lundi 2 mars 2015

Interview avec The Dedicated Nothing



(c) Bastien Bonnarme

L'année 2014 aura été fertile pour les Dedicated Nothing avec la sortie de leur premier album, « Dawn to dusk » et, en point d'orgue, le concert au Point Ephémère en première partie de SOMA. Le temps était venu de faire un point avec le quatuor de surfeurs Biarrots avant de les retrouver sur les routes cette année...

C'est une journée un peu particulière, le lendemain d'un concert, vous vous sentez comment après l'expérience de la scène ?
Greg (voix/guitares) : Franchement le concert s'est super bien passé, l'accueil technique, le son, le public... On a vraiment pris beaucoup de plaisir. On est sortis de scène avec beaucoup de feedback très positifs et aujourd'hui on est vraiment contents. On est juste un peu fatigués parce qu'on en a profité pour faire la fête et goûter aux joies de la Capitale.

Comment est-ce que vous avez vécu la sortie de votre premier album ?
Greg : On s'en est vachement détaché en fait. Ca été tellement de travail ce premier disque. Tout de suite après la sortie on s'est retrouvés en résidence pour composer. On n'a pas vraiment cherché à savoir s'il se vendait bien ou non. De toute façon si on en avait vendu 100 000 exemplaires on aurait été au courant (rires) ! Je sais qu'il y a eu des réassorts du vinyle dans plusieurs magasins à Bordeaux et à Toulouse notamment. On était content parce que l'objet nous tenait à cœur. C'était cool d'aller à la FNAC et voir que le disque était épuisé. Même si on parle de petites quantités. C'est cool. Globalement nous sommes satisfaits.

C'était important pour vous cette sortie en vinyle ?
Clément (guitare) : Très important. Déjà on est tous revenus au vinyle, comme tout le monde en fait. Ensuite il y a un mastering particulier quand on presse un vinyle, différent de celui du cd et je trouve que cela sert notre style de musique. Ca sonne mieux.
Greg : Quand on a écouté le disque test la première fois, on a halluciné. L'espace était mieux rempli, le détail des sons était plus intéressants. Ca sonne grave ! Avec le cd ça fait deux options. Et puis il y a la beauté de la pochette, cette photo de notre pote Bastien (Bonnarme, nda) qui nous suit depuis le début. Quand on tient le disque dans nos mains, ça fait plaisir !

Sur le disque à part « Running away » il n'y a aucun titre de l'EP. C'était important que le contenu du premier album soit complètement neuf ?
Franck (batterie) : Déjà on écoute notre management et notre attachée de presse et on nous avait plutôt conseillé de partir sur un album avec peu de morceaux de l'ep. Pour ne pas frustrer les gens qui ont acheté quatre titres pour les retrouver sur un album de onze chansons, c'est un peu dommage. Et puis, surtout l'EP avait été composé et produit relativement rapidement. Il y a eu du temps entre le travail sur l'EP et celui sur l'album. Et on avait beaucoup de matière, on a gardé trois/quatre titres sous le coude. Il y a eu une évolution dans le son, la façon de composer et on voulait la souligner.
Greg : Et puis on ne sait jamais, au cas où il n'y aurait pas de deuxième album, autant sortir ce qu'on fait.

C'est bien, comme ça l'ep devient un collector...
The Dedicated Nothing (en cœur) : Grave (rires) !

J'ai été très surpris par la façon dont a évolué « Love me girls ». La version de l'ep est très joyeuse, uptempo et sur la version de l'album est beaucoup plus mélancolique...
Mathieu (basse) : On va mal, c'est pour ça (rires) !
Greg : En fait on avait fait une version acoustique de la chanson lors de notre précédent passage promo. Et on a eu des retours très positifs avec plus de neuf mille vues sur mytaratata. Et ça passait bien en radio aussi. On avait pris beaucoup de plaisir à la faire. On avait envie d'une couleur plus pop sur l'album. Et « Love me girls » c'est notre chanson la plus pop. Après mélancolique, je ne sais pas...
Mathieu : Dans l'interprétation du chant, un petit peu.

Vous l'avez ralentie aussi, non ?
Greg : Oui, beaucoup. Moi je ne la vois pas mélancolique, je dirais plutôt posée. J'aime beaucoup le final, les guitares, les claps sur la batterie qu'on a rajoutés. On a voulu lui donner une couleur plus électro, toutes proportions gardées. Ce genre d'effets on ne les utilisait pas avant. « Love me girls », c'est la première chanson sur laquelle on a fait un arrangement.

Du coup, dans votre set list, quelle est la nouvelle chanson joyeuse qui remplace l'ancienne version de « Love me girls » ?
Franck : Joyeux ? On n'est pas joyeux en fait (rires) ! Sérieusement, les thèmes de nos chansons ne sont pas toujours hyper jouasse, en termes de paroles. Ca n'est pas notre marque de fabrique. Pour autant on essaye de faire des morceaux entraînants. « You want to know », c'est notre morceau pop/new wave, sautillant, assez léger dans cette dynamique là.
Greg : En général on finit tous nos shows avec ce titre et à chaque fois ça a pris, on a vu les gens sauter. La dernière dansante.
(c) Bastien Bonnarme

Vous avez l'impression d'avoir trouvé votre style, votre son avec ce premier album ?
Greg : Je pense qu'il est représentatif d'un moment mais on est déjà en train de partir ailleurs pour le deuxième.
Clément : Ou le pousser plus loin.
Greg : On va garder des choses, mon attaque à la guitare par exemple. Mais Clément travaille beaucoup sur les effets, les pédales. Il se prend beaucoup la tête pour trouver d'autres trucs.

J'avais noté la texture sonore sur scène...
Franck : On a aussi des guitares avec un son plus cristallin. On essaye de faire le grand écart entre chaque son, chaque univers des quatre instruments. On va essayer de pousser plus loin. Le disque est représentatif d'un son et d'une façon de composer à un moment précis. C'est pour ça qu'aboutir ce disque c'était important, pas pour tourner une page mais pour poser une première marque. On est déjà dans la dynamique pour atteindre la prochaine. On évolue, notre matériel aussi. Clément a trouvé une nouvelle pédale qui a complètement révolutionné notre son. On se régale ! Dès qu'il l'a branchée, on a sorti deux nouveaux morceaux ! Ca apporte énormément d'inspiration.
Mathieu : Ca te parle d'un coup et ça emmène dans une autre dimension. C'est un son qui est beaucoup plus aéré.
Greg : Quelque part, j'espère qu'on ne trouvera jamais notre son et qu'on sera toujours dans la recherche.
Clément : On a besoin d'un fil rouge et je pense qu'on l'a trouvé. On essaye de rester sur le même cap en explorant d'autres choses.

Un petit mot sur le titre de l'album « Dawn to dusk », de l'aube au crépuscule...
Greg : C'est le cycle de la vie, la naissance, la mort.
Franck : Début et fin.
Greg : On imagine ça comme un livre, la première chanson c'est le premier chapitre et la dixième c'est le dernier. On ne veut pas tourner une page mais comme on le disait, le disque est représentatif d'une première étape d'un projet qu'on espère interminable. Le titre nous est venu naturellement, le crépuscule a ce côté un peu dark qu'on aime bien. C'est un cycle.
Mathieu : C'est aussi le titre d'un morceau qu'on apprécie beaucoup et qui a une histoire. On a composé la chanson en question très spontanément en deux heures pendant notre résidence. Et on a jamais réarrangé ce morceau. C'est sorti comme ça d'un coup. C'était magique, évident. Du coup c'est le titre de l'album.

La dernière fois, on avait parlé de vos influences qui étaient assez présentes. Est-ce que vous sentez que vous vous en affranchissez ?
Greg : C'est toi qui doit nous le dire ça !
Oui j'ai trouvé. En fait je pensais à un titre de l'EP « Here we are » qui ressemblait beaucoup à Interpol, Television, ce genre de groupes. On ne sent plus trop ces « fantômes » qui traînent sur le disque...
Greg : Oui je me souviens, sauf qu'à l'époque je ne connaissait pas du tout Interpol. Il y a des gens qui nous parlent de Placebo. Mais moi je n'entends pas du tout ça. On n'a pas réfléchi à ça, on laisse les compositions venir comme elles sont, on ne se censure pas. Si il y a une ressemblance c'est malgré nous. De toute façon, ça ressemblera toujours à quelque chose. Toutes nos inspirations font que nous faisons cette musique là.
Clément : Tout le monde entend des choses différentes. C'est incroyable.
Greg : Hier on nous a comparé avec les Wombats. En 2013, au big festival on nous a parlé de Joy Division. Pour moi on ne fait pas du Joy Division.
Franck : JD Beauvallet (journaliste des Inrocks) parle souvent des Undertones... Tu vois entre les Undertones et les Wombats il y a un monde.
Greg : C'est très varié et c'est ce qui nous plait, en fait. Si tout le monde entends des choses différentes, ça veut dire qu'on n'est pas en train de suivre un créneau et qu'on fait notre truc.
Franck : Il y a plein de facettes et c'est aussi représentatif. On a tous nos influences et notre patrimoine culturel personnel.

Le groupe dégage parfois une espèce de transe comme sur « Lolita » ou « Mind love »... Ca commence calmement et ensuite ça monte, ça monte...
Greg : C'est clair. « Mind Love » personne nous parle de ce morceau alors que pour nous il représente beaucoup. C'est comme une explosion sur scène. Hier encore, on s'est tous retrouvé, sans mise en scène ni rien. On part de très bas et on lâche les chevaux jusqu'au bout. On part de très bas, on finit très bas et au milieu boum !

J'ai pensé à une vague en l'écoutant...
Greg : Oui, c'est ça. Ca monte, ça explose, ça disparaît. « Mind Love », c'est un titre très représentatif de la façon dont on aime faire de la musique. Avec des couches.
Franck : Entre l'ep et l'album, on a réussi à jouer avec cet « effet vague ». Dans l'ep on a senti cette tension quasiment constante.

Je trouve d'ailleurs que l'album est vachement plus détendu à côté...
Franck : Et pourtant il y a des moments beaucoup plus intenses. Et on a réussi à prendre cette distance. On n'est pas obligé d'être à 160 bpm, à bloc, tout le long, pour que cela avance et pour que cela soit intense. Tout le travail qu'on a fait sur « Dawn to dusk » et « Mind love », c'est d'aller chercher au plus profond, au plus calme pour que l'explosion soit plus forte ensuite. Cet « effet vague », on le joue vraiment avec les tripes et à chaque fois on essaye de tout faire sortir.
Mathieu : C'est un vrai plaisir et un vrai bonheur quand on arrive à nuancer. Des fois ça marche bien et on ressent quelque chose de vraiment fort. Les nuances c'est ce qui fait que la musique est belle.
Clément : Ou alors, c'est peut être un peu de maturité (rires).

Parlons de la scène. Hier soir vous étiez en première partie (des excellents SOMA, nda). Comment vous faîtes pour retourner une salle qui ne vous connaît pas ?
Franck : On commence à être habitué puisqu'on nous connaît pas (rires) !
Mathieu : On n'a pas le choix.
Greg : Hier soir en montant sur scène c'est peut être la seule fois où je ne me suis pas posé de questions ; je ne me suis pas dis que les gens n'avaient pas envie de nous vois ou qu'ils étaient là pour voir les autres. On a accumulé beaucoup d'expériences et parfois très difficiles comme à Bordeaux, qui est pourtant à deux heures de chez nous (Biarritz, nda) où le public est hyper dur.
Clément : Ils ne sont pas venus pour toi et ils te le font sentir dès le moment où tu rentres sur scène.

Oui mais Bordeaux, c'est particulier, il y a toute une tradition rock là bas...
Franck : Oui c'est sur. Mais ça n'est pas évident même pour les têtes d'affiche. On en a discuté avec plusieurs groupes dont on a fait les premières parties et c'est un public dur.
Clément : A Paris, il y a ce côté découverte qu'on a senti. Même si il n'y a que cinquante personnes dans la salle. Si ils n'ont pas envie de te découvrir, ils auraient d'autres choses à faire. Qu'ils aiment ou non, ils sont réceptifs et ils écoutent. Et hier c'était vraiment flagrant. On espère avoir capté l'attention. Dès qu'on arrive sur un plateau, comme ça, l'après midi la vibe est déjà là. Et l'accueil des équipes techniques dès qu'on met un pied dans la salle on sent cette énergie et on la retrouve dans le public. A Bordeaux on a eu une mauvaise expérience. Attention ça n'est pas dramatique non plus. Mais si le ressenti en tendu dès le début, en général c'est mal barré.
Greg : De toute façon, on apprend.
Clément : Pour les groupes en développement, qui font les premières parties, il faut quoi qu'il en soit se débrouiller avec beaucoup de contraintes.
Greg : On est bientôt à quatre ans d'existence du groupe et on continue d'apprendre et de se redécouvrir à chaque fois. Et hier j'ai encore halluciné sur la façon dont on arrive à se connecter entre nous...

Ca se voit, il y a des jeux de regards...
Greg : Hier je suis sorti de scène, et j'ai halluciné. Je ne pensais pas qu'on serait autant connecté... Je ne sais pas pourquoi. Peut être à cause des expériences passées. A chaque fois tu te dis, ça va le faire ou peut-être pas. Tant qu'on continue de se redécouvrir, c'est génial.

Vous êtes un jeune groupe en France, c'est la galère ?
Greg : On n'a pas à se plaindre.
Mathieu : Ca c'est sur.
Franck : En quatre ans, il s'est passé pas mal de choses. On n'y est pas encore. « La route est longue mais on a pris le bon chemin » comme on dit. On se sent soutenus, supportés, il y a des gens qui nous font confiance. Beaucoup de choses se sont mises en place, parfois de façon assez magique, mystique. Ca nous a fait gagner quelques mois. On ne peut pas se plaindre. La première fois qu'on est venu c'était il y a trois ans. Si on nous avait dit à l'époque qu'on aurait fait un album, on n'y aurait pas vraiment cru.
Greg : On arrive à soixante concerts dans les pattes. Cette année on a bien enchaîné. On a été contactés par un joli festival. C'est la première fois que ça nous arrive, sans avoir à batailler, tu reçois un email : « les gars, on vous veut en 2015 » et là tu fais WOW ! (sourire). On dit toujours que la première fois est la plus dure. Si l'effet boule de neige pouvait fonctionner... C'est des signaux qui font tellement plaisir. On s'est pris des vents depuis trois ans, il fallait qu'on apprenne, c'est tout. Combien de pros, nous font comprendre que ça n'arrive pas en quinze jours. Les gens sentent si tu est prêts ou non. On sent qu'on a progressé et on n'aurait pas pu faire les choses plus vite que cela.
Mathieu : On ne se plaint pas du tout, au contraire, on a énormément de chance, les choses avancent très vite. On est surpris. Attention à notre échelle, hein. Mais ça va bien au-delà de ce que l'on pouvait espérer.
Clément : Cette période de gestation est super bénéfique, pour l'expérience, pour plein de choses. L'album on voulait l'enregistrer très vite et puis au final on s'est aperçu que faire tourner nos compos en live nous avait beaucoup apporté. Pouvoir faire des aller-retours en studio aussi. Ca se construit petit à petit, on s'améliore. C'est bien d'avoir un peu de temps, pour mettre les choses en place, tout simplement.
Greg : L'erreur de jeunesse, c'est de croire que tout va arriver en un an. C'est impossible. On ne fait pas de la pop pour TF1, sans être péjoratif. Pour notre style de musique, on ne peut pas aller plus vite. Notre douzième concert, c'était aux arènes de Bayonne. C'était incroyable comme opportunité, mais on est sorti de scène avec l'impression que ça n'était pas pour nous. On avait pas du tout ce qu'il fallait dans le crâne. Les gens ont été adorables de nous proposer ça. Mais si on avait eu un manager à l'époque, on nous l'aurait dit, jamais de la vie, tu ne vas pas jouer devant cinq mille personnes à ton douzième concert. Surtout que moi, personellement, c'est mon premier groupe. Aujourd'hui on est super bien entouré.

C'est à la dure l'apprentissage...
The Dedicated Nothing : Ouais...
Clément : Mais il y a des trucs super violents, parfois. Si, si c'est vrai. Mais on le gère beaucoup mieux aussi. On s'enlève de la pression... Un date comme celle d'hier, il y a un an et demi, on se serait fait caca dessus pour parler poliment (rires).
Mathieu : Attention on a toujours le trac. Cinq minutes avant de monter sur scène, on a presque envie de s'enfuir.
Clément : Oui mais ça n'est plus de la mauvaise pression comme avant où on avait l'impression de jouer notre vie à chaque fois. En fait non, c'est cool, c'est du rock. Il y a trois pains, il y a trois pains, c'est tout.
Greg : Tu vois, hier j'ai la voix qui s'est barrée durant la journée. A deux heures du concert, j'étais hyper mal. J'étais en train de tout gâcher. J'ai pris un rhum. Et puis, rien à foutre, tant pis on va le faire. J'ai switché du négatif en cinq minutes. Je n'ai pas fait ce que j'ai voulu, mais ça n'est pas grave. Et puis surtout, personne dans le groupe n'a été affecté. Tout le monde était là : « T'inquiètes, on s'en fout, c'est bon, ça va être trop bien ». Et puis voilà, on s'en sort...
Propos recueillis le 03/12/2014.
Un grand merci au groupe pour sa gentillesse et à Marion qui a organisé la rencontre.

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