dimanche 11 août 2013

Interview avec The Dedicated Nothing


(c) Bastien Bonnarme

Surfeurs pratiquant une musique d'inspiration plutôt cold wave, les Dedicated Nothing, originaires de Biarritz, sont de visite à Paris. Après La Femme et Chocolaté (dont les lecteurs le plus fidèles de cette page se souviennent peut-être) voici une nouvelle preuve de l'éclatante santé musicale du Pays Basque.

Un petit mot sur le nom du groupe pour commencer ?
- C'est une catégorie de surfeur. Mais pour bien comprendre, il faut d'abord savoir que l'on est du sud-ouest (de Biarritz, ndlr) et le surf, on le voit tous les matins sur le pas de notre porte. Notre lien avec le surf et surtout d'ordre contre culturel et esthétique. Notamment tout ce qui a trait avec les origines, la Californie, les années 1950. C'est l'époque de Miki Dora (qui a longtemps vécu sur la côte Basque), une icône du surf, rebelle, bad boy, artiste. C'est lui qui a inspiré cet aspect contre-culturel du surf. En écrivant ses mémoires, Miki Dora c'était amusé à classer les surfeurs en différentes catégories : les punks, les freaks, les kooks et les dedicated nothing. C'est son point de vue bien sur, mais cela nous correspondait pas mal...

Et pour être plus précis, c'était qui les Dedicated Nothing au juste ?
- Littéralement on ne se dédie à rien et on profite surtout de ce qu'on aime et de ce qu'on envie de faire. C'est notre interprétation du moins. On essaie d'éviter de rentrer dans les cases et de lâcher prise. En ce qui concerne la musique, jusque là c'est comme ça qu'on le vit et ça se passe super bien.

Et Miki Dora, il vous a beaucoup inspiré alors ?
- C'était l'icône sulfureuse et rebelle des années 1950-1960. Il s'est même rebellé contre la médiatisation à outrance du surf, le côte Dick Dale, Beach Boys. Sa posture nous plaisait, cela nous correspondait pas mal. Après la référence n'est pas musicale. Nous musicalement on serait plutôt inspiré par la côte est des Etats-Unis plutôt que la Californie. On a construit notre univers autour du personnage, le noir et blanc, le grain des photos, la sophistication de l'époque... En plus c'était un surfeur très connecté avec la scène hollywoodienne, les musiciens, photographes et les gens du cinéma. Cela faisait un bon lien. On est vraiment à la croisée des chemins entre la contre-culture surf et ce qu'on fait vraiment, du rock plutôt inspiré par l'Angleterre.

Et vous surfez ?
- Carrément ! On surf tous depuis longtemps, cela fait partie de notre vie quotidienne. Comme les parisiens font du squash, nous on surfe. C'est notre activité, notre loisir. On travaille aussi (rires) !

Justement, l'océan vous inspire-t-il ?
- Oui mais il y a un espèce de cliché autour du surf : blond platine, combi VW, chemises à fleurs et pétards. Sur la pochette de l'EP, il y a cet esprit un peu plage mais très noir, dark, sombre. Finalement on se retrouve plus dans l'univers urbain, musical et stylistique. C'est là qu'on puise ce qui nous intéresse. On aime l'Océan, on le voit tous les jours, cela fait partie de nos vies. Mais on n'y puise pas d'inspiration particulière. Dans nos textes il n'y a pas l'esprit « sunny », palmiers, cocotiers.

Comment est né le groupe ?
- En fait les quatre morceaux de l'ep sont arrivés très naturellement puisque ce sont nos quatre premiers morceaux. On se connaissait tous en fait de nos projets antérieurs. La règle d'or du groupe c'est pas de reprises. On veut vraiment « faire » de la musique. Pour nous, pour se faire plaisir. Le premier titre qui est sorti de notre première répétition c'était « running away » qui a finalement donné son nom à l'ep. Au niveau composition, cela a tout de suite bien marché entre nous. Cela nous a plu. Les idées sont sorties assez vite. Les trois morceaux suivants sont la suite de « running away ». Tout cela n'a pas forcément été très réfléchi finalement.

En écoutant l'ep, j'ai surtout pensé aux groupes cold-wave. Cependant il y a un titre un peu plus fun, pop « love me girls »...
- C'est un morceau très spontané, le riff est sorti en premier on a rajouté un beat un peu dansant, assez électro dans le fond, qui donne envie de bouger la tête. Et voilà ! « Love me girls » ! (rires). En général le chant vient en dernier dans nos chansons. Celui de « love me girls » est très simple, l'idée c'est il faut bouger ! En concert, les gens partent dessus, direct. On aime bien la jouer en live. C'est pop mais en même temps cela représente bien de quelle manière on voit la musique : on n'est pas cloisonnés dans un style. « Running away » peut-être très dark et « Love me girls » très ensoleillée. Nos thèmes sont assez concentrés autour de la chute, le début et la fin de la vie. On trouve intéressantes ces variations d'intensité, de profondeur, de pesanteur sur les morceaux. C'est quelque chose que l'on retrouve sur l'ep mais aussi sur nos sets en live. Cela donne une belle vie à nos concerts. Si on faisait « running away » pendant cinquante minutes je pense qu'on finirait tous chez le psy ! C'est assez lourd quand-même (rires). C'est nos quatre premiers morceaux de toute manière, on ouvre le spectre. L'album aura une couleur plus définie.
 
