénavant l'artiste se charge de projeter ces mêmes influences dans le futur. Si le résultat visuel est bluffant, le spectateur est comme écrasé par tout ce dispositif. Tout le monde reste silencieux et ose à peine applaudir de peur de perturber le subtil ordonnancement de la chose. Le spectacle est pour l'instant toujours en rodage et on nous promet un show encore plus immersif à l'avenir. Quant au nouvel album de Cleo, ce dernier est prévu pour début 2017.

mercredi 26 octobre 2016

The Sore Losers : « Skydogs »



De Triggerfinger à Balthazar, il est entendu que depuis quelques années, la scène rock belge est à la fois riche, variée et incroyablement excitante… Une nouvelle preuve nous en est donnée avec The Sore Losers. Tout, chez les Sore Losers rappelle l'âge d'or du rock n'roll, une période fertile en chef d’œuvres allant de la fin des années 1960 au mitan de la décennie suivante. Dans « Skydogs », leur nouvel album, on retrouve la violence des Stooges, « Cherry Cherry », la lourdeur noire de Black Sabbath (le fantastique « Blood Moon Shining » d'ouverture) ou la déglingue blues des Rolling Stones (« Can't you see me running »). Les racines des Sore Losers sont ainsi très variées allant du garage rock au psyché en y ajoutant à l'occasion quelques touches de blues ou de hard rock. Au-delà de cette variété d'influences, un dénominateur commun : l'urgence. D'une durée comparable à celle d'un vinyle d'époque (une grosse demi-heure environ) l'album s'écoute comme un shoot d'adrénaline, d'une seule traite. Typiquement le genre de groupe pour qui le rock n'a d'intérêt que s'il est accolé au roll. Pas foncièrement original, certes, mais alors quelle efficacité ! Une claque !


En concert avec Birth of Joy le 9/11 à Angers (Le Chabada) et le 10/11 à La Roche-Sur-Yon (Fuzz'Yon)

vendredi 21 octobre 2016

Marie-France chante Jacques Duvall



Égérie du Paris by night des années 1970/1980, Marie-France est également une voix qui porte sur la scène rock n'roll française depuis un fabuleux album, 39° de fièvre, enregistré en compagnie de Bijou en 1981. Mais les racines musicales de Marie-France remontent bien au-delà du rock sixties ou garage à laquelle son œuvre discographique fait référence. Point de guitares fuzz déchaînées ou de rockabilly habilement adapté à la langue de Molière sur ce nouvel effort mais un élégant album de torch songs à la française joué majoritairement au piano et arrangé avec soin. Ce nouveau disque, a été concocté avec l'aide de Jacques Duvall, parolier historique de la chanson française (Lio, Alain Chamfort…) qui tricote un écrin sur mesure pour la Belle Marie. Étonnamment, ce nouveau disque ne fait pas tellement écho à sa discographie mais plutôt à sa carrière cinématographique (elle est également actrice). En effet Marie aborde chaque chanson comme on s'approprie un rôle et incarne les textes à merveille (cf. « J'veux cet homme »). Sa voix rauque et éraillée d'éternelle fumeuse brille ainsi de mille feux dans cet univers cabaret taillé sur mesure pour elle. Un très bel album à écouter un soir de solitude et de déroute sentimentale…

En concert à Paris le 25/11 (Cabaret de Mme Arthur)

jeudi 20 octobre 2016

Bigger : « Bones and dust »



(c) Rouge Poisson


Damien Félix est sur tous les fronts en ce moment. Alors que sort ces jours-ci le deuxième album de Catfish, le guitariste présente son nouveau projet au nom prophétique, Bigger, comme un résumé de sa carrière débutée en duo pour finalement jouer dans un groupe plus étoffé. Au côté de Damien dans cette nouvelle aventure on retrouve donc Kevin Twomey, le chanteur irlandais de Monsieur Pink ; sur scène le duo est accompagné de Mike Prenat à la basse, Antoine Passard à la batterie et Ben Muller aux claviers. Les présentations étant terminées, passons maintenant au cœur du sujet : le disque. Bigger, c'est ce genre de groupe, tout nouveau mais qui nous semble étrangement familier. La six cordes de Damien y est pour beaucoup. Son jeu emprunt de blues et rock garage trouve ici un nouveau terrain d'expression plus pop, on pense parfois aux Beatles, parfois teinté d'une atmosphère légèrement dark (« December » sous influence Nick Cave). Si on compare avec Catfish, le résultat est moins brut, la démarche moins marquée par le punk. Le groupe trouve ainsi la juste distance entre une écriture soignée (les harmonies vocales, les arrangement) et une puissance d'exécution justement dosée ; on ne se refait jamais tout à fait, le disque contient des parties de guitares assez corsées (cf. « Bigger »). Une variété d'ambiance qui fait le bonheur du chanteur Kevin Twomey à l'aise dans tous les registres, modulant à l'envie son timbre de crooner rock. Un véritable interprète, dans tous les sens du terme, se glissant dans les chansons comme un acteur fait corps avec son rôle. Un joli EP au goût de trop peu, on attend l'album avec curiosité…


mercredi 19 octobre 2016

Interview avec les Psychotic Monks.



Si les mots rock n'roll ont encore un sens aujourd'hui, c'est bien grâce à des groupes comme les Psychotic Monks. Quelques heures avant de littéralement incendier la scène Ile-de-France du festival Rock en Seine, le groupe se confie et se révèle aussi posé et réfléchi qu'il est exalté sur scène. Interview et rencontre à la roots, aussi en rond dans l'herbe par une chaude après-midi d'été...

Bonjour tout le monde, c'est ma première interview avec des psychos, j'ai un peu peur…
The Pyschotic Monks (rires)…

Il y a un côté un peu psychotique dans votre musique, quelque chose de répétitif et d'entraînant. Où voulez-vous emmener l'auditeur avec votre musique ?
The Psychotic Monks : On veut l'emmener vers quelque chose d'humain, s'ouvrir à lui-même et à nous. On aime beaucoup utiliser le terme de transe. On trouve cette incantation à force de répétition. On aimerait à la fois intriguer et leur donner la sensation de trouver quelque chose en eux qui a toujours été là mais à laquelle ils n'ont pas forcément accès dans leur vie de tous les jours. Les gens ont besoin de se rassembler et de bouger tous ensemble, c'est ça qu'on aime bien dans ce côté transe psychédélique. Si le public arrive à ressentir la même chose que nous c'est vraiment super. On essaie de se connecter tous ensemble et de connecter le public au groupe.

Quand je vous écoute, j'ai l'impression d'un groupe qui fait le lien entre le rock heavy des années 1970 et le stoner plus contemporain. Comme un groupe qui croise les influences…
TPM : Au départ on vient chacun de musiques très différentes et on a appris ensemble à découvrir des groupes qui mixaient toutes nos références. Dans le stoner, on retrouve ce côté « autoroute » qu'on aime bien. Ce côté très sec, desert rock. On écoute souvent beaucoup de musiques et du coup la notre évolue en fonction de ce qu'on écoute. On n'écoute pas tous forcément la même chose au même moment et au final cela donne des influences assez variées.

Sans être un groupe de blues à proprement parler, j'ai toujours l'impression qu'il y a du blues caché dans votre musique, toujours prêt à sortir…
TPM : Bien sur. C'est une influence commune. Il y a de la lamentation dans le blues, c'est un chant presque de révolte par rapport à la condition de ceux qui la chante, qui sont en détresse. Cette révolte est importante pour nous…

Ah oui ?
TPM : On essaie de mettre du sens dans notre musique. De l'utiliser comme un moyen d'expression personnel pour parler de ce qu'on ressent dans la vie de tous les jours. Ca peut être très beau mais aussi très violent des fois. Ce blues est toujours là. Et puis le blues c'est aussi très répétitif, la plupart des musiques viennent de là de toute façon.

Rock en Seine, c'est une grosse opportunité pour vous. Comment vous le sentez ?
TPM : On est ultra excités ! Et on a un peu peur aussi. A moins que cela soit l'inverse. Il y a un an on y était comme spectateurs et là on joue, c'est étrange comme sensation. On va essayer de vivre le moment à fond. Et profiter du moment présent, on joue un set d'une demi-heure, ça va passer vite ! On va monter sur scène et hop ça sera déjà fini !

