samedi 9 juin 2012

Interview avec Alex Winston.





Abandonnée de tous, tuant le temps en pianotant sur son téléphone et installée sur « le canapé sur lequel j’ai fait la sieste » dans les loges de la Maroquinerie, Alex Winston, nous attends tranquillement. Un an après notre première rencontre, cette dernière apparaît plus mature, différente, un peu moins fofolle mais toujours aussi gentille. Les retrouvailles furent chaleureuses…

Depuis notre dernière rencontre tu as maintenant sorti ton album. Est-ce que cela a changé beaucoup de choses pour toi quand la musique est devenue ton métier ?
Alex Winston : Cela a été une année assez intéressante pour moi. J’ai ouvert les yeux. Quand on s’est vu la dernière fois, tout était très neuf et excitant. C’est toujours aussi excitant de faire de la musique mais c’était un peu le rush. C’était émouvant de découvrir le monde. Les choses se sont un peu calmées. La première tournée, on était bourrés tout le temps. On était jeunes et stupides. J’ai l’impression d’avoir grandi. Et puis j’ai du gérer toutes sortes de situations. J’ai changé de label. L’album a été enregistré il y a un an et il a fallu une autre année pour le sortir. Il y a eu beaucoup de frustrations mais j’ai définitivement grandi pendant cette période. Et puis j’ai eu la chance de tourner beaucoup en Europe. Je n’ai même pas encore fait de tournée aux Etats-Unis.

Tu n’as jamais tourné aux Etats-Unis, vraiment ?
Alex : Non, mon dernier concert aux Etats-Unis remonte à il y a un an (depuis cet entretien Alex à joué à Philadelphie, New York et à Washington DC). Après ce concert j’ai commencé l’enregistrement du disque à New York et puis il y a eu les concerts en Angleterre et en Europe. Je suis excitée de retourner aux Etats-Unis. J’adore ce que je fais, mais j’ai un peu le mal du pays parfois. Et puis comme tout le monde, j’ai envie de réussir chez moi.

Ton premier album, c’est le début de l’histoire mais en même temps c’est aussi le résultat d’années de répétitions, de pratique, d’écriture… Qu’en penses-tu ?
Alex : Pour être complètement honnête, je suis très fière de ce que j’ai réalisé compte tenu du temps imparti et des circonstances. Il y a quelques chansons qui étaient déjà sur l’EP « Sister wife ». Je voulais que l’album soit complètement inédit mais bon ce n’était pas très réaliste… J’ai vraiment fait de mon mieux. C’était une expérience intéressante par ce que tout est allé très vite. Tout a été écrit et enregistré en deux mois. J’ai toujours été plus intéressée par les autres que par moi-même. Mes chansons ne sont pas tellement introspectives. Dans ma vie personnelle, je suis plutôt réservée. Je reste dans le fond, j’observe. A l’époque je regardais beaucoup de documentaires et j’étais vraiment fasciné par la culture « de niche » en Amérique. J’étais intriguée par tous ces gens qui font les choses différemment. J’ai essayé de comprendre. Finalement l’album parle de ça : les problèmes des autres. J’essaye d’en faire des chansons pop.

Justement en parlant de ça, j’écoutais « Benny » et « Velvet Elvis » et je me demandais si ton album était dédié aux parias de l’Amérique ?
Alex : Peut-être d’une certaine manière mais « Benny » et « Velvet Elvis » sont très différentes. « Benny » parle d’un sujet qui me dégoûte complètement. « Velvet Elvis » parle de quelque chose de différent, d’intéressant et de magnifique d’une certaine manière. Benny existe vraiment, c’est un prêcheur qui va de ville en ville en proclamant qu’il peut guérir n’importe quelle maladie. Et qui finalement ne guérit personne mais empoche le pognon. Mais ses victimes sont tellement désespérées et veulent tellement croire en lui. A la fin c’est une sorte de lavage de cerveau, de la manipulation. C’est pour cela que la chanson est plutôt simple, je voulais quelque chose d’hypnotique, comme une vague. Tout cela me brisait le cœur, de voir ces gamins aller implorer Benny alors qu’ils voulaient simplement marcher et jouer avec leurs copains. Et lui empoche l’argent… « Velvet Elvis » est plus fun et parle d’un amour « différent ». Quand on pense à l’Amérique on a souvent envie d’écrire sur Hollywood, le rêve Américain etc… Cela ne m’intéresse pas trop finalement, je préfère parler de ce qui se passe dans la coulisse. On n’en parle pas tant que ça. En Amérique on commence à faire des reality shows sur les « niches », la polygamie et je trouve cela plutôt intéressant…

Tu regardes « Big Love » (série télé dont la première saison a été diffusée par Canal+, ndlr) ?
Alex : C’est une de mes séries préférées. On la regarde en ce moment. Sarah, ma choriste, ne l’a jamais vue alors on reprend tout depuis le début.

