jeudi 1 juin 2017

Interview avec Lucie Baratte



A défaut de pouvoir aller voir son idole Janis Joplin en concert, Lucie Baratte s'est lancée sur les traces de la chanteuse. Une sorte de voyage initiatique dont elle a tiré « Looking for Janis » un livre passionnant sur lequel elle revient ici longuement, entre éclats de rire et émotion. A noter enfin, Lucie sera présente au Supersonic pour dédicacer son ouvrage le soir de notre concert du 9 juin prochain (l'événement Facebook est ici, le crowdfunding pour la soirée là).

Qu'est-ce que tu as ressenti quand tu as découvert Janis pour la première fois ?
Lucie Baratte : C'est spécial, c'est un bouleversement, ça m'a pris comme une énorme vague. J'étais petite, j'avais 14 ans. J'avais déjà eu des expériences avec la musique, d'avoir été emportée par une mélodie. Mais là… Ce n'était pas tant la mélodie, c'était surtout sa façon de chanter qui m'a bouleversée au niveau émotionnel mais aussi rationnel. La chanson avec laquelle j'ai découvert Janis, c'est « Coo Coo » de Big Brother & The Holding Co (1966, ndlr) qui n'est pas une chanson culte. Et puis c'était les débuts, elle cherchait encore sa voix et puis c'était le premier album du groupe, elle ne chantait pas sur tous les titres. C'est un disque enregistré un peu à la va vite et ils ont eu beaucoup de mal à le produire, il y a un côté un peu imparfait. Et c'est ça qui m'a frappé. A l'époque, elle s'écartait du micro pour chanter, pour pouvoir crier plus fort. Tu entends qu'elle s'éloigne, j'ai trouvé ça dingue ! Ce truc qui partait dans tous les sens comme si elle ne pouvait pas retenir son énergie, ça déborde trop, elle ne pouvait pas gérer. Ça fait comme un tsunami. J'ai été obsédée par cette chanson, il fallait que je l'écoute en boucle, seule, dans le noir (rires)…

Que représente pour toi cette musique…
Lucie : C'est difficile comme question (elle réfléchit, silence). Il y a plusieurs choses, mon adolescence, la période entre mes 14 et 18 ans, déjà. C'était l'époque où je l'écoutais à fond, j'étais obsédée par elle, c'était mon modèle absolu. Sa musique a accompagné ma vie quotidienne. Quand je réécoute sa musique, je repense à la Lucie que j'ai été (silence). Après sa musique représente quelque chose ultra intime, de magique et de sacré. Même si plein de gens écoutent Janis Joplin, j'aurai toujours le sentiment que moi je partage un truc particulier avec elle. Je n'ai pas ça avec d'autres artistes. J'aime beaucoup Tori Amos aussi par exemple. Mais la musique de Janis m'offre une sorte d'intimité avec elle. J'ai le sentiment de la connaître personnellement, dans une sorte de dimension spirituelle, et de vivre un truc unique avec elle. Pour moi elle symbolise aussi une libération, la libération des femmes. Je viens d'un milieu très traditionnel, je suis la seule fille dans une famille de garçons… C'est comme le déclencheur sur une vie très linéaire (elle claque des doigts). Et là tu vois la vie autrement. Et ça c'est la musique, le chant de Janis. Tout devient possible. Son côté extrême, c'est le plus beau cadeau qu'elle est fait à l'humanité. Quand tu la replace dans son époque, c'est fou ce qu'elle a pu accomplir. Encore aujourd'hui ça n'est pas hyper simple. Les femmes dans le rock ça n'était pas si courant que ça… Et là Janis a poussé très loin la libération en prenant parfois des artifices plutôt masculins.

Comment est née l'idée de ce voyage ?
Lucie : C'est très personnel. C'est lié à la manière dont je me suis construite. Je me suis inspirée de Janis Joplin.