Justement, comment vous abordez l'exercice du festival ? Par rapport à une salle, le set est plus court, le public va et vient, faut le choper au passage, il y a de la musique partout… Est-ce que cela a changé quelque chose dans votre set ?
TPM : Nous on aime raconter une histoire sur un set du début à la fin alors du coup c'est assez compliqué pour nous… Il faut que le spectateur soit là au début, au milieu et à la fin pour que le concert ait un sens. On s'est posé la question en sens inverse : comment faire pour que quelqu'un qui passe soit en contact instantanément avec notre univers et ce qu'on a envie d'exprimer ? Qu'il puisse entrer dans l'histoire parce que même sur une demi-heure on avait envie de raconter une petite histoire dans le set. On en a besoin pour être dedans du début à la fin. Il faut que cela ait un sens aussi pour nous. A la fin du concert, on doit presque avoir l'impression de ne plus avoir envie de faire de la musique tellement on a tout donné.

Ah bon ? C'est super intense…
TPM : Plusieurs fois on s'est dit, en sortant de scène : « cette fois on est morts ! ». On va au bout du bout du bout, tellement on va chercher des énergies au fin fond de nous-même. C'est chargé (sourire).

Et pour en revenir à votre approche du story-telling, chanter en anglais n'est-il pas une limite ?
TPM : Non. Mais c'est sur qu'en France, le public va avoir peut-être un peu de mal a comprendre les paroles. Après, il y a beaucoup de choses qui passent par les sonorités du texte qu'il soit en français ou en anglais. Sans comprendre le texte, les émotions passent quand-même. Le fait d'être Français change aussi la donne. On a une culture littéraire et poétique, Baudelaire par exemple. Il y a aussi des choses magnifiques en anglais. On essaie de faire un mix des deux. L'anglais c'est en cohérence avec notre musique. Tous les groupes qu'on écoute chantent en anglais, c'est vraiment la langue dans laquelle cela se passe. Le français crée un décalage qui ne fonctionne pas avec nos lignes instrumentales. Ca peut fonctionner cependant mais nous on ne le sent pas. On a essayé pourtant, on a tous été dans des groupes qui chantaient en français avant. On aime beaucoup écrire en français pour avoir du fond mais pour la forme on préfère l'anglais.

Au moment où on se parle, il doit être quelque chose comme 17h et vous passez ce soir à 22h. C'est un peu une métaphore de la vie de musicien, on passe son temps à attendre son tour…
TPM : C'est ce qu'on disait. On est là depuis 14h, on attend pour jouer seulement une demi-heure Ca fait partie du jeu, ça nous laisse du temps pour se balader dans le festival et aussi pour se concentrer. C'est une manière de se mettre dedans aussi. La créativité ça vient en partie de l'ennui. On n'est pas forcément en train de faire quelque chose de concret, c'est de là que viennent les idées.

Donc c'est un moment important ?
TPM : Oui. Et parfois plus agréable ou moins. Ca dépend de l'état d'esprit dans lequel on se trouve. C'est à chaque fois différent mais on est contents de se retrouver sur scène.

Et alors quel est le plan pour ce soir ?
TPM : Généralement on aime bien les concerts qui prennent le temps de s'envoler. Là on va essayer quelque chose de différent. On a inversé la chose. On va démarrer très fort et notre histoire ça va être cette mort qui va arriver petit à petit vers la fin.

Propos recueillis à Saint-Cloud (Rock en Seine) le 27 Août 2016.
En concert à Paris (Point Ephémère) le 8 novembre.

mardi 18 octobre 2016

The Angry Cats+Western Machine, Le Chinois, Montreuil, 15 Octobre 2016.



Fait de bric, de broc et de récup' vintage, Le Chinois de Montreuil nous accueille en ce samedi soir pour fêter la sortie du premier album des Angry Cats. S'il est entendu que l'endroit est moins « classe » que certaines anciennes salles historiques de Paris, le Chinois possède son charme bien à lui fait d'objets de récupération, notamment un joli bar en formica au-dessus duquel trône une belle illustration 50s entourée d'ampoules multicolores. Sur les murs traînent quelques carreaux de faïence, vestiges d'une précédente activité du lieu (une boucherie peut-être?) quand ils ne sont pas faits de parpaings bruts. Il se dégage de l'endroit une âme et elle est foncièrement rock n'roll…

Et ça tombe à point nommé vu le plateau qui nous attend pour cette soirée. On commence donc avec Western Machine, un trio à la composition classique basse/batterie/guitare tout de rouge et de noir vêtu comme dans une célèbre chanson de… Je plaisante ! Des trois membres, c'est sans conteste la bassiste (et ses fausses moustaches) Jesus La Vidange qui nous a fait la plus forte impression. Exaltée, le regard exorbité, limite flippante, cette dernière délivre des lignes puissantes dans un fracas de tous les diables, allongée, à genoux et dans toutes les positions imaginables. Son association avec le batteur François François est parfaite, ce dernier joue avec subtilité, un mélange de puissance brute, de vélocité et surtout de swing apportant tout le sel à la musique. Derrière une belle guitare Seb Le Bison assure le job dans un tonnerre de décibels et de pédale wha-wha dans la plus pure tradition garage. Enfin un quatrième membre Matt le Rouge fait quelques apparitions éparses au saxophone, apportant la note inattendue faisant toute la différence et renforçant le swing de l'ensemble. Une très belle découverte pour commencer la soirée.


S'ils ont quelque peu délaissé le rockabilly qui a fait leur réputation sur leurs deux premiers Eps, Les Angry Cats restent un redoutable trio qui dorénavant exprime la fureur rock n'roll qui l'habite sur un mode différent. S'il reste quelques vestiges (notamment dans les patterns de batterie) du rockabilly, le trio exhibe dorénavant toute une gamme d'influences allant du stoner au punk. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela dégage ! Avec son air cartoonesque, Fred Alpi, le chanteur/guitariste assure le show gesticulant tel un boxeur derrière sa superbe Gretsh demi-caisse. Une posture de combattant qui va à merveille à son engagement politique consacré à la lutte (cf. « Rock n'riot »). L'ambiance met un peu de temps à monter avant que le public n'explose dans un pogo ravageur vers la fin du concert au moment où le groupe entame son hommage rendu à Lemmy dans une reprise d' « Ace of Spades » (1980). Généreux, le trio reviendra sur scène pour les rappels par deux fois sous les applaudissements et les cris du public. Ce qu'on appelle une belle soirée.

lundi 17 octobre 2016

Sophia : « As we make Our Way (Unknown Harbours) »



Après sept ans de silence, Sophia, le groupe mené par Robin Proper-Sheppard, un citoyen étasunien exilé à Londres, fait son grand retour. La carrière de ce dernier est placée sous le signe du drame. Celui qui, en 1994, a stoppé net l'ascension de son groupe précédant, The God Machine, en emportant brutalement le bassiste Jimmy Fernandez. Depuis, Proper-Sheppard n'a de cesse d'exorciser ce malheur en musique. A la tête de son groupe Sophia, lancé en 1996 après la séparation dramatique et douloureuse de The God Machine, Robin Proper-Sheppard prend le contre-pied de tout ce qui a fait sa réputation musicale jusqu'alors. The God Machine, turbulent trio, évoluait de bruit et de fureur dans les remous shoegaze/grunge des nineties. Sophia sera à l'opposé : une formation majoritairement acoustique, jouant une musique habitée entre spleen et dépouillement. Ce nouvel, et sixième, album ne déroge pas à la règle mettant en avant des instruments tels que le piano et la guitare folk (cf. « Baby, Hold On », « It's easy to be lonely ») créant des ambiances où se mélangent harmonieusement les nappes de claviers et les instruments acoustiques (la baroque « You say it's alright »). Après le joli instrumental d'ouverture au piano, « Unknown Harbours », déboule le monumental post-rock « Resisting », particulièrement électrique, pas forcément représentatif du son du groupe mais irrésistible. Autre pièce de choix, « California » voit Robin poser un regard désabusé sur son état natal, dans lequel il est devenu un étranger, sur un fond pop rock tubesque en diable. Sans revenir tout à fait à ses premières amours, Robin monte le volume ça et là (« Resisting », « The Hustle ») variant intelligemment les ambiances, ouvrant la voie vers les rives inconnues évoquées dans le titre.

