dimanche 25 janvier 2015

Interview avec Bill Pritchard



(c) Cooper
Sis rue Mazarine et autrefois connu sous les noms de Whisky à gogo ou du Rock n'roll circus, fréquenté naguére par Jimmy Page et les Rolling Stones, le Jane club est l'un des rares endroits parisiens à porter l'histoire du rock n'roll entre ses murs. La légende, en contradiction avec la version officielle, dit que Jim Morrisson serait mort ici, après un malaise dans les toilettes, avant d'être transporté dans la proverbiale baignoire. Même si il est bien moins connu que l'ex leader des Doors, le songwriter anglais Bill Pritchard, de retour avec un magnifique « A trip to the coast » aux allures de classique instantané, tient une place particulière dans nos cœurs grâce à ses albums « Jolie » (1991), « Three months, three weeks and two days » (1989, produit par Etienne Daho) et « Parce que » (1988) en duo avec Daniel Darc ; un disque qui a forcément une résonnance particulière depuis la disparition de ce dernier. Interview, au Jane club, avec Bill Pritchard, dont le retour après neuf ans d'absence fût l'une des excellentes surprises de l'an passé...


Est-ce que tu as un lien particulier avec la France ?
Bill Pritchard : Mon premier contact avec la France, c'est un quarante-cinq tours de chez Vogue que m'a offert mon Grand-Père. Il ne savait pas du tout ce que c'était. J'adorais le design, le logo Vogue, tout ça. J'avais neuf ans. Bien sur à l'époque, je ne comprenais rien. Les années ont passées et je suis allé à l'université à Bordeaux. J'ai fait de la radio libre là-bas. J'ai découvert les chanteurs français des années 1960, le mouvement yéyé. Beaucoup de punk aussi. Il y avait un mouvement punk très intéressant à l'époque, les situationistes. A l'université j'étudiais le français et l'allemand (dans le civil, Bill Pritchard est professeur de français, ndlr). Les écrivains, les poètes, les politiques français m'enchantaient. J'étais captivé.

Tu as habité à Paris aussi ?
B.P. : Oui, je connais tellement de monde ici. C'est vraiment dommage de ne rester qu'un seul soir. Beaucoup de gens viennent me trouver et me disent : « Salut Bill, où t'étais passé ? » (Rires).

Tu ne reviens pas tellement souvent, non ?
B.P. : Non c'est vrai. C'est la première fois depuis six ans. Je suis venu en France en Août, j'ai fait un concert en Normandie. Je suis content d'avoir cette opportunité de revenir. Cela coïncidait avec ma tournée en Allemagne.


Ton dernier album « A trip to the coast » est arrivé un peu par surprise. Honnêtement, je pensais que tu t'étais retiré...
B.P : Moi aussi je le pensais (rires) ! Le disque a été fait avec mon ami Tim Bradshaw. On s'est rencontré au début des années 1990 avant son déménagement aux Etats-Unis. C'est un musicien professionnel, c'est son boulot. C'est aussi mon pote, un des meilleurs. Un jour il m'appelle : « Bill, je suis de retour ». Moi j'avais compris qu'il était revenu vivre à Londres. Je lui ai dit : « Tu sais Tim, je n'aime pas tellement aller à Londres ». Je suis un peu casanier, j'aime bien rester à la maison. Et là il me dit : « Non, non, Bill j'ai déménagé à Stoke, à deux rues de chez toi ! ». Et voilà, il fallait absolument qu'on fasse quelque chose ensemble ! De fil en aiguille, on a fait cet album ensemble, chez moi, à la maison. Ensuite, Remy le bassiste m'a suggéré de trouver un label, il trouvait le résultat vraiment bon. J'ai pensé oui, pourquoi pas ? Tout ça c'est fait de manière très spontanée. Il n'y avait pas de plan pour faire un album tout les sept ans ou quelque chose dans le genre. Ca c'est fait comme ça, c'est tout...

Ce nouveau disque est très acoustique, contrairement au précédent, « By Paris, by accident » qui était plus électronique. Un peu comme un classique instantané...
B.P : C'est amusant parce que, au début, on n'avait pas du tout l'intention de le sortir dans le commerce. On l'a fait avec nos propres moyens et après on est allé chercher un label. En fait on a vraiment fait ce qu'on a voulu. Tim et moi, on vient du même coin d'Angleterre et c'est un album très anglais. Il y a beaucoup de différents endroits d'Angleterre dans ce disque. Et merci pour le compliment ! Ca me fait ma journée.

Souvent, dans tes chansons on retrouve des références géographiques bien précises...
B.P : Cet album a beaucoup à voir avec le mouvement, l'avion, le vol, la transition. Beaucoup de choses ont changées dans ma vie ces derniers temps. La transition, le mouvement, tout ça se termine par ce voyage sur la côte (A trip to the coast, ndlr). On part de Stoke, où on habite avec Tim, et on finit à Anglesey, là où habite mon Papa.

Un petit mot sur tes chansons parisiennes « Paname » et « Pigalle on a tuesday is charming » ?
B.P. : « Pigalle on a tuesday is charming », c'est une chanson intéressante. J'étais assis dans ce restaurant à hamburger à Pigalle. Wendy's burger ou quelque chose comme ça. Je ne me souviens plus du nom, ça n'était pas une chaine. Enfin, c'était un mardi, en 1988, je regardais les gens aller et venir. Et voilà !

Les chansons de ton dernier album me font penser à Elliott Murphy. Tu le connais ?
B.P : On s'est rencontré une fois. On a fait un concert ensemble au Rex Club. Un mec très bien. C'est très agréable de parler avec lui. Un type calme.

Un petit mot sur la pochette ? Elle ressemble un peu à une carte postale. Je me suis dit, tiens Bill est de retour, il nous envoie une carte postale avec de nouvelles chansons ?
B.P : C'est exactement ça, tous les sept ans j'envoie une carte postale avec de nouvelles chansons (rires) ! Quelqu'un m'a demandé pourquoi ça m'avait pris autant de temps pour faire un nouveau disque. Moi je dis simplement, pour ceux que cela intéresse, je ne suis pas encore mort ! Je suis toujours vivant et voilà ce qui se passe maintenant ! C'est exactement comme une carte postale. Tu vois là ,sur la pochette, c'est Anglesey, une station balnéaire où j'allais enfant. C'est une île au nord du Pays de Galles. La plage est incroyable. On voulait que les couleurs correspondent à la musique. C'est pour cela qu'on a choisi ces tons...

La pochette de "Jolie" (1991) signée Anton Corbijn

La plage, l'océan c'est quelque chose qui t'inspire ? Je pense notamment à la pochette de « Jolie »...
B.P : Oui, c'est vrai. Mais la photo en question a été prise dans le désert à Los Angeles. On ne pouvait pas être plus éloigné de la mer. C'était dans le coin du Joshua Tree. Mais je vois ce que tu veux dire, on a l'impression que la plage est juste à côté. La photo est signée Anton Corbijn (devenu depuis réalisateur de cinéma cf. Control, The American, A most wanted man, ndlr), je pense qu'il voulait donner cette impression de bord de mer. Et c'est son écriture sur la pochette. Il aimait la musique et voulait s'occuper de la pochette dans son intégralité. Il avait une vision. C'est très réussi, c'est un type très talentueux.

Tu ne tournes pas tellement en ce moment...
B.P : Seulement en Allemagne. Mais je vois ce que tu veux dire, d'ordinaire je ne fais qu'un seul concert par an ! Il faut vraiment que je revienne. J'en ai envie.

En 1988 tu as enregistré un album avec Daniel Darc « Parce que ». Quel souvenir tu gardes de lui ?
B.P (ému) : C'était un type très rigolo avec un grand sens de l'humour. Et un très grand parolier. Peut-être bien le meilleur.

Un rigolo, vraiment ?
B.P : Oh oui ! Mais il y a une ambiguïté, ses chansons sont tellement sombres. En fait les chansons de Daniel sont pleines d'humour, mais c'est un humour loin d'être évident. Ses paroles sont très honnêtes, il disait toujours la vérité. Et je me souviens de lui parce que nous sommes tous les deux gauchers. En fait je pense qu'il était le seul type encore plus gauche que moi ! Il était tellement maladroit. Tout le temps en train de renverser des trucs. Un type très talentueux. Probalement le meilleur parolier que j'ai jamais rencontré.

C'est le concert en son hommage ce soir. C'est émouvant pour toi d'être ici ?
B.P (il chuchote, ému) : C'est très touchant. Je voulais venir à ses funérailles. Finalement je n'ai pas pu, c'était à Paris, c'était compliqué. J'ai voulu participer à ce concert hommage dès que j'en ai entendu parler. C'est ma manière de lui dire au revoir. Je ne vais jouer que trois chansons, mais cela sera bien. Spontané. C'est ce que je voulais.
Propos recueillis le 24 mai 2014.
Many Thanks to Bill for his kindness.
http://www.billpritchardmusic.com/



Tommy & Co (1989)

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