Cela peut-être dangereux (rires)…
Lucie : Cela peut-être très dangereux (rires). Mais les drogues dures et les expériences trash n'étaient pas ce qui m'intéressait. Il y avait quelque chose en elle, ce côté étrangement très vivant, alors qu'elle est décédée très jeune (27 ans, ndlr). Pour moi cette relation avec Janis était intime. Après, pendant longtemps, je n'arrivais plus à écouter ses disques. Sa musique me rendait triste sans que je comprenne vraiment pourquoi. J'ai continué à chercher des albums pirates, à lire les bouquins mais il y avait un vrai problème perso. Je me suis mariée jeune et je m'étais oubliée. A 27 ans je me suis demandée : « Mais c'est quoi ma vie en fait ? ». J'avais des envies, je voulais être artiste, aller à des concerts. Mon problème de couple a fait remonter le fait que je m'étais mise de côté. Quand j'ai eu 28 ans je me suis réveillée. D'un coup j'étais plus âgée que Janis. A 17 ans, je rêvais que pour mes 18 ans je verrai la maison natale de Janis à Port Arthur (Texas, ndlr). Ca serait tellement génial. Mais d'autres soucis à gérer ont fait que je n'y suis pas allée. Dix ans plus tard, à 28 ans, je me suis dis : « Mais c'est quoi ce truc ? ». Si je ne le fais jamais, à quoi ça sert ? C'est là que l'idée du voyage a commencée à germer dans mon esprit. Et j'ai recommencé à réécouter Janis Joplin en boucle et plus je me sentais à nouveau moi-même. Je me reconnectai avec moi-même, je réintégrai une partie de ma personnalité que j'avais mise de côté. Une partie oubliée de mon âme. Je me suis promise, le jour de mes 30 ans, je serais avec Janis. Je vais faire ce voyage avec Janis Joplin, c'est trop important pour moi.

Comment as-tu décidé du parcours, il y avait des endroits mythiques aussi sur la côte Est des Etats-Unis, Woodstock, l'hôtel Chelsea à New York ?
Lucie : J'ai choisi en fonction de la corrélation avec mon intention personnelle : me reconnecter avec Janis, retrouver qui j'étais, aller vers ma vérité. Et ça je voulais le faire avec Janis. Refaire son parcours quand elle avait quitté le Texas où elle se sentait opprimée, déphasée pour San Francisco. La route avait un sens. J'ai terminé là où elle est décédée à Los Angeles. J'ai suivi une logique : sa vie en accéléré. Les choses les plus importantes, les plus marquantes. J'ai fait aussi le parallèle avec ma propre existence, je viens d'un milieu provincial, traditionnel, c'est très bien, mais ça m'a aidée à trouver un lien avec Janis. Je me suis retrouvée dans son parcours, sa route vers la libération.

Et quel a été l'endroit le plus émouvant ?
Lucie : Il y en a eu beaucoup. Je pense que le plus fort c'est sa maison d'enfance à Port Arthur (Texas, ndlr). Il y a eu peu de transition entre l'avion, l'hôtel et la maison de Janis. En 48 heures, j'étais passée de Lille à Port Arthur. Le rétrécissement de l'espace était hyper fort, d'un coup ça semblait facile. Il suffisait de prendre un avion. J'en avais discuté avec un copain fan de Queen. Lui il a une théorie, être fan c'est réduire les espaces, temporels, physiques. Avec Janis, je ne peux plus réduire l'espace temps, je ne serai jamais dans le même temps qu'elle, c'est impossible. Je ne peux que réduire l'espace physique. Et là tout d'un coup, j'étais le plus proche physiquement de ce qu'elle avait pu vivre. Et ce très rapidement. Il y avait un truc fort. C'était la maison de son enfance, là où elle avait commencée et là où moi j'ai commencé mon voyage. Après il y avait aussi la plage Stinson Beach, qui était aussi très fort, j'étais dans le trip où je me baignais avec les cendres de Janis (sourire). J'étais déjà allée à l'Olympia où elle avait chanté mais ça n'avait rien à voir.

Et la rencontre la plus marquante ?
Lucie : C'est difficile comme question (elle réfléchit). C'est vachement dur. Rencontrer Janis Joplin, mais c'était plus une rencontre spirituelle. Il y a eu beaucoup de gens et chacun apporte à l'histoire de manière différente (silence). Je vais quand même dire Sam Andrew (le guitariste de Big Brother). Cela a été un moment très très fort.

Surtout maintenant qu'il nous a quittés…
Lucie : Oui, c'est clair. Et puis c'était génial, après on est resté en contact sur Facebook, il était tellement sympa (émue). Mais là c'était vraiment un moment de « fan attitude ». Un peu pétrifiée, je ne savais plus quoi dire. Il était tellement bienveillant (émue). Il parlait le français, il avait fait ses études à La Sorbonne, il était trilingue… Incroyable. Une très très chouette rencontre.