En concert le 20 octobre à Paris (Petit Bain).


samedi 15 octobre 2016

After Marianne : « It's a wonderful place to be (over) »



Voilà un singulier objet que ce premier EP d'After Marianne où il est beaucoup question de l'après, après l'existence ainsi que le résume le titre : c'est un endroit fabuleux pour en terminer (cf. l'interlude lu par une voix pour le moins étrange)… A l'image de sa pochette « spatiale », After Marianne affectionne les ambiances éthérées bâties sur un délicat mélange d'acoustique, d'électronique et d'électricité savamment dosée entre envolées pianistiques et nappes de claviers et de cordes. Le décor « planant » est planté et il convient à merveille à la voix diaphane de la chanteuse Mathilda. Son timbre entre en décalage avec celui de Julien Doré, invité sur un titre, créant un contraste. Une musique entre spleen et rêverie, lyrique à souhait, qui n'est pas sans rappeler Sigur Ros. A découvrir.

En concert le 20/10 à Paris (Supersonic)

vendredi 14 octobre 2016

Interview avec Theo Lawrence


(c) Christophe Crénel
(c) Liah Berlioux
A peine 21 ans, un seul 45 tours et déjà sur la scène de l'industrie à Rock en Seine : tout s'est accéléré ces derniers temps pour Theo Lawrence et son groupe The Hearts. Assis dans l'espace presse du festival et impeccablement gominé le jeune, sympathique et talentueux musicien revient sur son parcours jusqu'ici et ses espoirs pour l'avenir. Rencontre...

(c) Rodrigue Mercier
Bonjour Theo, alors tu es de retour à Rock en Seine, là où ton groupe précédent, les Velvet Veins, a joué son ultime concert. Dans quel état d'esprit es-tu ? Il y a une émotion particulière ?
Théo Lawrence : Et bien, je me sens vraiment chanceux. Très chanceux. J'ai grandi à Paris alors je sais très bien ce que représente Rock en Seine. Cela me fait vraiment très plaisir d'avoir l'occasion de jouer dans ce festival alors que l'on a sorti seulement un 45 tours c'est à dire deux chansons. Je me dis que les étoiles étaient bien alignées (sourire). C'était une magnifique expérience et une scène superbe. J'adore ce festival. C'était très émouvant. Et très motivant pour moi et le groupe. Le contexte est stimulant. Un très beau souvenir.

La dernière fois les Velvet Veins s'étaient produits sur la scène Ile-de-France qui est réservée aux groupes locaux en développement et là tu étais sur la scène de l'industrie, avec les grands si on peut dire. C'est une belle promotion, assez rapide…
Théo : Exactement. La première fois que je suis venu ici c'était avec mes parents en 2010. J'étais venu voir un de mes groupes préférés, j'avais 12 ou 13 ans. Et je me souviens très bien, avoir vu les groupes sur la scène de l'industrie. Cette scène est restée imprimée dans ma tête. Et du coup hier je me suis retrouvé sur cette même scène, je m'en suis souvenu, c'était émouvant.

Un rêve d'enfant ?
Théo : Oui, un rêve d'enfant, absolument. Quand je pense à un festival que j'ai envie de faire en France, je pense à Rock en Seine. J'étais très heureux quand on m'a annoncé la nouvelle. Trop heureux.

(c) Christophe Crénel
Après les Velvet Veins il y a eu une petite période de transition en trio jusqu'à la formation des Hearts. Comment ça s'est passé ? Tu as tâtonné pour trouver la bonne formule ?
Théo : Je savais que je voulais faire mon groupe pour jouer la musique qui me plaisait. Et pour ça il fallait trouver les bonnes personnes. Le solo, c'est bien pour écrire. Quand j'écris mes chansons, chez moi dans ma chambre, je suis toujours seul avec une guitare. Même si j'apprécie d'être en solo sur scène de temps en temps pour une chanson ou deux, ça ne me permet pas de jouer toute la musique que j'aime. Il me fallait des musiciens pour mettre ça en forme. Je les ai rencontrés sur plusieurs années. La période a été assez longue mais quand je les ai trouvées je savais que c'était les bonnes personnes. En fait je n'ai même pas eu à les chercher. Il fallait qu'il y ait de l'amour pour la musique qu'on fait. On a commencé à jouer à trois, puis à quatre et cinq sur un an et demi à peu près. La formation définitive ça fait à peu près un mois et demi qu'on joue ensemble. Le nouveau claviériste vient d'arriver. Maintenant c'est définitif.

Quelque chose m'a frappé hier pendant le concert j'ai retrouvé un peu le son des Velvet Veins, du rock, du blues parfois très ancien, du Delta, et une ouverture nouvelle vers la soul music qui m'a un peu surpris…
Théo : Dans le groupe on est des grands amateurs de soul, on collectionne les disques, depuis toujours on en écoute énormément. Le jour où on s'est tous rassemblés pour faire de la zic ensemble, c'est ce qui est naturellement sorti. Ce n'était absolument pas un choix réfléchi. C'était l'extension de nous cinq réunis. On est très inspirés par les labels à l'ancienne, Stax, Motown, le sud-est américain, la southern soul. On est respectueux de la tradition. Des chansons simples, qui vont droit au but avec des sujets classiques que tout le monde peut s'approprier. Intemporel. Et après on essaye de ne pas être trop orthodoxes non plus. On ajoute d'autres styles qui font que ce n'est pas juste de la soul music. Au sens littéral soul cela signifie de la musique fait sincèrement, de l'âme, du fond du cœur. Donc on aime bien dire qu'on fait de la soul. On se reconnaît dans cette caractéristique. On ne veut pas faire quelque chose de trop passéiste ou référencé au passé même si on en est très respectueux.

Ton chant est aussi différent avec ce nouveau groupe…
Théo : J'ai juste grandi. J'avais 18 ans à l'époque des Velvet Veins. Je viens d'avoir 21 ans, entre temps tu changes de voix. Tu te calmes un peu. Tu t’assagis, tu fais moins d'effets. Avec le groupe d'une manière générale on essaie de rester dans la sobriété et de faire les choses le plus simplement possible. De manière à toucher le plus de monde, même ceux qui n'écoute pas particulièrement de musique.

(c) Dom Secher

Quel est ton rapport avec le Canada aujourd'hui ?
Théo : Je m'en sens très proche, la moitié de ma famille vient du Québec. J'adore le Canada, c'est, jusqu'ici, mon endroit préféré sur terre. Mon parrain est Canadien et m'a beaucoup soutenu dans mon apprentissage musical. J'espère vraiment y tourner bientôt, je n'ai pour l'instant encore jamais eu l'occasion d'y jouer.

Et tes groupes Canadiens préférés ?
Théo : Timber Timbre est un de mes groupes préférés. Neil Young que je respecte infiniment pour sa carrière parfaite de musicien indépendant qui envoie tout le monde se faire foutre. Respect infini. The Band également.

J'ai vu qu'il y avait un voyage de prévu aux USA bientôt…
Théo : C'est le berceau de toute la musique que j'écoute depuis que je suis tout petit. Au-delà de la musique je me suis passionné pour le folklore et le style de vie en général dans le sud-est, le Mississippi. Tout ce que le peuple fait quotidiennement, l'artisanat, la nourriture, la politique, l'histoire en général. Je n'ai jamais eu l'occasion d'y aller, j'étais trop jeune. Maintenant que j'ai 21 ans et que je peux entrer dans les salles de concert, mon premier réflexe a été de prendre un billet d'avion. J'ai envie d'expérimenter empiriquement le lieu, de voir à quoi cela ressemble.

C'est un voyage initiatique…
Théo : Exactement. J'ai l'impression de déjà connaître l'endroit tellement je m'en suis imprégné avec des films, des photos, de la musique. Je suis vraiment obsédé par cet endroit. J'ai hâte...