Personnellement, j'ai beaucoup entendu les influences, Interpol entre-autres. Pour être honnête cela m'a un peu gêné...
- Ah bon ? On écoute beaucoup de rock indé, on baigne dans un son en quelque sorte. Et Interpol a influencé plein de monde. Tout ça, c'est comme une bulle géante de rock indé. Tout est casé dans des cases quelque part et inconsciemment, cela ressort. Ce qui intéressant dans notre groupe, c'est que au-delà de notre socle commun, on apporte tous des couleurs différentes. Le spectre des influences est du coup beaucoup plus large. Et c'est pour cela que ça fonctionne entre nous. Par exemple Clément, le guitariste, va chercher dans la britpop, la cold-wave ça n'était pas forcément son domaine de prédilection. Ca l'est devenu quand on a commencé à faire de la musique ensemble. On emmène chacun notre pierre à l'édifice, notre petite touche. Et jusqu'ici cette complémentarité nous va bien.

Vous avez déjà essayé de chanter en français ?
- C'est une bonne question. En fait l'anglais nous vient naturellement. J'ai habité (Grégoire, le chanteur, ndlr) à l'étranger une vingtaine d'années et j'ai appris l'anglais avant le français. Du coup, après avoir autant écouté de musique anglaise en plus, c'est l'anglais qui me vient en premier. Personnellement, je ne sais pas bien chanter en français. En fait, la question ne s'est même pas posée. Greg est bilingue, il n'a pas d'accent. Est-ce qu'un jour on chantera en français ? Rien n'est impossible. Mais bon franchement, notre culture musicale n'est pas française. On est imprégné d'autre chose... On a tous beaucoup voyagé et au final on est imprégné d'une culture plus internationale, européenne, anglo-saxonne que franco-française. Enfin niveau musique, parce que pour la bouffe et le pinard, on est bien français (rires) !

Et votre album alors ?
- Il est quasiment prêt. Il sera bien et même plus que ça (rires) ! En fait on a mené deux travaux en parallèle. D'un côté le live, on a fait beaucoup de concerts ces six derniers mois ce qui nous a permis de travailler et tester nos chansons. C'est la finalité de notre musique, on l'écrit pour la jouer en live, pour que les gens la vivent en concert. Ensuite on retranscrit en studio. Mais cet EP est déjà important pour nous, c'est la première fois que l'on sort un disque. Tout est allé très très vite, le groupe n'existe que depuis deux ans. On a quatorze titres qui tournent sur scène. On a hâte d'avoir un feedback, le plus neutre possible. On a hâte de voir ce que cela donne.

C'est émouvant la sortie d'un premier disque ?
- Ouais, c'est super émouvant. L'autre jour on regardait le cd, c'est vraiment un bel objet. Il y a une dimension physique, organique.

C'est bien de dire ça, car avec le numérique on perd justement cette dimension physique...
- Oui, c'est justement quelque chose qui nous avait marqué, le jour où on a reçu les exemplaires physiques de notre EP. La matérialisation, le sentiment d'avoir « fabriqué » quelque chose. On aimerait faire un vinyle, faire quelque chose qui reste pas juste dans une case sur internet qui après va disparaître. C'est une part importante de notre vie, la musique c'est quelque chose de très prenant. Et le cd, il restera à jamais, quoi qu'il arrive. De prendre l'objet, de retirer le plastique, mettre la galette dans le lecteur, appuyer sur « play », c'est une gestuelle particulière et cela reste un plaisir. C'est un peu old school, mais cela existe encore, il faut continuer à le faire.

C'est tout un cérémonial...
- Oui il y a un côté tactile, physique dans notre musique. Notre parti pris, c'est de ne pas utiliser de machines et il n'y a pas d'arrangements non plus. Un disque qui est surproduit en studio, ça ne rend pas en concert. D'où les mauvaises surprises. Nous on est quatre, rien n'est caché, tout vient de nos tripes. Sur scène il n' y a rien de moins. Ca peut paraître « pauvre » en termes d'arrangements mais aujourd'hui on est abreuvés de musique surproduite. On respecte cette démarche, mais nous on a besoin d'une dimension physique, tangible dans notre musique.

L'EP a été enregistré en live ?
- Non mais pour nous la finalité ça serait d'enregistrer notre live. Kenneth Ploquin, notre ingénieur du son, nous l'a dit en sortant de studio : « les gars, le prochain album on l'enregistre en live ».

Vous êtes de Biarritz, la proximité avec la frontière espagnole, San Sebastian, cela vous a ouvert des portes en Espagne ?
- On n'hésite pas à aller voir de l' « autre côté », comme on dit chez nous, pour voir si il y a des opportunités de concerts, on a déjà joué à San Sebastian, et on a partagé plein de fois la scène avec des groupes de l' « autre côté ». Notre clip a été tourné à San Sebastian avec des potes qu'on a là-bas. C'est un endroit qu'on apprécie beaucoup, pas que pour la musique d'ailleurs. On a été suivi par deux trois médias espagnols. On vit vraiment dans une sorte d'inter-culturalité entre Biarritz, San Sebastian, Bilbao... Le programmateur de l'Atabal (la salle de concert « musique moderne », de Biarritz, ndlr) est très connecté avec tout le réseau du Pays Basque espagnol. Il y a une véritable dynamique musicale, entre Bilbao et Biarritz, il se passe vraiment beaucoup de choses. La vie artistique est très riche. C'est une seule et même région de toute façon, certains membres du groupe ont même vécu à « San Sé » tout en travaillant en France, Greg travaille en Espagne.

Propos recueillis le 14 février 2013.





 

THE DEDICATED NOTHING - Love Me Girls (Official... par thededicatednothing

Aucun commentaire: