mardi 29 août 2017

Rock en Seine 2017


(c) Christophe Crénel

Voici venu le temps de Rock en Seine et pour trois jours on retrouve notre petite bulle musicale, coupés du monde, où l'univers tourne autour de questions hautement existentielles telles que « Bon on va voir qui : At the drive-in ou Cannibale ? » (la réponse à l'insoutenable suspense se trouve un peu plus loin dans cet article). Petite revue d'effectif…

Vendredi 25 Août
Cannibale (c) Victor Picon
The Pretty Reckless (c) Olivier Hoffschir

On commence tranquillement (façon de parler) avec The Pretty Reckless, tout de noir vêtus, menés par la chanteuse Taylor Momsen. Reprenant à son compte l'héritage du hard rock des années 1980, le groupe livre une prestation calibrée pour la scène d'un grand festival. Fort en décibels, envoyés avec un professionnalisme certain mais manquant tout de même un peu d'âme. De plus, désireuse de couper avec son image d'actrice hollywoodienne, la chanteuse (et ex-star de la série Gossip Girl) surjoue son rôle de bad girl des « f-word » plein la bouche… Nous voici ensuite en route à la découverte d'un territoire inconnu, la nouvelle scène Firestone, sponsorisée par la marque de pneus du même nom, et décorée comme une station service vintage. Amusant, certes mais pas forcément idéal pour la musique, la scène, minuscule, est loin d'afficher le même standing que les autres. Ce qui n'empêche pas d'y voir des groupes de qualité, comme Cannibale (fin du suspense) signés sur Born Bad, le label qui nous empêche de sombrer dans la monotonie. Et là Born Bad a fait fort. Cannibale vient de Normandie, ses membres affichent un âge certain (la quarantaine) et ils sont tombés dans la marmite des musiques africaines et caribéennes, influences qu'ils mélangent avec des guitares fuzz et autres claviers vintage produisant un rock garage/psychédélique exotique et fort en goût. Un trip hallucinant ! On termine notre première (petite) journée par une virée sur la scène Ile-de-France, qui a la particularité de ne présenter que des artistes en développement originaires de la région sous une tente intime et décorée comme une petite salle de concert de banlieue. L'occasion pour nous de découvrir en live le duo (guitare/basse) No Money Kids pratiquant un blues/rock original où la batterie est remplacée par une boîte à rythme. Des boucles électro apportent une note planante sans pour autant dénaturer le fond très roots de la chose. Belle découverte.

Samedi 26 Août
Frustration (c) Olivier Hoffschir
Ulrika Spacek (c) Olivier Hoffschir 
Lysistrata (c) Olivier Hoffschir
The Kills (c) Christophe Crénel

La découverte, le groupe surprise, que l'on ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, et qui devient notre préféré, bref, le coup de cœur, c'est la grande joie des festivals. Celui de cette année est arrivé à l'aube du deuxième jour en la personne des Anglais d'Ulrika Spacek. Groupe étrange, aux contours peu définis, la formation anglaise évolue à la marge de l'indie rock, dans lequel on retrouve des accents post rock atmosphériques et progressifs et un trio guitares shoegaze. Pas tout à fait garage ni psyché, simplement unique en son genre. Tirant son nom d'une pièce de théâtre antique Lysistrata est un trio particulièrement énergique. Face à face, le guitariste et le bassiste se font front, se nourrissant l'un l'autre. Intense dans un registre pas si éloigné de la scène noise des années 1990. Un petit tour ensuite sur la scène Ile-de-France qui a la particularité ce jour de mettre à l'honneur des groupe de lycéens via le dispositif « Première Seine ». On retrouve le trio féminin Dragon's Daugther, une formule punk/rock assez classique, pas encore aboutie, normal vu le jeune âge des musiciennes, mais emballante de fraîcheur et d'enthousiasme. Une prestation assez touchante. Dans la lignée de leur prestation aux Eurocks il y a un an, The Kills sont désormais quatre sur scène. L'ensemble gagne en épaisseur et leur compositions aussi. Détour obligatoire ensuite vers la scène de la cascade pour retrouver la soul millésimée de Lee Fields, lequel fait figure de survivant entre la disparition cruelle de Sharon Jones l'an dernier et la maladie de Charles Bradley. Lee quant à lui est dans une forme épatante. Vêtu d'une veste jaune à paillettes du plus bel effet, Lee arpente les sentiers de l'âge d'or de la soul, fortement empreinte d'influences des années 60 et 70. Le vécu, d'un réalisme saisissant, coule de ses cordes vocales, groove pêchu grâce aux interventions des cuivres, un brin de psychédélisme dans la guitare, tout est là pour faire de ce moment un intermède divin ! Passer du coq à l'âne c'est tout l'art d'un festival. A l'autre bout de l'échiquier, et sur la scène de l'industrie, on retrouve les français de Frustration et leur horde de fans hardcore, qui les suivent partout. Pour qui ne les a jamais vus, découvrir Frustration sur scène est un choc. Le son des synthés est puissant, énorme, assommant. Jamais très loin de la cold wave, Joy Division en tête, les Français apportent leur touche personnelle par le biais d'une guitare garage et rock n'roll en diable contrastant avec l'apparente froideur de la section rythmique et des claviers. Le résultat est dantesque, le public est K.O, il va nous falloir un petit moment pour nous remettre…