Quels sont les projets pour le groupe à l'avenir ?
Théo : On rentre en studio pour enregistrer un EP, on espère le sortir pour fin 2016. Et après on a des dates en France pour l'instant. Mais je suis focalisé sur le studio. On a écrit beaucoup de chansons qu'on n'a pas eu l'occasion d'enregistrer. On a envie de faire des disques. On est très prolifiques dans notre manière d'écrire de la musique. J'essaie d'avoir une éthique de travail assez rigoureuse. Tous les jours j'essaie de m'asseoir et d'écrire des morceaux, de sortir quelque chose sur le papier. J'ai toujours mis un point d'honneur à produire sans jamais me reposer sur ce que j'avais déjà fait. Je n'ai pas envie qu'on soit ce genre de groupe qui passe trop de temps à toujours jouer les mêmes chansons et à se reposer sur son passé. Il y a trop de chansons à écrire. J'ai peur de la répétition, je trouve ça chiant pour tout le monde, l'artiste et les spectateurs. J'ai trop de projets dans la tête pour être prudent et sortir un album tous les dix ans. C'est pour ça qu'on privilégie des méthodes d'enregistrement assez rapides, tous en live. On fait peu de prises, on n'a pas le temps d'hésiter. Il faut garder la spontanéité.

(c) Brice Martinat
Propos recueillis le 27 Août 2016 à Rock en Seine.



jeudi 13 octobre 2016

Trupa Trupa : « Headache »



Ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de chroniquer un groupe venu de Pologne et c'est donc une première sur ce blog. De fait, l'histoire de Trupa Trupa relève d'une de ces heureuses coïncidences, tellement rares et qui font tout le sel de l'existence. Le quartet de Gdansk a été découvert, totalement par hasard, par Stéphane Grégoire, patron du label Ici d'ailleurs lors d'un séjour en Pologne après que ces derniers lui aient offert un exemplaire de leur album « Headache ». Bien que peu de gens ont eu la chance jusqu'ici de poser une oreille dessus, le disque en question bénéficie d'une aura « culte » depuis que Sasha Frere-Jones, un critique estimé du Los Angeles Times, a décrété que « l'un des meilleurs groupes de rock actuellement en activité se trouve à Gdansk, en Pologne ». C'est donc entre impatience et fébrilité que l'on pose à notre tour la galette sur la platine. Le bien mal nommé « Headache » (migraine, mal de tête) est un disque rare, reposant sur un équilibre fragile entre tradition et originalité. Pour résumer, Trupa Trupa assume sans complexe l'héritage des groupes psychés des années 1960 à nos jours (cf. « Give'em all », « Snow », « Sacrifice ») sans pour autant tomber dans le piège du revival vintage. Trupa Trupa respecte autant les traditions qu'il les trahit par ailleurs pour mieux innover et inventer sa propre musique. Le disque tombe alors dans une espèce de faille, un entre-deux, là où les sixties psychédéliques croisent le shoegaze des années 1990 (cf. « Wasteland », l'impressionnante « Headache »). Entêtant, hypnotique, répétitif (cf. « Getting older ») voire dissonant (« Rise and fall ») ce n'est qu'après plusieurs écoutes attentives, nécessaires pour s'approprier le disque que l'évidence de ce dernier se fait jour. Le quatuor a réussi a graver dans la cire un moment tout à fait unique. D'une part les compositions sont solides et quelque part évidentes. Mais le groupe a réussi à les habiller d'un costume expérimental sans en faire des tonnes et sans tomber dans la surenchère grossière non plus. Riche, l'album révèle ses trésors l'un après l'autre, comme un renouvellement organique et naturel, chaque écoute révélant un nouveau détail pour dévoiler au final une fresque impressionnante. Après une sortie dans sa Pologne natale en 2015, « Headache » arrive chez nous le 21 octobre prochain dans une version remasterisée. Et le nouvel album de Trupa Trupa est annoncé pour 2017 !

mercredi 12 octobre 2016

El'Blaszcyk Rock Band Himself : « The quirky lost tapes 1993-1995 »




On ne dit pas ça pour passer de la pommade, mais, il n'y a pas à dire, sans le label Born Bad, on s'amuserait quand-même bien moins ! Infatigable pourfendeur de l'idée selon laquelle tout est beaucoup mieux chez les anglo-saxons, Born Bad n'a de cesse de parcourir les archives et autres improbables fonds de tiroirs à la recherche de pépites francophones oubliées. De quoi garnir les excellentes compilations Wizzz (trois volumes consacrés au rock 60s) et France Chébran (orienté funk 80s). Dans le même ordre d'idée, la dernière trouvaille en date de Born Bad s'appelle El'Blaszcyk. Derrière le patronyme barbare, se cache un musicien iconoclaste et inclassable. Certes, le disque est bizarre, bancal et imparfait et on l'adore ! Il se dégage de ces chansons un charme unique, celui de l'enregistrement qui tient du bricolage et des bouts de chandelles rafistolés. Entre rock garage, psyché et yéyés (pourtant les enregistrements datent du début des années 1990) le « rock band by himself » (autrement dit un one man band) El'Blaszcyk pratique une musique cinématographique ; pas une superproduction hollywoodienne, plutôt un film amateur bricolé au super 8 entre potes où l'interprétation prend tout son sens. En compagnie de sa petite sœur et de la meilleure copine de cette dernière, toutes deux à peine adolescentes à l'époque, El'Blaszcyk « interprète » ses chansons comme autant de petites saynètes extraites de courts métrages. Qui d'autre aujourd'hui oserait chanter « Quand tu m'caresses » (une chanson cochonne pour rire) ou vanter les louanges du « Tapfex » (une improbable machine à donner des baffes de son invention) ? L'autre truc d'El'Blaszcyk c'est de chanter la (mauvaise) santé et cela donne autant d'inénarrables pépites : « J'ai pas d'santé », « Radiographie », « Piquouze jerk » (quel titre!!!) ou « Huggy gully neurasthénique » (on vous laisse découvrir les paroles...). Même tardive, il s'agit d'une révélation !

dimanche 9 octobre 2016

Rover + Barbagallo, Festival de Marne, Maisons des Arts, Créteil, 8 Octobre 2016.


De Julien Barbagallo, on connaissait le touché de baguette magique au sein de multiples groupes dans lesquels il a officié derrière la batterie et non des moindres : Tahiti 80, Hyperclean, Aquaserge, Tame Impala, excusez du peu… Ce soir on découvre le Julien chanteur, trônant derrière sa batterie au milieu de ses musiciens alignés sur le devant de la scène : clavier, guitare, batterie et basse. Si la posture batteur/chanteur n'est pas inédite, elle n'en reste pas moins extrêmement rare. Et ce n'est probablement pas un hasard si la musique de Barbagallo nous paraît, par sa nature même, extrêmement rythmique, la section formée avec l'excellente bassiste se taillant la part du lion. La basse est ronde, énorme, au son très sixties et forme un contraste saisissant avec les synthés plutôt d'obédience eighties. La guitare, acoustique quant à elle est dévolue à un rôle exclusivement rythmique. Dans la musique de Barbagallo se bousculent un certain nombre d'influences, un soupçon de variété italienne pour la note exotique sans tomber dans la ringardise, une lampée de chanson et une bonne dose de pop. Dans le fond, et l'esprit, le résultat n'est pas si éloigné de ce que propose des groupes tels que Tahiti 80 ou Forever Pavot à l'heure actuelle mais chanté en français. Le nouvel album de Barbagallo sort à la fin du mois et on est curieux de l'écouter. Belle découverte.

Les lumières s'éteignent, plongeant l'audience dans l'obscurité, alors qu'un son menaçant et lancinant se fait entendre… Une lumière rouge brille dans le noir et son ombre, immense fait son apparition sur le mur du fond. Depuis la sortie de son premier EP, on avait un peu perdu Rover de vue et il a fait un sacré bout de chemin depuis avec deux albums couronnés de succès. Derrière ses lunettes noires, Rover est un exalté, qui hurle dans le micro, en nage dès le deuxième morceau. L'engagement physique des quatre musiciens est impressionnant. La musique fait un grand écart constant entre la cold wave (on pense parfois à Interpol, notamment la voix) et des arrangements pop élaborés évoquant Gainsbourg (celui de « Melody Nelson ») ou les Beatles. S'il exhibe une collection de guitares demi-caisse toutes plus belles les unes que les autres (Rickenbacker, Danelectro, Epiphone) et s'il connaît indéniablement en matière de six cordes (certaines envolées à la guitare sont impressionnantes), la musique de Rover laisse aussi une belle place aux nappes synthétiques. Certains titres laissent échapper une immense ambition musicale (pas tellement loin du classique dans l'esprit) alternant longues nappes planantes aux claviers et de brusques attaques de guitare électrique. La section rythmique joue un rôle essentiel dans l'affaire et pratique une sorte de groove glacé à base de lignes de basses énormes et froides. Magnifique concert.