Il y a un chapitre que j'ai beaucoup aimé dans le livre, c'est cette fameuse lettre à Janis où tu lui dis « je t'aime mais j'ai envie de te dire merde » !
Lucie (rires) : Ah oui cette fameuse lettre. Tu n'es pas le seul à m'en parler, ç'a perturbé pas mal de monde !

J'ai trouvé ça très bien, parce que cela instaure une certaine distance, on n'est pas dans l'adoration aveugle du fan et en même temps, en lisant le livre on a l'impression que tu l'as vraiment connue en personne.
Lucie : Dans mon cœur, je me sens intime avec elle. Au fil du temps, c'est comme une amie. Imagine ton meilleur ami au lycée. On grandit différemment. Tu peux voir ce que tu partages, à quel point tu peux t'aimer mutuellement mais aussi les différences ou en vouloir à l'autre…

Tu évolues différemment aussi de tes amis d'adolescence et après un moment tu n'es plus en phase…
Lucie : Exactement. Et c'était ce moment là avec Janis. Moi je ne suis pas en phase avec tout ce que tu as fait. Je ne peux pas dire, c'est ok, c'est génial, tu t'es éclatée jusqu'à la fin. Non (grave). Dans un sens c'est quand même con. Quelque part j'aimerai qu'elle soit toujours en vie et complètement has-been. Est-ce qu'elle serait autant à la mode ? Je me poserais toujours la question. Quand je me suis vraiment connectée avec Janis Joplin, quand j'étais sur la route en émotions et en pensée avec elle, ça m'a rendue vachement triste. Je lui en voulais d'être morte, comme un épisode de deuil. Elle me manque tout le temps, comme quelqu'un de ma famille, que j'aime profondément et qui ne sera jamais là.

Est-ce que tu penses qu'écrire ce livre, la dessiner, car il y a beaucoup de croquis dans l'ouvrage, c'est un moyen d'insuffler un peu de vie nouvelle dans son œuvre ?
Lucie : Complètement ! C'est même la démarche profonde du livre. Les dessins, les textes écrits à la main sont autant de captations de choses dites ou vécues par Janis pour essayer de la capter vivante. Je ne voulais pas que cela devienne un monument en marbre morbide. Je suis un peu mal à l'aise avec les biographies, les documentaires. Et si moi je mourrais et si quelqu'un parlait de moi, peut-être qu'il se gourerait complètement… Je me demande ce que Janis pensait et vivait vraiment. C'est pour ça que le livre est construit sur des flashs, où on capte une phrase, une image, un son. Je voulais la rendre vivante de manière sensible. Ce livre c'est Janis qui me parle et qui parle au lecteur.

Tu as commencé par un blog. Comment ce blog est-il devenu un livre ?
Lucie : De part mon métier, je suis dans une démarche artistique. C'est le sens que je donne à ma vie, j'ai besoin de créer. Quand je suis partie, je me suis dit que ça serait chouette d'en faire quelque chose sans savoir quoi exactement. Je suis juste partie avec mon appareil photo. Et j'avais vraiment besoin d'écrire. J'ai donc commencé un blog mais avant tout pour moi, mes copains et ma famille. Pour raconter, comprendre. J'en fait plein de photos. Quand je suis rentrée, quelques mois plus tard, j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose qui fonctionnait bien quand on regarde les photos et les textes. Et les photos racontent quelque chose que l'on ne retrouve pas dans les textes. Assembler les deux permet de raconter l'histoire d'une nouvelle manière. Le texte et l'image se mélangent pour faire vivre une expérience au lecteur et ça, ça m'intéresse.

Le livre est très illustré…
Lucie : C'est un roman photographique et graphique en même temps. Chaque élément est là pour une raison. Il y a différents niveaux de lecture, par l'image, les citations apportent une nuance ou éclairent le sujet…