Il y a beaucoup d’aspects différents sur ton album, l’écriture est classique, la production est moderne. Il y a des influences de la Motown, des girls groups des sixties, un peu d’électro… Qui est-tu finalement ?
Alex : Je ne sais pas (rires). C’est très compliqué d’expliquer. Je suis influencée par beaucoup de choses très différentes. Je suis comme écartelée. Et je ne pense pas rentrer dans un moule en particulier. Je ne sais pas si c’est bien ou pas. Et je crois que c’est la raison pour laquelle les choses vont lentement pour moi. Ca n’a jamais été : « Ah tiens, elle est comme ça ». C’est très « do it yourself ». Et je pense que cela va prendre un peu de temps pour le public de comprendre ce que je fais. Je change beaucoup et je n’ai pas un truc en particulier auquel me raccrocher. Je ne veux pas de toute façon. Je veux pouvoir faire ce que je veux en fonction de mon inspiration du moment. En ce moment je suis en train d’écrire un album western. Je ne sais pas à quel catégorie j’appartiens et je ne suis pas sure que cela soit une mauvaise chose. On me parle beaucoup de Kate Bush cependant…

Je t’avais parlé de Kate Bush la dernière fois…
Alex : J’aime faire des choses différentes tout le temps. Je veux continuer comme ça.

C’est une position difficile à tenir dans l’industrie de la musique. On aime classer les artistes par genre…
Alex : Je sais et je comprends pourquoi. Mais je pense que sur l’album on peut faire la différence entre les anciennes et les nouvelles chansons. Que cela soit bon où pas d’ailleurs. Je ne sais pas. J’étais « ailleurs » pendant l’écriture.

J’ai écouté ta reprise des Black Keys sur ton soundcloud. J’ai trouvé ça intéressant…
Alex : C’est venu un peu de nulle part. Parfois j’aime bien déconner et je fais des reprises. Ce n’est pas intentionnel. Quand j’aime vraiment une chanson, j’aime bien faire des bêtises et voir ce que je peux faire pour me l’approprier en quelque sorte. J’adore les Black Keys. Tu sais ce que j’aime le plus chez eux, à part la musique ? Je crois que c’est des mecs bien. Des mecs de l’Ohio, les pieds sur terre, qui font de la musique dans un garage. Il y a quelque chose qui me plaît là dedans.

Moi je respecte leur passion pour la musique. Ils ont tous les deux des activités de producteur à côté…  
Alex : Bien sur. Ils ne semblent pas manipulés, par personne. C’est cool. Ce n’est pas comme une sensation internet qui explose d’un coup. Ils ont probablement tourné dans un camion pendant des années, ils se sont bougés le cul et ont fait des disques sans aucun budget. Et ça se sent. Je les adore !

Tu viens de Detroit et je sais que tu est très fan de rock n’roll et en particulier des groupes de ta ville natale. Est-ce que tu aimerais enregistrer des chansons plus rock ?
Alex : Oui, j’aimerais. Aucune des chansons de l’album n’est vraiment rock. Quand j’ai écrit « Fire Ant », je voulais aller dans cette direction. La guitare électrique me manque. Dans la plupart de mes anciens groupes, c’est ce que je faisais, de la guitare électrique. C’était plus lourd et plus sombre. Finalement je suis allée dans la direction opposée. J’ai essayé de garder les paroles sombres. Sur l’EP western il y aura plus de guitare et des percussions plus lourdes. Le côté rock se verra plus.



Tu as commencé en chantant de l’Opéra…
Alex : Je ne me classerai pas dans cette catégorie. J’étais à la radio aujourd’hui. J’ai entendu une chanteuse d’opéra incroyable qui répétait dans la pièce d’à-côté. Elle avait une voix magnifique. Et moi j’attendais, à la porte, pour enregistrer. Et j’étais là, est-ce que vous pouvez partir s’il vous plaît ? Je dois y aller et avec cette chanteuse… Je dois passer après elle… Elle chantait tellement bien. Mais oui j’ai fait de l’opéra pendant un temps.