vendredi 7 octobre 2016

The Angry Cats : « Outmonster the monster »



S'ils délaissent quelque peu le rockabilly (encore que) sur ce premier album, l'explosif power trio The Angry Cats n'en reste pas moins rock n'roll. Une fois le court instrumental d'ouverture passé, le groove du premier titre « Put your hand in mine » est tout simplement fantastique, dévastateur, l'interaction entre la basse et la batterie est à tomber par terre, enfin c'est le pied quoi ! Le reste de l'album est à l'avenant carré, ravageur, mais surtout riche d'une variété d'influences tout en restant fidèles aux fondamentaux du rockabilly (en matière rythmique notamment). Et c'est bien ça qui impressionne le plus dans ce groupe, cette manière unique de fondre un univers dans un autre, de réinventer, d'apposer une patte personnelle dans un univers aussi codifié. Bref d'inventer plutôt que de suivre ou de rechercher à recréer le passé, aussi glorieux fût-il (cf. « Everyone i know »). Pour le reste, on retrouve le trio tel qu'on l'a laissé, c'est à dire conscient et engagé, comme ils le disent eux-même : « I just can't keep out of politics ». Toujours prêts à dégommer les « Invisible hand » et autres « Master of the world », les Angry Cats se nourrissent de l'air du temps, et ce dernier n'est pas forcément réjouissant (« A day of fear and frown » évoque le meurtre de Michael Brown à Ferguson). Il en résulte et un album tendu et nerveux, dopé par une adrénaline allant crescendo.
En concert le 15 octobre à Montreuil (Le Chinois)

jeudi 6 octobre 2016

Johnny Mafia, le Petit Bain, 5 octobre 2016.

(c) Jean-Claude Chaudy
Avec toute l'énergie, la candeur voire la folie de leur vingt ans, Johnny Mafia a attaqué la scène du Petit Bain comme une tornade. Voilà le genre de groupe grâce à qui, les services de sécurité ne seront jamais au chômage ! Au bout de trois (peut-être quatre) morceaux, la fosse ressemble à un bazar sans nom, pogo endiablé, slam pieds par-dessus la tête avant de finir par un envahissement en règle de la scène par le public, en gros, pour résumé, depuis les Black Lips on n'avait pas vu un bordel pareil, les verres (en plastique, heureusement) de bière volant dans le public ! Ce concert ressemble à ces moments d'oubli (voire d'égarement) de notre jeunesse. La musique est à l'avenant, garage rock déglingué, joué le pied au plancher, certains titres n'excèdent pas les deux minutes. En live les expérimentations psyché du disque s'effacent peu à peu et il nous semble détecter un soupçon de grunge dans le chant. Johnny Mafia joue vite et fort, vous êtes prévenus, c'est du rock n'roll…

mercredi 5 octobre 2016

City of Dreams


(c) Anna Galvin

(c) Paul Madonna


Décidément, cette rentrée sera à l'heure californienne. Quelques jours après avoir exposé les nouvelles œuvres de Chuck Sperry, la galerie l’œil ouvert accueille de nouveau trois artistes également originaires de San Francisco : Annie Galvin, Eric Rewitzer et Paul Madonna pour trois regards croisés sur la magnifique ville du nord de la Californie.
Du  6 au 30 octobre, Galerie l'oeil ouvert Marais, 74 rue François Miron, 75004, Métro St Paul.

Simon Bolzinger : « Tambor y Canto »



C'est à la cité de la musique de Marseille, à l'occasion de la dixième édition des « Rencontres Tambor y Canto » en 2013, qu'est né ce nouveau projet du pianiste Simon Bolzinger. Le disque est né de la rencontre entre le pianiste et quatre percussionnistes venus de pays différents : Cuba, Brésil, Argentine et Pérou. Le résultat est placé sous le signe du rythme, effréné, et de la rencontre avec le jazz symbolisé par le piano, la contrebasse et le saxophone, comme une fusion entre deux univers différents mais complémentaires. Chaque percussionniste joue d'un instrument traditionnel, typique de son pays. La richesse rythmique de la chose est infinie, très subtile (cf. "Yambu marsellés"), et se marie avec bonheur au jazz d'ambiance tantôt « nocturne » (cf. « Zamba para Sylvie ») tantôt manouche (cf. « Primer Asado ») tantôt swing sautillant (cf. « Periquito panamericano ») du pianiste. Le chant en espagnol apporte une dimension supplémentaire plaçant ce superbe projet sous le signe de la curiosité exotique. A découvrir.
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En concert le 6/10 à Paris (Studio de l'Hermitage).

mardi 4 octobre 2016

Zodiac + RavenEye + Honeymoon Disease, la flèche d'or, 3/10/2016.



Beau plateau hard rock/métal en ce lundi soir à la flèche d'or, l'ancienne gare désaffectée transformée en salle de concert avec vue sur la voie ferrée.

On commence avec Honeymoon Disease quatuor composé de deux filles, au chant et aux guitares, et de deux garçons composant la section rythmique. Très inspiré par les années 1970, la chanteuse arbore un tatouage de Thin Lizzy, à l'image de la muscle car qui leur sert de logo affiché dans le fond de la scène, le groupe livre un rock carré pas foncièrement original mais plaisant.

Place ensuite au gros morceau de la soirée le surpuissant trio RavenEye dont on avait auparavant évoqué l'EP et l'album. Ça commence par un enregistrement de corbeaux légèrement flippant, évoquant un film gothique pas tout à fait raccord avec l'esthétique du groupe. Guitariste passé par le blues, Oli Brown a (provisoirement ?) lâché la note bleue au profit d'un son nettement plus heavy. Le trio dévaste tout sur son passage, dans la foulée d'un batteur à la scansion démentielle et porté par un réel plaisir du jeu. Derrière sa basse Aaron glisse sur le son tel un surfeur sur la vague délivrant des lignes énormes remplaçant même la guitare à l'occasion sur un titre joué en version basse/batterie (un peu comme chez Royal Blood). Quant à Oli s'il s'entend en matière de gros son, un reste de blues subsiste dans ses soli. Ce dernier assure le show grimpant aux échafaudages qui encadrent la scène, chantant au milieu de la foule ou traversant la fosse sur les (larges) épaules de son bassiste Aaron (un vrai travail de force !). Il n'en faut guère plus pour s'assurer de l'adhésion du public et pour passer une bonne soirée sous le signe du fun. Efficace.


Autant l'avouer de suite, on avait jamais entendu parler de Zodiac avant ce soir, mais ce n'est pas grave, ce sont des choses qui arrivent. Zodiac, donc est un quatuor Allemand évoluant dans un registre inspiré des années 1970, Black Sabbath, ce genre de choses. Certes, le créneau est pour le moins encombré mais les teutons ont des arguments pour faire la différence : un son clair, net et tranché et un travail intéressant sur les guitares aussi bien rythmiques que solo, le duo de six cordes se complétant parfaitement avec bonheur. Un art du solo, du riff bien trouvé, de la rythmique, techniquement complexe, balancée avec audace qu'ils savent également mettre au service du blues, genre qu'ils revisitent parfois à leur sauce, faite de feeling épicé aux décibels. On le répète souvent mais si tout ceci n'a rien de fondamentalement original, il y a tout de même de chance qu'on se lasse un jour de ce style classique et intemporel...

Hildebrandt, Le Divan du Monde, 1/10/2016

Hildebrandt et Lescop, le divan du monde, 1er octobre 2016 (c) Aurélien Arcaix

Hildebrandt et Mr. K, le divan du monde, 1er octobre 2016 (c) Aurélien Arcaix


Ah les vicissitudes de la vie d'artiste, faite de hauts et de bas ! Prenez Hildebrandt par exemple qui se présente sur la scène du Divan du Monde, marchant avec des béquilles, résultat d'un accident survenu sur le tournage de son dernier clip. Hildebrandt fête ce soir la sortie de son excellent premier album en solo « Les Animals » et, hélas, hélas, hélas, le divan du monde sonne cruellement creux avec une trentaine de spectateurs seulement, une maigre foule se rassemblant dans la fosse. Et c'est bien dommage. Affirmons-le une fois de plus, les absents ont eu tort. Situé au croisement de différentes cultures, Hildebrandt a donné un concert de grande classe où les influences se culbutent entre rock, chanson et pop électronique. On s'en doutait un peu à l'écoute mais certains titres comme « Les Animals » et « Vos gueules » possèdent un potentiel scénique certain que l'on qualifiera de « rentre dedans » bien servies par un duo de guitaristes furieux, Pierre et Nico, ex-membres comme lui du groupe Coup d'Marron. Cette électricité latente fait contraste avec d'une part les claviers et boite à rythmes d'obédience électro mais aussi les textes en français ancrés dans la tradition de la chanson (à ce titre notons également les reprises de Ferré et de Gainsbourg). Au milieu de tous ces mélanges se trouve Hildebrandt, artiste à la voix puissante et à l'univers singulier qu'il convient de découvrir au plus vite.
https://www.facebook.com/hildebrandtmusic/

dimanche 2 octobre 2016

Interview avec Parlor Snakes

(c) Eric Keller
En mini-tournée cet automne avant de prendre un peu de temps pour mieux inventer la suite, le quatuor Parlor Snakes revient longuement sur son deuxième disque, une étape fondamentale de leur évolution, enregistré à New-York City en compagnie du légendaire Matt Verta-Ray. Interview fleuve avec la chanteuse Eugénie Alquezar accompagnée du batteur Jim.

Il s'agît de votre deuxième album. Le groupe aime bien prendre son temps…
Eugénie (chant/clavier) : C'est une façon de voir les choses. Entre le premier album qui est sorti en 2012 et celui-ci, il y a eu pas mal d'événements. On a beaucoup joué, beaucoup de concerts, de premières parties, une tournée avec Jim Jones Revue… L'écriture, le rodage. On peut avoir l'impression qu'on prend notre temps mais au final on n'a pas arrêté de bosser. C'était aussi un choix d'enregistrer à New-York et il a fallu s'organiser en amont.
Jim (batterie) : Mais c'est vrai que dans l'ensemble ça ne va pas vraiment dans le sens où la durée de vie des disques est de plus en plus courte. Pour beaucoup de groupes il y a 4 ou 5 ans entre deux albums. On n'est pas pressés. Mieux vaut faire les choses bien. Après rien ne dit qu'on ne va pas sortir un autre album dans un an…

Est-ce que vous pensez que la collaboration avec Matt Verta-Ray (guitariste des légendaires Speedball Baby, ndlr) a amené le groupe vers autre chose ? Vous étiez surpris par le résultat ?
Eugénie : Surpris, non. On l'a sollicité parce qu'on voulait un certain résultat. On savait qu'il pouvait apporter ce son spécifique, sale et organique, sur bande. On voulait ce type de son et c'était le spécialiste. On a eu plein de bonnes surprises pendant l'enregistrement. Tu rêves d'un truc dans ta tête, t'imagines des choses, le résultat est toujours un peu différent de ce que tu as rêvé. Mais là c'était différent dans le bon sens du terme. C'était mieux que ce que j'espérais personnellement.
Jim : Ne serait-ce que techniquement, la configuration de son studio, on est presque tous dans la même pièce. De point de vue du batteur, je m'étais préparé à un certain type de jeu. Il faut que je sois Dave Grohl sur cet album (rires) ! Et on se retrouve dans la même pièce, on ne va pas s'assourdir non plus juste parce qu'on est musiciens (rires) ! On passe alors à un mode de jeu, peut-être un peu plus léger. Au final ça va sortir un truc auquel moi je ne m'attendais pas et duquel je suis content finalement. J'ai pris un parti sur chaque chanson de ré-accorder la batterie, modifier le son des cymbales, j'espère que cela va s'entendre. Mais cela nous a fait prendre une direction différente.
Eugénie : C'est assez garage dans la manière d'enregistrement. On était dans une cave. C'est pas un studio immense et high-tech. C'est pas Hollywood. Mais c'était exactement l'ambiance qu'il nous fallait pour enregistrer ce disque. Il nous fallait de la chaleur, de la moiteur.
Jim : De la pluie et des inondations aussi (rires) !
Eugénie : Un côté exigu mais avec des instruments et des livres partout… Des bandes de groupes qu'on adore qui traînent. Tout ça participait d'une ambiance hyper-inspirante.

Le fait d'être dans la même pièce ça a donné quelque chose de particulier au niveau de l'énergie ?
Jim : Bien sur.
Eugénie : Oui. La basse et la batterie ont été enregistrées ensemble sur la plupart des morceaux. La guitare aussi parfois. On se voit, on se regarde, on transpire ensemble… Forcément l'énergie différente par rapport à d'habitude où chacun joue sa partie à tour de rôle et on attend sur le canapé. Ce n'est pas du tout la même manière de procéder.
Jim : Et pour le coup c'est complètement raccord avec sa technique d'enregistrement. Tout
est vivant de A à Z, de la conception jusqu'au mixage.
Eugénie : Même pour la partie mix, tu ne vois rien. Tu n'es pas devant un ordinateur avec des fréquences qui s'affichent. Tout est patché sur la table de mix, tout est fait manuellement. Des fois on était quatre, il y avait huit mains qui tripotaient les boutons, c'était vraiment un échange. Si tu n'est pas content du premier mix tu recommences en écoutant le morceau du début à la fin. C'est vraiment de l'écoute et du doigté. Moi j'aime bien ce côté artisanal.

(c) Renaud Montfourny

Et les retrouvailles avec Matt Verta-Ray à la maroquinerie quand Heavy Trash (le groupe formé avec Jon Spencer, ndlr) est passé au Nuits de l'Alligator (le 27/02/2015, ndlr) ?
Eugénie : Oui on l'a revu. C'était un moment un moment très particulier pour moi. C'était à la maroquinerie que l'on s'était rencontré avec Matt la première fois, il y a quatre ans. Se retrouver en ayant travaillé ensemble avec tous les souvenirs que cela suppose. C'était encore plus fort. Je lui ai donné le vinyle de l'album. On a passé une super bonne soirée, on a dansé, c'était super cool. Un bon moment d'échange et de retrouvailles. Très chouette.

Et son studio ?
Eugénie : Il a peu d'instruments finalement, beaucoup de claviers. Peu de guitares, trois ou quatre, mais vraiment très bonnes.
Jim : Il a peu de basses, une ou deux et un seul ampli mais, encore une fois, c'est le bon ampli.
Eugénie : C'est bien ordonné mais c'est petit.
Jim : C'est bien tout est facilement accessible.
Eugénie : Peter (le guitariste du groupe) s'est bien amusé a essayer les guitares…

Il n'en a pas embarqué une au passage (rires) ?
Eugénie (rires) : Si tu veux c'était déjà tellement galère de transporter nos instruments jusqu'à New York…
Jim : Peter a dû démonter sa guitare pour la faire tenir dans une valise (rires) ! Il a dû la dévisser ! Avec la peur constante qu'un mec jette la valise comme ça ! Cela fait flipper…
Eugénie : On a voyagé assez léger. Par contre on est revenus avec les bandes. C'était le mic-mac à l'aéroport pour le partage du poids sinon t'es taxé à mort…

Qu'est-ce que vous espériez en débarquant à New-York et qu'est-ce que vous avez finalement trouvé ?
Eugénie : Moi j'y étais allé une fois en touriste avec Peter. Pour lui c'était comme un retour à la maison il a vécu là-bas pendant de longues années, il a ses repères et une partie de sa famille à Brooklyn. Nous on était partis avec l'objectif de travailler et ça change complètement ta manière de vivre la ville. C'est encore mieux. T'as vraiment l'impression de faire partie de la ville, de vivre comme un new-yorkais. On se levait tôt, on prenait le métro, on arrivait au studio, on allait s'acheter un café avant… Le soir on sortait on a vu plein de concerts à droite, à gauche.
Jim : C'est drôle parce que du coup en fait tu te retrouves très vite dans un mode de vie structurant. En treize jours on s'est retrouvé dans le mode vie d'un habitant. Tu habites en banlieue parce que le centre est trop cher…
Eugénie : On était dans un appart un peu cra-cra. Un peu le bordel mais c'était cool.
Jim : Non pas cra-cra. On n'avait pas de bed bugs et ça c'est une vraie plaie…
Eugénie : On était à Brooklyn, quand on est arrivés on avait l'impression que le quartier était un peu craignos mais en fait tout le monde se dit bonjour. Il y a un truc hyper agréable à New-York, les gens sont très sympas, très positifs, très enthousiastes. Ils ne sont pas flippés comme à Paris où tout le monde fait la gueule et personne ne se parle. Ils n'ont pas la même manière de voir les choses que nous. Il n'y a pas de meilleur endroit pour bosser. Ils sont dans cette optique de boulot, tu décides de tes horaires comment tu vas organiser ta journée, ce n'est pas l'ingénieur du son ou le technicien qui veut rentrer chez lui qui décide. C'est toi et franchement je trouve ça très agréable. Il y a une manière de te pousser à donner le meilleur de toi-même avec beaucoup d'enthousiasme, d'écoute. C'est peut-être un peu faux au début mais quand tu arrives de Paris, le faux ça ne te dérange pas du tout. Je disais même bonjour au flic dans la rue. Dans le métro, il n'y a pas une seule fois où on n'a pas discuté avec quelqu'un. Il y a des choses qui ne se font pas à Paris et là-bas ça se fait… Bizarre. Avant que ça arrive à Paris… Soit c'est parce que tu te fais emmerder soit il se passe un truc agressif mais c'est quand même très rare qu'il y ait un échange.