Tu as tout fait toute seule, chemin de fer, mise en page, textes et photos. C'est titanesque comme charge de travail…
Lucie : C'est énorme (rires) ! J'ai retravaillé les textes du blogs tout en gardant le côté spontané « flashs sur la route ». Quand j'ai mis le texte bout à bout ça faisait déjà 150 pages A4, je me suis dit « Wouah, on va attendre un peu pour la traduction » (rires) ! Cela m'a pris cinq ans pour en venir à bout... Les trois derniers mois j'ai travaillé comme une forçat ! C'était super enrichissant. Il y avait des choses que je connaissais du fait de mon métier de graphiste comme la mise en page. J'ai travaillé pour des éditeurs, je connaissais le chemin de fer, tout le process du livre mais il y avait plein de choses auxquelles je n'avais pas pensé. Je voulais un livre « enrichi ». Il fallait réfléchir au positionnement des traductions, il y avait de l'argot des années 1960, pas évident à traduire. J'ai aussi abandonné pas mal de photos qui ne fonctionnaient pas dans ce côté livre. Je ne voulais pas que cela devienne trop illustratif. Et puis à la fin tout le questionnement autour de la fabrication : quand, comment, combien ??? C'était génial en même temps. Ce livre c'est un témoignage à la croisée de plein de choses : un journal intime, un livre rock, un carnet de voyage.. Je l'ai fait à fond sans compromis. C'est aussi une grosse prise de risque pour moi. Mais c'était dans la même démarche que Janis, si j'y vais, j'y vais vraiment. Si je l'ai fait c'est parce que je pense que cela pouvait apporter quelque chose à quelqu'un d'autre.

Qu'as-tu ressenti quand tout était fini et que tu as tenu le livre dans les mains pour la première fois ?
Lucie : Je crois qu'à ce moment là mon cerveau fonctionnait à peine (rires) ! Ca faisait tellement longtemps que je travaillais dessus, il fallait que je réalise ! Le côté pro a pris le dessus, j'ai vérifié la reliure, le nombre de pages, les détails techniques. Et puis ç'a été (elle chuchote tout doucement) : « Ah oui, il est bien, il est doux. Les photos rendent bien » (rires)… C'est quelque chose que j'ai imaginé, créé, ç'a été long. Et maintenant il existe, d'autres gens le découvre, le lisent et l'apprécie et il vit sa vie. C'est con hein ? (rires). Mais j'étais très contente du résultat, l'impression, la reliure. Les photos rendent bien et c'était la grosse difficulté. Je voulais que le bouquin soit maniable, chaleureux, qu'il ait une forme populaire, à l'inverse d'un livre photo classique un peu glacé et froid.



Tu es revenue différente de ce voyage ?
Lucie : Je le pense, oui. Cela ne peut pas être neutre. Cela m'a donné beaucoup de force de voir ce qu'il y avait au bout de mon rêve, de ce désir. Le dernier chapitre à été très dur à accoucher. Pendant un long moment, j'avais du mal à revenir du voyage à reprendre une vie classique. J'avais encore envie d'être là-dedans. J'avais du mal à me séparer de Janis. C'était ça le retour à la réalité. Janis, elle est décédé et ça c'est fait… Et ta vie elle continue et qu'est-ce que tu en fait maintenant ? Qu'est-ce que cela t'apporte dans ta vie de tous les jours ? Par sa création artistique Janis a changé ma vie ou du moins ma vision du monde. Et ça pour moi c'est le truc le plus important. Elle l'a fait pour plein de gens. C'est magique et puissant de voir comme l'art peut créer des connexions et faire grandir. C'est son esprit libre et rock n'roll qui sera toujours avec moi. Partir toute seule, conduire ç'a ma donné beaucoup de confiance en moi. Surtout pour la conduite, toute ma famille avait peur! J'avais des recommandations, si tu es perdue dans le désert, tu bois l'eau du radiateur (rires) ! Gros stress (rires) ! J'ai plutôt réussi à m'en sortir, c'était cool !

J'étais avec mon frère le jour où on a appris la mort d'Amy Winehouse et il a tout de suite fait le rapprochement : « 27 ans, comme Janis Joplin » ! Je n'avais même pas fait le rapprochement…
Lucie : Je l'ai appris le jour même de mon arrivée aux Etats-Unis ! C'était fou ! Je venais d’atterrir à Houston, j'étais claquée, je vais directement dormir. Le lendemain, je vais à la salle du petit dej' et je vois l'info. Un truc de fou. Et ouais (soupir un peu triste)… Je me demande toujours si l'histoire se répète ou si cela tient du fantasme de notre société, des héros rock n'roll, sacrifiés. Il y a plein de jeunes rockeurs qui sont morts entre 23 et 35 ans. On a fait cette fixette sur le « club des 27 ». Ca créé des mythes. Je me méfie du mythe. La notion archétypale m'interpelle mais je me demande toujours ce qu'on en fait de cette « histoire de héros ». C'était des êtres humains. Tout de suite après avoir appris le décès d'Amy Winehouse, j'ai pensé que c'était parti pour les documentaires et tout. Est-ce bien nécessaire ? Même si il faut lui rendre hommage. Mourir à 27 ans c'est tragique.