Lee Fields (c) Christophe Crénel

Dimanche 27 Août

King Khan and The Shrines (c) Olivier Hoffschir

King Khan and The Shrines (c) Olivier Hoffschir

Deluxe (c) Olivier Hoffschir
Ty Segall (c) Olivier Hoffschir

C'est déjà le dernier jour, le mercure monte en flèche, les décibels aussi… On commence avec notre Olibrius préféré King Khan et son groupe The Shrines. Rhythm and blues, soul et blues sont au programme mais sur une note déjantée et portée par une énergie résolument punk. Beaucoup plus freaks que Lee Fields la veille, King Khan adjoint le geste à la parole enfilant une combinaison moulante (franchement pas super seyante) à plumes dévoilant l'envers de son anatomie… Avec des personnages comme lui, le festival ne risque pas de tomber dans la monotonie, tant mieux ! On peut presque en dire autant des Français de Deluxe qui prennent la suite sur la grande scène. En concert, la proposition de Deluxe est particulièrement aboutie. Melting-pot de musiques où se croisent funk, disco, hip-hop, électro et (quand-même) un peu de rock, Deluxe met le show en avant. Tout est fait pour favoriser l'interaction avec le public, différents membres du groupe prenant la parole pour exhorter le public à « surfer » (en gros, sauter, lever les bras en l'air etc.) Le tout sous le signe de la pilosité (ah les bacchantes du bassiste) partagée et même pour la chanteuse qui arbore un jupe en forme de moustache. Il nous a abasourdis il y a un an (aux Eurockéennes), Ty Segall est de retour ! Moins incisif que par le passé, Segall évolue en territoire mouvant entre garage et psyché. Entre guitares incisives et piano progressif, Segall se perd un peu en route et nous aussi, avant de se blesser à l’œil, un bout de baguette de batterie semble t-il, c'est dire si le batteur cogne. On est un peu déçus quand-même. Il y a peu, Mac DeMarco a sorti un album particulièrement relax suite à son déménagement en Californie. Il en va de même sur scène ou Mac s'amuse comme un petit fou, « peut-être un petit peu trop » selon ses propres termes, prenant la posture d'un chef d'orchestre déjanté, faisant accélérer son groupe au-delà du raisonnable, rendant son répertoire inécoutable. Débonnaire et amusant. Ils ont débarqués précédés d'une réputation flatteuse, The Lemon Twigs (en quatuor) font revivre la FM des années 70 entre guitare glam rock et psychédélisme flamboyant du clavier. L'intermède slow au piano casse un peu le rythme de la chose mais le set charme par sa nostalgie. Retour ensuite à la « station service » où Arnaud Rebotini, seul entouré des ses synthés vintage, fait danser la foule. Cela commence plutôt doucement avec des nappes planantes avant que les couches successives ne fassent tout exploser. Derrière ses claviers, le musicien semble comme happé, possédé, jetant de temps en temps un œil à la foule pour y puiser une nouvelle énergie. La communion avec le public semble totale. Un trip spatial 80s… On termine enfin notre week-end en compagnie du Villejuif Underground, un quatuor atypique où la batterie est remplacée par une boîte à rythme apportant une sorte de rectitude froide au déluge de guitare garage/fuzz. Le groupe attire la sympathie, son chanteur australien, showman assumé et déluré, n'hésite pas à se rouler par terre au milieu du public transformant l'instant en gros bordel rock n'roll quoi de mieux pour clôturer ces trois jours ?

Mac Demarco (c) Olivier Hoffschir
The Lemon Twigs (c) Victor Picon
Arnaud Rebotini (c) Christophe Crénel
Arnaud Rebotini (c) Christophe Crénel

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