Quand tu es avec tes bagages dans le métro parisien tu galères tout seul…
Eugénie : Oui et en plus t'es dans le passage dont tu fais chier.
Jim : Là-bas c'est : « Vous êtes touristes, c'est bien, vous pouvez aller voir cet endroit... »
Eugénie : En revenant j'ai essayé de garder ce côté enthousiaste, dire bonjour etc... Et puis t'es vite rattrapé par la mentalité générale… Je suis Parisienne et j'aime beaucoup ma ville mais c'est bien de voyager voir comment ça se passe ailleurs…

(c) Marion Ruszniewski

Eugénie est-ce que tu pourrais nous parler de ton travail aux claviers sur le disque ? Ils sont assez discrets mais prépondérants...
Eugénie : Je ne suis pas une grande pianiste, il n'y a pas de solo comme c'est le cas avec Henry (Herbert, ndlr) des Jim Jones Revue parce que, tout simplement, je n'ai pas le niveau. Et puis il n'y a pas trop la place pour dans notre musique. Les claviers, pour la plupart des sons d'orgues que j'utilise comme des nappes. Un soutien. Il y a des moments où ça fait partir le morceau ailleurs. C'est ça que j'aime beaucoup, les ambiances, qui t'amènent à un autre endroit. Matt (Verta-Ray, ndlr) les a mixé de manière très subtile et j'adore cette manière de faire. Tu le sens plus que tu ne l'entends. « Just Drive » sans les claviers ce n'est pas le même morceau. Il est extrêmement discret mais ça pose l'atmosphère, le morceau. En live, le clavier est différent, plus agressif, distordu et mis en avant.
Jim : Surtout que maintenant tu as un ampli !
Eugénie : Au tout début du groupe il n'y avait pas de claviers. Et puis c'est venu au fur et à mesure. On avait envie de quelque chose d'un peu retro, d'un peu saturé. Il est chouette mon clavier, il y a plein de sons d'orgues et plein de sons bizarres, modulables qui vont bien avec les effets rajoutés sur la voix.

Un des aspects qui m'avait beaucoup plu dans le disque c'est la sensibilité pop comme sur « Always you » qui se cache derrière le rock n'roll garage…
Eugénie : C'est marrant ce terme de pop parce que pour moi c'est presque un morceau punk, un peu psyché. En live c'est une chanson qui envoie bien la patate. Moi ça me rappelle le Velvet Underground, cette structure répétitive. C'est une chanson féministe, c'est vraiment le point de vue d'une nana. Ce côté pop vient de peut-être des chœurs, le fait que la chanson soit assez courte. Qu'est-ce que tu dirais toi ?
Jim : Moi je dirais pourquoi pas pop après tout… Populaire si cela touche des gens dans ce cas oui, tant mieux.
Eugénie : Bien sur ! On veut faire une musique populaire !
Jim : On n'est pas là pour faire peur aux gens non plus. Il y a d'autres morceaux dans le disque qui sont plus vénéneux, plus péchus. C'est léger, ça envoie. Il y a quand même un enjeu au niveau du texte.
Eugénie : C'est une manière féministe légère, mais rentre-dedans avec de la mélodie, de raconter la vie d'une nana qui doit absolument avoir des bébés, être une bombe sexuelle, gérer le quotidien, le ménage, la famille.
Jim : Et elle n'a pas le temps (rires) !
Eugénie : Et non elle a autre chose à foutre (rires) !

Et « Watch me live » le premier single ? Les paroles m'ont intriguées...
Eugénie : C'est pareil, c'est un morceau qui parle des nanas. La chanson est venue d'une situation que j'ai vécu à un moment donné. C'était l'été, il faisait très chaud, j'étais habillée avec une petite combinaison blanche, des talons. C'est l'été, quoi. Je sors du métro et je me retrouve entourée de femmes voilées, tout en noir, en burqua. Je suis sortie de moi-même, je suis allée de l'autre côté du trottoir pour voir l'image. Ces quatre nanas, autour de moi, étaient des fantômes…
Jim : Alors que, fondamentalement, sous le voile, ces quatre filles étaient semblable à toi…
Eugénie : Bien sur. Mais l'image me choque, c'est ça le problème. Je suis allée leur parler : vous n'avez pas trop chaud, vous voyez quelque chose là-dessous, avec humour, tu vois. Elles m'ont répondu qu'elles me voyaient très bien… Donc je voulais écrire là-dessus en évitant les références trop directes, parce que ça ne fait pas partie de l'univers de Parlor Snakes. Les textes sont très importants mais l'interprétation est libre de la part de l'auditeur, le sous-texte est sous-jacent. Rien n'est jamais extrêmement clair sauf peut-être pour « Always you »… J'aime bien parler de problèmes sociétaux mais autrement. Jim a trouvé le refrain « watch me live, watch me love » et c'était comme un cri du cœur. Voyez avec vos yeux, pas ceux des autres, de vos mecs ou de je ne sais quel fondamentaliste. J'aime bien aussi le fait que tout le monde chante sur ce morceau.

Et « Just Drive » ?
Eugénie : J'adore l'ambiance, Matt a fait un boulot exceptionnel. Il y a un souffle continu… Quand tu l'écoutes tu ne peux pas penser à autre chose qu'un couple sur la route. La chanson ne pouvait pas s'appeler autrement.
Jim : Conduit et lâche prise.
Eugénie : Voilà ! Il y a quelque chose d'inabouti entre eux, une tension, un truc vénéneux. Quand on a commencé à répéter la chanson, je chantais n'importe quoi, du yaourt, « devil, devil »… Peter a écrit une grosse partie du texte en se calant sur les mots que j'utilisais et c'est devenu « Just Drive ». On imagine la nuit, une route, « Sailor et Lula » (film de David Lynch, ndlr)… J'aime bien.