Est-tu influencée par l’Opéra et comment ?
Alex : Je l’étais mais tout était tellement régenté. L’opéra c’est magnifique, mais la façon dont on me l’a enseigné c’était surtout reproduire ce qui était écrit sur les partitions. Où est ta personnalité là-dedans ? Tout était tellement strict. Quand j’ai commencé à chanter dans des groupes, j’ai du désapprendre un peu pour en arriver à comprendre que finalement ce n’est pas grave de se planter. Cela m’a pris de temps pour trouver ma voix après ça. Mais je pense que quelque part, inconsciemment, j’aime bien retomber dans ces vieilles habitudes de l’opéra. Je l’ai fait pendant si longtemps…

Combien de temps ?
Alex : 10 ans.

Parle moi de ta chanson « Sister wife », j’ai noté les paroles : « Hey There Sister wife, get the hell out it’s my night » (Casse-toi sister wife c’est ma nuit)… Est-ce qu’il faut prendre ça comme une prise de position ?
Alex : Cela parle du partage de quelque chose que l’on adore avec d’autres, que cela soit une relation, une possession… L’idée que l’on doit être assez adulte pour partager. Je déteste partager. Et je dois apprendre comment le faire. Je réfléchissais à la polygamie et je me demandais mais bordel comment elles font ces femmes ? Comment ça marche ? Comment on peut avoir un mari et je ne sais pas combien de femmes et être ok avec ça ? Etre amoureuse de quelqu’un et juste dire : « C’est bon, tu peux aller coucher avec elle maintenant »… Je me demande comment c’est possible. Mais bon, je suppose que l’on doit tous composer avec la jalousie tous les jours.

Tu tournes beaucoup. C’est difficile comme vie d’être sur la route tout le temps ?
Alex : Ca l’est. Quand je discute avec mes parents ou mon frère, je n’ai pas l’impression qu’ils comprennent vraiment ce que c’est. Ils s’imaginent un truc très glamour. Ca ne l’est pas vraiment. J’adore jouer, j’adore les concerts. Mais c’est un mode de vie différent. On est comme détaché de la réalité. Je ne fonctionne pas en lundis, mardis etc… Je fonctionne par dates. Ce n’est pas un truc entre 9h et 17h, cinq jours par semaine. C’est important comme changement. Mais j’aime vraiment ça.

Est-ce qu’au moins tu as le temps de faire quelques visites quand tu es en tournée ?
Alex : Ca c’est le truc cool. La dernière fois on a fait une session acoustique pour la blogothèque, on était au Louvre. Mais bon pour l’instant je n’ai pas encore eu l’occasion d’avoir une journée off pour traîner dans Paris. Enfin bon, je prends ce qu’on me donne.

Et en Europe ?
Alex : J’ai eu un peu de temps libre en Allemagne. Mais j’ai eu la grippe à Berlin. J’ai vomi tout le temps. Un docteur est venu me faire une piqûre dans les fesses ! J’étais malade en train de vomir, et personne ne parlait anglais… Horrible. Voilà c’était ma journée off à Berlin…

C’est naze !
Alex : C’était terrible, j’étais toute seule. J’ai du appeler mon label à 6 heures du matin, vous devez m’appeler un docteur. Un peu naze en effet, c’est le moins qu’on puisse dire.

Un petit mot sur « Rum Rumspringa » ?
Alex : Ca vient d’une tradition Amish. Quand les gamins atteignent l’age de 16/17 ans ils partent faire un « Rumspringa ». Ils partent à la découverte de notre monde et font ce qu’ils veulent vraiment tout : le sexe, la boisson... Après ils reviennent et ils doivent choisir entre les deux mondes. Rester fidèle au mode de vie Amish ce qui est un engagement. Si ils choisissent de partir, ils sont excommuniés sans possibilité de retour.

Et « Fire ant » ?
Alex : C’est une chanson plus personnelle. Les fourmis rouges (fire ant, ndlr) sont vraiment mauvaises, méchantes. Cela parle d’une personne assez destructrice dans ma vie. Elle n’arrêtait pas de se mettre en travers d’une relation. Elle me rampait dessus, me piquait et cela ne s’arrêtait jamais. Cette chanson lui est dédiée, elle était rousse (red hair, ndlr) rires… 

Propos recueillis le 26 mars 2012.
Album « Alex Winston » disponible.

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