Moi, quand j'ai eu 27 ans, j'ai pensé à tout ceux qui sont décédés à cet âge là et je me suis rendu compte que tout ces disques, que l'on considère comme des chefs-d’œuvre, ils les ont enregistrés très jeunes. La maturité artistique est assez dingue…
Lucie (elle approuve) : Oui c'est dingue. C'est incroyable. Amy Winehouse cette voix, quel talent. On est un peu tous fascinés par cette tranche de 27 ans, le basculement ado/adultes. C'est comme si tous ces personnages n'avaient pas pu passer à l'âge adulte, à l'âge dit « de raison ».

Oui, et qui restent éternellement dans une sorte de jeunesse…
Lucie : Oui, la jeunesse éternelle. Et notre société est fascinée par la jeunesse, c'est quelque chose qu'on valorise beaucoup.

Et tu as eu un sentiment particulier le jour de tes 27 ans ?
Lucie (interdite) : J'ai pleuré. Pourtant ma vie elle n'était pas si mal que ça. Mais je n'était pas à l'endroit où je me sentais à ma place. Le temps passe trop vite. C'est pour ça que dans le livre, je parle beaucoup de la chanson « Kozmic blues » où Janis parle, à 25 ans, du temps qui passe, des amis qui s'en vont, les gens meurent… Je l'ai ressenti aussi. Janis c'était mon modèle, je me suis demandé : « Mais qu'est-ce que j'ai fait moi de 20 à 27 ans ? ». J'ai fait des études, j'ai travaillé, rencontré des gens. Rien d'extraordinaire en fait. Cela a été une grosse remise en question.

Est-ce que c'est compliqué de vivre une vie de fan quand l'idole est décédée ?
Lucie : Oui c'est compliqué et je dirais même que c'est compliqué de vivre une vie de fan tout court. Je m'en rends compte de plus en plus quand je discute avec ceux qui viennent me voir en dédicace. Plusieurs personnes m'ont avoué être fan de quelqu'un. On a un peu cette image ridicule du fan, l'adoration aveugle, les cris, l’hystérie, les groupies. Etre fan, c'est déjà un peu difficile à assumer à la base. J'ai un peu de mal avec les autres fans de Janis. J'ai l'impression d'être intime avec elle et d'être la seule à pouvoir la connaître comme ça. J'ai pas l'impression qu'on parle de la même personne. C'est assez triste en fait. Tu pourras jamais la voir en concert, avoir une dédicace, lui poser une question. Avoir une interaction comme avec un autre être humain. Je remets en question le « côté mythe ». On te sert des documentaires, tu as juste des légendes pour la connaître. C'est compliqué, cela peut être un peu frustrant. Ma réponse avec le livre, c'est que la solution et les réponses aux questions sur Janis se trouvent à l'intérieur de moi. Ce bouquin c'est ma Janis, celle que moi je me suis imaginée. Tu vois Tori Amos est toujours en vie, je touche du bois. Tori Amos, j'ai eu la chance de la rencontrer, de lui parler. Je lui ai offert des petits livres que j'avais fait en micro édition. Et c'était super. J'ai eu la chance de lui dire merci, ce que j'ai toujours voulu dire à Janis. Juste se connecter sur ce « merci » en vrai c'était magique (sourire, des étoiles dans les yeux). Je trouve ça très important d'honorer ce sentiment de gratitude qu'on peut avoir envers les autres. Artistes, famille, amis, parfois même un client. Pour moi, c'est une valeur importante.

Rêvons cinq minutes. Si je te dis, ce soir on va voir Janis en concert. Comment tu imagines la chose ?
Lucie : Oh la la… Je ne sais pas, ça serait tellement fort. C'est là que je me rends compte que dans le livre j'ai quand même répondu à pas mal de mes questions. Ado, j'étais vraiment fascinée par l'idée de la voir. Et j'avais très peur qu'elle me trouve conne. J'aurai de l'appréhension je pense (elle réfléchit). Je pense que j'aurai envie de pleurer, d'excitation, de joie. Cela m'a mis dans tout mes états quand j'ai découvert que ma prof d'anglais l'avait connue personnellement. J'ai trouvé ça complètement fou. Je ne sais pas dans quel état je serai… Peut-être que Janis donne des concerts au paradis ? Si on va au paradis, c'est encore autre chose…

Propos recueillis le 19/11/2016.


En dédicace le 9 juin au Supersonic (Paris, Bastille)

Et pour rappel notre opération de crowdfunding :

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