Comment est-ce que vous vivez en tournée ?
Jim : Bien mais ça peut être un peu éreintant. Je peux prendre pour exemple la tournée qu'on a fait avec Jim Jones Revue. C'était la plus longue et la plus intense. C'était un groupe avec un mode de vie très sain. Ils prennent soin de leur show avant tout. Ça nous a inspiré. Ne pas abuser de la picole après un concert par exemple, même si tu es très content que tout se soit bien passé, ça fait que tu te réveilles à neuf heures du matin, frais et ça change tout. Tout le monde veut aller de l'avant, monter dans la bagnole sans se péter une épaule parce que tu as pris un ampli et que tu es déshydraté à cause de l'alcool…
Eugénie : C'est tout pour le show en fait. Le plus important c'est le concert. Je pense qu'on est assez raisonnables…
Jim : Assez vieux en fait (rires) !
Eugénie : Moi j'adore partir en tournée parce que c'est des moments hors quotidien, de liberté.
Jim : Et on est ensemble. On est très bien ensemble.
Eugénie : Oui, on se marre beaucoup…
Jim : Et il y a très peu de tension et quand il y en a elle se résout par le dialogue.
Eugénie : L'exemple des Jim Jones Revue est pertinent, c'est des mecs qui vivaient pour la performance et le concert. Encore une fois, le plus important c'est le concert. Ils boivent de la Badoit, beaucoup sont végétariens. C'est un mode de vie. Après eux étaient en tournée six mois par an. Sans ce mode de vie, le groupe aurait périclité bien avant. Je trouve ça bien de faire la fête mais au final le plus important c'est de faire de bons concerts.
Jim : Et finalement tu profites beaucoup plus de ta tournée en faisant gaffe à ce que tu manges, bois. C'est primordial d'avoir une homogénéité dans les concerts. Si un soir tu fais un concert exceptionnel et que tu es tellement content de toi qu'après tu te mets une mine, tu vas être incapable de jouer le lendemain. Quel est l'intérêt ? C'est un peu comme aux échecs si t'échanges un fou contre un pion tu perds au change. Et c'est exactement ce qui se passe.
Eugénie : Et l'ambiance entre nous est vachement importante. Si il y en a un qui devient un boulet, parce qu'il est relou, bourré et qu'il ne gère pas sa partie à lui ça peut créer une mauvaise ambiance. Bon je dis ça mais ça n'est jamais arrivé, hein !
Jim : Absolument.
Eugénie : Le but c'est d'être le plus zen possible parce que, mine de rien, c'est énormément de contraintes, même si je les aime. Dormir à l'hôtel, ou dans endroits plus « roots », tu te tapes beaucoup de bagnole, décharger le matos, remettre le matos dans le van… Physiquement une tournée, c'est du boulot. Le bien vivre ensemble pendant la tournée c'est très important. Chacun dort avec la personne de son choix…
Jim : Et souvent je dors tout seul parce que personne ne me choisit (rires) !
Eugénie : C'est pas vrai (rires) !

Comment décririez-vous le lien entre les différents membres du groupe ? J'imagine qu'il est assez fort…
Jim : Oui.
Eugénie : On est quatre amis dans la vie. On ne fait pas seulement partie du même groupe. On sort ensemble, on va voir des concerts ensemble, on fête des anniversaires… Il y a une bonne ambiance entre nous, pas trop d'histoires d'égos mal placés.
Jim : Pour le coup c'est une sacrée chance. Il y a beaucoup de groupes qui vivent du conflit, des crises créées par deux ou trois entités qui veulent être prépondérantes dans le groupe. Et chez nous ça n'a jamais été le cas (il insiste).
Eugénie : Non jamais. Il y a une alchimie unique entre nous. Chacun connaît son rôle. On a un fonctionnement très démocratique au niveau de la composition et ça évite beaucoup de frustrations. La genèse des chansons vient très souvent de Peter mais après il y a un fonctionnement très démocratique entre nous. C'est un échange permanent, dans le groupe, personne n'est lésé parce qu'il voudrait faire autre chose. Il n'y a pas de remise en question de la position d'untel. L'important c'est de faire des bonnes chansons et de bonnes tournées, de bien s'amuser sans perdre de vue nos objectifs et en restant soudés.
Jim : Et si je peux devancer une de tes questions, on nous demande parfois quels sont les enjeux d'avoir une fille dans le groupe et sa place et il n'y a aucun souci...
Eugénie : Moi j'apprécie beaucoup d'être avec tous ces mecs tout le temps. Ça me correspond bien. Il y a un côté bon pote.

La tonalité de l'album est en générale assez brute. Est-ce que cela peut-être une limite en termes d'arrangements au moment de transposer les morceaux sur scène ?
Eugénie : On ne se pose pas vraiment la question. L'enregistrement est assez brut, on n'a pas rajouté trop de choses. C'est une guitare ou deux maximum, basse, batterie et claviers. C'est notre formation en live, c'est pas compliqué à recréer sur scène. C'est très intéressant de voir comment évolue une chanson de l'album au live. L'idée c'est quand même de proposer les morceaux de l'album mais d'avoir une liberté dans la réinterprétation.
Jim : L'idée étant d'avoir le show le plus personnel possible. On est Parlor Snakes, on vient voir Parlor Snakes. Le principe, c'est pas tellement de savoir comment vont sonner les morceaux en concert, plutôt de savoir comment ils vont sonner ensemble. Les enchaînements, le track listing. L'enjeu est là. Techniquement on n'a pas mis des tonnes d'arrangements sur le disque.
Eugénie : Pour en revenir à l'album, on a mis beaucoup de temps avant de trouver la bonne manière d'enchaîner les morceaux, les positionner. On doit gérer la même problématique pour les concerts. Il y a des moments très énergiques et rock n'roll sur le disque mais aussi des morceaux très calmes. Et cet aspect là est aussi très représentatif du groupe. On a une ambivalence. On a un goût pour la mélodie, l'ambiance, le calme, le silence parfois et en même temps on est aussi un groupe de rock. On fait des chansons avec très peu de choses parfois. « Man is the night », il y a tout un passage avec juste la batterie, la voix et la basse. On recherche le déséquilibre à l'intérieur de la chanson.
Jim : Je pense que la diversité des ambiances tient au fait qu'on a une perception visuelle des morceaux. On va voir les choses différemment, ce qui est drôle c'est que souvent on a une direction commune. On imagine les morceaux, on se représente des scènes. Et du coup il y a plein de scènes différentes donc plein de titres différents.
Eugénie : On attache aussi une grande importance à la lumière dans nos spectacles, quand il y a la possibilité de faire le show lumière qu'on a créé, on joue quand même beaucoup dans des petits clubs. La lumière à beaucoup d'importance dans un concert de Parlor Snakes, cela participe au visuel et à la création d'ambiances. J'aime bien voir des choses subtiles en lumière qui t'aident à te mettre dans l'ambiance. Et j'espère que cette ambiance nous est propre.

« Man is the night » est un morceau intéressant, on pense forcément à Kate Bush dans ta façon de chanter mais musicalement cela reste très rock. J'ai perçu ce morceau comme une fusion de deux univers…
Eugénie : Alors déjà j'aime beaucoup Kate Bush donc je te remercie. Ce morceau est né de manière très spontanée, on jammait en studio à la recherche d'une structure et tout d'un coup, comme ça, je me suis mise à chanter très aigu. Tout le monde a trouvé ça vachement bien.
Jim : En fait tu peux le faire…
Eugénie : Oui c'est ça, en fait je peux le faire... Avec de bons abdos (rires) ! J'avais ce titre en tête, avant même que le texte ne soit écrit « Man is the night ». On a donc écrit le texte avec Peter et puis on m'a encouragé à chanter très aigu. Il y a quelque chose de très féminin dans le chant et en même temps il y a cette grosse batterie et ce son de guitare énorme. Visuellement, je vois un milliard de choses sur ce morceau là. Il est à la fois riche et très étrange.

Il est étrange aussi dans le contexte de l'album…
Eugénie : Il fait un peu ovni et pourtant il nous ressemble complètement, la guitare western, la rythmique très forte.
Jim : Les chœurs aussi…
Eugénie : En live il est aussi très bizarre. J'adore chanter cette chanson, la voix perce tout ! On a fait du bon boulot sur ce texte, il a quelque chose de très mystérieux.
Jim : La phrase en elle-même est très étrange. « Man is the night »…
Eugénie : J'avais ce truc dans la tête, je me suis réveillée un matin, il nous fallait un morceau qui s'appelle « Man is the night », c'est trop beau (elle répète le titre)…
Jim : Donc les paroles ont été écrites autour du titre et non l'inverse…
Eugénie : Non mais tu sais quoi, moi je trouve souvent le titre avant le texte.
Jim : C'est l'ambiance du groupe, on trouve d'abord les thèmes.

Pourquoi l'album est-il éponyme ? Il s'agît du deuxième du groupe, et souvent les premiers albums sont éponymes. C'est un nouveau départ ?
Eugénie : Chaque album est un nouveau départ, une nouvelle histoire. C'est le premier où on est tous les quatre ensemble.
Jim : C'est le premier composé à quatre aussi.
Eugénie : Sur notre premier album, Séverin (bassiste, ndlr) ne faisait pas encore partie du groupe et Jim venait d'arriver.
Jim : J'ai participé un peu au premier disque, j'ai surtout apporté ma griffe sur ce qui existait déjà. C'est tout à fait sensé que ce disque soit éponyme parce qu'il nous ressemble plus.
Eugénie : Il est plus abouti. Et puis on a recherché des titres et on n'était pas satisfait. Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement Parlor Snakes (sourire).

Propos recueillis le 21/04/2015.
En concert le 3/10 à Paris (Supersonic)